PORTRAIT : Krish Seetah, archéologue mauricien

Malgré son physique d’acteur de feuilleton télévisé, Krish Seetah est un docteur es archéologie, bardé de diplômes – son CV tient sur onze pages ! Il enseigne dans plusieurs universités britanniques, dont celle de Cambridge, et publie régulièrement des articles dans des revues spécialisées. En dépit de ses diplômes et de son expérience, Krish Seetah, le premier archéologue mauricien, n’est pas un scientifique enfermé dans son savoir. Il est une espèce d’Indiana Jones version mauricienne, sans le fouet mais avec le sourire, dont voici le portrait.
Krish Seetah est né, il y a eu trente-sept, à la Cité Vallijee, à Cassis. Son père était un messenger dans le service civil affecté au bureau du Premier ministre, dont il était un des hommes de confiance. Ce qui valut au messenger d’être transféré, à la fin des années soixante-dix, à Londres à la Haute Commission mauricienne, comme chauffeur. C’est ainsi qu’à l’âge de 4 ans Krish, sa mère et ses deux soeurs vont rejoindre leur père et époux à Londres. Krish fait ses études à Londres et se passionne tout de suite pour les matières scientifiques. Il entame des études en biologie au niveau du secondaire, les poursuit au niveau universitaire et obtient, en 1996, un B. Sc (Hons) dans cette matière à l’université de Surrey. C’est le premier de sa collection de diplômes. Deux ans plus tard, à la même université, il décroche un M. Sc en écologie, puis deux ans plus tard un autre M. Sc en Osteoarchology de l’université de Bornemouth. C’est en 2006 qu’il décrochera un Ph. D en archéologie de l’université de Cambridge. Qu’est-ce qui a poussé un Mauricien né à la cité Vallijee à s’intéresser à l’archéologie ? « Il faut souligner que cela n’aurait pas été possible si je n’avais pas eu la chance de faire mes études en Grande-Bretagne où, des la primaire, les perspectives sont illimitées et pas uniquement dirigées vers une formation débouchant sur un «white collar job». J’ai choisi d’étudier l’archéologie parce que j’ai toujours été intéressé par la morphologie, l’étude de la forme et des structures des êtres vivants, qui en fait partie. Je me suis ensuite spécialisé dans la morphologie des animaux. » Pourquoi cette spécialisation ? « Tout simplement parce que c’est en étudiant le mode de vie et l’évolution des animaux que l’on détermine celle des hommes. On l’a oublié, mais la domestication des animaux – chevaux, boeufs, chiens, etc. -a eu un impact fondamental sur la vie des êtres humains et l’économie de la société. Avant l’invention du moteur mécanique toutes les tâches lourdes étaient effectuées par les animaux. L’étude de leurs squelettes permet de replacer beaucoup d’étapes de l’évolution dans leur contexte. » Depuis l’obtention de ses diplômes, Krish Seetah partage son temps entre l’enseignement, principalement dans des universités britanniques et européennes, les fouilles archéologiques et la rédaction d’articles publiées dans des grandes revues spécialisées. Qu’est-ce que l’archéologie apporte à l’homme ? Quelle est la nécessité de savoir ce que les hommes faisaient ou ne faisaient pas, mangeaient ou ne mangeaient pas il y a quelques siècles ? Le sourire un peu ironique qui précède la réponse indique que ce sont des questions souvent posées au scientifique ? « Je vais vous répondre par une phrase philosophique : c’est à travers le passé que l’on comprend le présent et que l’on construit l’avenir. Il est important de connaître les grands mouvements qui ont modelé l’évolution de la société, de comprendre ce que nous sommes. Savez-vous, par exemple, que la globalisation ne date pas d’aujourd’hui, mais déjà du temps de la république de Venise. Le monde moderne est né il y a plus de cinq siècles avec la découverte de l’Amérique, les mouvements des populations de l’Afrique, de Madagascar, de l’Inde, de l’Asie au nom de la « civilisation », de la religion alliée au commerce, au pouvoir et à l’argent. » Mais ces mouvements, cette évolution sont racontés, analysés par l’Histoire. « L’histoire et ses documents ont été surtout rédigés par ceux qui l’ont fait, avec une vision, une interprétation particulières. Les ossements des hommes et des animaux, les constructions, les infrastructures racontent la vraie histoire quand on les étudie. L’histoire interprète les faits ; l’archéologie les établit scientifiquement. Nous avons une approche beaucoup plus scientifique avec des technologies des plus en plus performantes, précises. La connaissance du passé est fondamentale dans la vie de l’être humain. Nous sommes ce que nous devenus parce que nous avons su développer notre intelligence, en allant un peu plus loin à chaque étape, à chaque génération. La mémoire de cette avancée, de ses conditions, de ses succès et de ses échecs est indispensable à l’homme pour continuer à avancer. C’est en nous appuyant sur le passé que nous construisons. Nous avons besoin de savoir, de comprendre, de nous souvenir. L’archéologie nous aide à le faire et avec les avancées de la science, elle est de plus en plus efficace. Si nous ne comprenons pas le passé, si nous ne connaissons pas les étapes qui nous ont conduit au présent, nous pouvons difficilement construire l’avenir. Il est nécessaire de connaître le passé. Si nous ne comprenons pas d’où nous venons, nous ne saurons pas où aller dans le futur. »

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -