Le dur combat des enfants durant le confinement

RITA VENKATASAWMY
Ombudsperson pour les Enfants

L’enfant n’est pas un adulte en miniature

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L’heure est grave. Nous vivons tous des moments difficiles, en particulier les enfants de par leur vulnérabilité. En cette période de confinement sanitaire, bon nombre d’adultes montrent des signes d’énervement et affirment qu’ils se sentent emprisonnés. Certains n’hésitent même pas à défier les autorités pour s’offrir quelques moments de liberté. Si nous trouvons « normal » que des adultes vivent difficilement le confinement, comment pouvons-nous nous attendre à ce que des enfants – surtout ceux en bas âge – se comportent en soldats obéissants ? Ceci n’est pas possible ! Les enfants du monde entier ont un immense besoin de courir, sauter, glisser, grimper et jouer à l’extérieur. Maria Montessori n’a jamais cessé d’insister sur le fait que l’intelligence se développe par le mouvement. Tous les spécialistes de l’enfance savent que le manque de mouvement risque d’affecter négativement la santé mentale des enfants. Malheureusement pour les milliards d’enfants partout dans le monde, le Covid-19 est arrivé, ce méchant loup qui guette à chaque coin de rue. Subitement pour leur SECURITÉ, ils doivent tous rester chez eux. À Maurice, l’État, les parents, les enseignants, les agents de police, le personnel de santé, la Child Development Unit, l’Alternative Care Unit, le bureau de l’Ombudsperson et tous les autres professionnels de l’enfance ont le même message pour les enfants : « Chers enfants, ne sortez pas, restez chez vous ! Personne n’a le droit en ce moment de remettre en question cette consigne de sécurité. » Cependant, tous les adultes DOIVENT être sensibilisés au fait que l’éducation d’un enfant à l’intérieur risque d’avoir des effets dévastateurs sur celui-ci. Quelques exemples des possibles conséquences : colère et agressivité, hyperactivité, difficulté de concentration, tristesse profonde, refus ou abus de nourriture, désir de fuguer ou dépression infantile. Quand l’adulte est conscient des besoins psychologiques de l’enfant, il est plus armé pour lui témoigner de la compassion et l’aider à mieux affronter l’épreuve du confinement. Bref, l’adulte doit bien comprendre qu’un enfant n’est pas un adulte en miniature !

Témoignage d’un père de famille

« Au début du confinement, mon souci principal était l’éducation de mes enfants. Nous ne sommes pas des diplômés, mais je tiens à ce que mes enfants soient bien instruits. Je suis très sévère avec eux. J’instaure des règles très strictes pour qu’ils puissent étudier comme à l’école. Personne n’a le droit de bouger sans ma permission. Le plus jeune (10 ans) passe son temps devant la télé pour étudier. Le cadet (12 ans) est devant son ordinateur pour ses devoirs et ma fille de 16 ans est toujours dans sa chambre. Elle communique avec ses enseignants. Au bout de cinq jours, alors que je suis convaincu que je fais TOUT pour l’éducation de mes enfants, ma fille fait une terrible crise de colère. Elle HURLE, me traite de tous les noms et lance tout ce qu’elle a sous la main par la fenêtre de sa chambre. Désespéré par cette situation imprévisible, je la supplie d’arrêter… Au bout d’une trentaine de minutes, elle se calme mais commence à sangloter. Je suis mal. Ma fille m’insulte et m’accuse d’être un père ignoble. Ses frères se rangent de son côté : « Didi a raison. » Dans les jours qui suivent, ma femme et moi demandons de l’aide à des professionnels des droits de l’enfant. Nous comprenons que les enfants ont un grand besoin de bouger, de respirer l’air frais et de se dépenser. J’accepte de changer mon attitude et ma manière de me comporter avec mes enfants. Notre petit salon se transforme en un clin d’œil en salle polyvalente ! Ma femme et moi élaborons un plan d’activités. Nos enfants suivent toujours les cours à la télévision et en ligne mais nous faisons la cuisine, le ménage, la peinture et la gym tôt le matin avec eux. Nous chantons et dansons ! Je ne me reconnais plus. Après le dîner, toute la famille adore danser le séga. Je remarque que tout le monde dort mieux depuis que nous bougeons davantage. Ma fille se rapproche de moi de jour en jour et m’a même présenté ses excuses. Tous les jours le confinement change nos vies. Ma famille est heureuse. »

Encore plus difficile pour les enfants en situation de handicap ?

