Les 72 jours de confinement se sont révélés éprouvants pour certains et épanouissants pour d’autres. Des Mauriciens témoignent de leur vécu durant cette période historique?
Virginie Gaspard, artiste :
« Révoltée que beaucoup de familles se sont retrouvées à la rue »
« Je l’ai très bien vécu personnellement. J’ai pu manger à ma faim et boire à ma soif malgré le fait que je me suis retrouvée au chômage. J’en ai profité pour passer du temps avec ma famille, de renforcer ma foi envers mon Créateur. J’ai été beaucoup déçue aussi de voir que ce temps de crise n’a pas servi à grand chose pour certaines personnes vu que le racisme et la violence n’ont pas diminué, bien au contraire.
J’ai été triste et révoltée de voir que beaucoup de familles se sont retrouvées à la rue avec des enfants. J’ai également peur du Covid-19 Bill qui me semble dangereux. Mais au final je suis sortie vivante et je suis heureuse que ma famille, mes amis et mon entourage sont en bonne santé »
Charlize Fradin, étudiante :
« Le confinement m’a permis d’aménager un potager »
« Cette phase de confinement m’a permis d’apprendre énormément de chose et j’ai eu l’occasion d’accomplir plein de travaux que je n’aurais jamais eu le temps de réaliser. J’ai découvert une nouvelle passion pour les DIY et cela m’a permi surtout d’aménager un potager. J’ai profité de ce confinement pour tout rénover dans la maison, en particulier ma chambre.
Je m’occupais en faisant du sport afin d’être toujours plus productive chaque jour. L’annonce du déconfinement m’a mis le sourire au visage. Je suis tellement contente de pouvoir revoir la famille à nouveau et d’être entourée par des gens que j’aime. »
« Pendant le confinement, je n’ai pas pu travailler, donc je n’ai pas eu de rentrée d’argent. J’ai essayé d’utiliser mon temps et mon espace au mieux. J’ai écrit de petites histoires pour ma page Facebook ‘Tizistwar Nou Pays’ dans l’espoir de les publier au cours de l’année. J’ai également lancé une nouvelle page ‘Tales of Simpler Times’ pour publier des histoires en anglais. J’ai fait de la lecture tous les soirs parce que j’ai envie de faire des sessions de lecture pour les enfants et les personnes âgées. Le reste du temps j’ai fait des exercices pour ne pas prendre du poids. L’après-confinement ne s’annonce pas bien parce que nous avons certes changé nos habitudes mais nos attitudes sont restées les mêmes. Nous avons une société qui nous pousse à consommer ce dont on n’a pas toujours besoin et la surconsommation est aussi addictive qu’une drogue, elle nous enlève notre liberté. »
Marwan Dawood , habitant de Beau-Bassin :
« C’était comme être dans un film apocalyptique »
« J’apprécie la vie encore plus »
« J’ai beaucoup aimé ces deux mois de confinement. Cela m’a permis de faire le point sur moi-même, de tisser des liens, d’en apprendre plus sur la cuisine, des astuces beauté, entre autres, d’entreprendre des projets que j’avais mis de côté. Et surtout, faire du sport/yoga.
La paresseuse qui est en moi pleure pour reprendre une vie « normale » mais je suis surtout reconnaissante d’être en bonne santé avec mes proches, de toujours avoir un emploi, un toit et à manger. J’apprécie la vie encore plus. »
Dr Catherine Boudet, analyste politique :
« Le déconfinement n’est qu’un demi-soulagement car il ne signifie pas la fin des mesures répressives »
« Le confinement n’a pas été difficile pour moi car j’ai de grandes facultés d’adaptation et j’ai traversé des situations bien plus éprouvantes dans ma vie. J’en ai profité pour faire un travail de développement personnel et me consacrer à la méditation, le confinement a donc été une période de grande sérénité spirituelle pour moi. Il a également été l’occasion de renforcer la solidarité de voisinage.
Mais ce que j’ai eu du mal à supporter, c’est le climat d’oppression et de terreur qui s’est abattu sur le pays. Ce que j’ai ressenti pendant cette période de lockdown et de confinement, c’est la même vibration malsaine que j’ai ressenti dans des pays en guerre. Ça c’était horrible parce que je ne pensais pas connaître cela à Maurice un jour. Le pire a été la lecture du Covid-19 Bill et du Quarantine Bill qui m’a donné mal à l’estomac pendant trois jours.
Même si je trouve que la crise a été bien gérée dans son ensemble, je pense qu’on n’avait pas besoin de terroriser et de réprimer les gens à ce point. Je suis infiniment triste de ce que le pays a eu à subir et va encore subir. Le déconfinement n’est qu’un demi-soulagement car il ne signifie pas la fin des mesures répressives. Je suis choquée qu’on interdise l’accès aux plages et aux salles de sport, qui sont importants pour la santé publique. Je pense qu’en voulant lutter « contre » un virus, on a oublié de se battre « pour » la santé de la population. Le déconfinement, ça devrait être d’abord le déconfinement des esprits. »
Shelly-Anne Petit, habitante d’Albion :
« Il y a encore des risques et certains Mauriciens ne l’ont pas compris »
« Le confinement a été un moment assez dur pour moi car je me suis retrouvée enfermée avec mes pires souvenirs. Mais au fur et à mesure, j’ai découvert un penchant pour des activités que je n’aurais normalement pas fait telles que le yoga. Le déconfinement reste la meilleure nouvelle après cette épisode, toutefois, je pense qu’il y a encore des risques et les certains Mauriciens ne l’ont pas compris »