Pour les enfants en situation de handicap, le confinement pose encore plus de problèmes, d’abord pour eux-mêmes et ensuite pour leurs familles. Ces enfants sont nombreux à avoir perdu leurs repères car leur vie quotidienne a été du jour au lendemain bouleversée. Des parents témoignent :

– Mon enfant est autiste « Notre enfant autiste ne peut pas parler. Mais nous savons qu’il veut sortir, se promener et jouer dans le jardin municipal. Toute la journée, il se dirige vers la porte de la maison. Il pleure et il nous tape. Nous comprenons sa douleur. Nous comprenons aussi combien il est important de ne pas sortir pour se protéger du Covid-19. Malgré tout, depuis quelques jours, alors que tout le monde dort vers minuit, nous marchons dans la rue avec lui, la peur au ventre. Depuis, il s’est beaucoup calmé. »

– Mon enfant est hyperactif « Ma fille de 6 ans est atteinte du trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité. Je vis seule avec elle, son père l’ayant abandonnée à sa naissance. Elle court dans tous les sens à longueur de journée et je cours après elle… Je suis épuisée. J’ai hâte qu’elle puisse reprendre le chemin de l’école. Aujourd’hui, je me rends compte à quel point ses enseignants sont des personnes formidables. Quand ma fille dort, je leur parle. Elles sont devenues mes amies. Nous discutons jusqu’à fort tard. Je suis seule mais je ne suis plus seule… »

– Mon enfant est non-voyant « Ma fille a 15 ans. Elle est jolie, intelligente, sensible, généreuse, humble et surtout très sage. Alors que tous les membres de notre famille commencent à s’énerver durant le confinement, elle prend l’initiative d’organiser une grande réunion de famille. Elle nous parle des enfants de rue qui n’ont rien à manger en Inde, des milliers de malades du Covid-19 qui meurent chaque jour en Italie et aux États-Unis, de la chance que nous avons d’être en vie. Elle nous parle de la beauté de notre île. Elle aime marcher sur la plage sablonneuse et écouter le son des vagues. Et finalement, elle nous parle de son livre audio – « Le Petit Prince ». Elle nous demande de méditer sur cet extrait qu’elle connaît par cœur : « C’est une folie de haïr toutes les roses parce qu’une épine vous a piqué, d’abandonner tous les rêves parce que l’un d’entre eux ne s’est pas réalisé, de renoncer à toutes les tentatives parce que l’une d’entre elles ne s’est pas réalisée, de renoncer à toutes les tentatives parce qu’on a échoué… C’est une folie de condamner toutes les amitiés parce qu’une d’elles vous a trahi, de ne plus croire en l’amour juste parce qu’un d’entre eux a été infidèle, de jeter toutes les chances d’être heureux juste parce que quelque chose n’est pas allé dans la bonne direction. Il y aura toujours une autre occasion, un autre ami, un autre amour, une force nouvelle. Pour chaque fin, il y a toujours un nouveau départ… » Ce soir-là toute la famille a pleuré… de joie ! » « Cette crise du coronavirus met en relief tous nos problèmes de société qui restaient jusqu’ici « Cette crise du coronavirus met en relief tous nos problèmes de société qui restaient jusqu’ici dans des zones d’ombre ou d’indifférence. » dans des zones d’ombre ou d’indifférence. »

– Peter Patfawl (Dessinateur de presse et personne en situation de handicap) Le 19 avril 2020

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