Sawmynaden Sunassee (président de la MHTA) : « Inapproprié de tenir des examens après un mois de vacances »

Sawmynaden Sunassee, président de la Mauritius Head Teachers Association (MHTA), évoque les enjeux du troisième trimestre. En cette semaine de la rentrée, les candidats au Primary School Achievement Certificate (PSAC) doivent déjà se préparer pour le “modular assessment” de science et histoire-géographie. Un timing « inapproprié », selon Sawmynaden Sunassee, qui est d’avis qu’on aurait dû tenir l’épreuve un peu plus tard au cours du troisième trimestre. Il s’exprime également sur l’exercice de promotion des maîtres d’école qui, selon lui, créera une grande frustration si la sélection est maintenue. De même, il est d’avis qu’il faut profiter de l’engouement autour des Jeux des îles de l’océan Indien pour développer un système sport-études pour les jeunes en difficultés scolaires.

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Nous sommes déjà au troisième de l’année scolaire 2019. Comment s’annonce la rentrée ?
Nous sommes prêts à accueillir les élèves. Comme vous le savez, les maîtres d’école ne sont pas en vacances. Nous travaillons presque tous les jours. Les vacances ont été l’occasion de procéder au grand nettoyage des classes et de la cour. Nous nous sommes préparés pour ce qu’on appelle le “school readiness”. Les officiers viennent vérifier une série d’items, une centaine à peu près, pour s’assurer que les enfants évoluent dans le meilleur environnement. Il y a par exemple l’inspection du bâtiment, on vérifie la clôture, les meubles, etc. Tout doit être en règle pour la rentrée.

Le calendrier des examens est-il déjà finalisé ?
Il y a des dates qui restent à être finalisées, mais je peux dire que les “assessments” auront lieu plus tôt cette année. Les épreuves débuteront vers le 7 octobre. Chaque année, le calendrier des examens est finalisé au ministère en consultation avec tous les partenaires. On prend en considération notamment les fêtes religieuses. Comme vous le savez, il y a les “modular assessments” du PSAC pour l’histoire-géo et sciences qui sont prévus les 27 et 28 août. C’est-à-dire une semaine après la rentrée. Les enseignants vont devoir mettre les bouchées doubles pour les révisions. Les enfants auront à travailler très dur dès la rentrée. Personnellement, je trouve inapproprié de tenir des examens après un mois de vacances.

Vous êtes donc contre les “modular assessments” en août ?
Oui. Et la MHTA l’a déjà fait savoir au ministère. Ce n’est pas l’examen en lui-même qui n’est pas bon, mais le timing. En tant que pédagogue, avec 44 ans de service, je maintiens qu’il n’est pas correct d’avoir des examens après un mois de vacances. Les enfants ont eu une coupure pendant un mois et là, lorsqu’ils reprennent, il faudra mettre les bouchées doubles, comme je l’ai dit, pour les révisions. Pendant cette semaine, les enseignants devront se concentrer principalement sur histoire-géo et sciences. Et puis, on se demande également si ces enfants ont eu des vacances ou s’ils ont dû travailler dur pendant les vacances en raison des “modular assessments”. Or, les vacances sont faites justement pour permettre aux enfants de se détendre, se ressourcer. À mon avis, il serait plus approprié de tenir les “modular assessments” de Grade 6 vers le 20 septembre. J’espère que le ministère va réfléchir sur ce point.

Les examens du PSAC, en revanche, ont été repoussés d’une semaine. Cela dérange-t-il votre calendrier ?
Non. Pour nous, le travail se fait normalement. Bien sûr, il y a aussi les examens pour les autres classes, mais nous avons suffisamment de temps. Le “modular assessment” pour Grade 5 a été fixé au 10 octobre. Les autres dates ne sont pas encore officielles. Peut-être que cela se fera une ou deux semaines, avant le PSAC. Dans l’ensemble, il n’y a pas de gros problèmes avec ce renvoi et les parents ne se sont pas manifestés. En revanche, je dois avouer que j’ai été un peu surpris par ce changement de date. Ce qui est une chose très rare.

Trois ans après l’introduction du PSAC, direz-vous qu’il est moins compétitif que le CPE ?
En tant que pédagogue, je dirai que c’est aussi compétitif que le CPE. Peut-être que cela va prendre un peu de temps, mais pour le moment, il faut se rendre à l’évidence que le PSAC n’a pas arrêté la compétition. Toutefois, il faut reconnaître que les “modular assessments” en Grade 5 et Grade 6 relèvent d’une bonne initiative. Les enfants n’auront pas à repasser l’examen pour ce qu’ils ont appris l’année dernière. Dans un certain sens, cela les a allégés. Et puis, une fois les “modular assessments” terminés, ils peuvent se concentrer sur les autres sujets. Autre point positif de la réforme : les enfants n’apprennent plus par coeur. Les manuels sont faits de telle façon qu’élèves et enseignants sont amenés à faire plus de recherches.

Les parents ont-ils accepté l’idée des collèges régionaux ?
Ils ont dû s’y plier malgré eux. Quand les parents viennent pour le choix des collèges, ils me disent toujours : « Ki pou fer, mo ti pou kontan mo zanfan al Royal, Queen Elizabeth… » Je ne sais pas si cela va changer avec le temps. Ce que je considère le plus important, c’est que toutes les parties concernées, allant du ministère de l’Education, aux parents, en passant par les politiciens, entre autres, puissent s’asseoir autour d’une table pour discuter d’une réforme dans la durée. Au moins pour 20 ans. On ne peut plus continuer avec une nouvelle réforme à chaque fois qu’on change de gouvernement. Il faut plus de cohérence et de stabilité.

La formule d’une “extended stream” au secondaire a été très contestée. Selon vous, les élèves qui quittent le primaire sans le minimum requis pour le secondaire sont-ils prêts ?
Non, ils ne sont définitivement pas prêts. Même si ces élèves ont une année de plus que le “mainstream” pour se préparer, ils vont devoir faire le syllabus de Grade 7. Or, ils n’ont même pas pu atteindre le minimum au primaire. Comment vont-ils faire au secondaire, avec plus de matières à apprendre ? À mon avis, cela aurait été mieux de prévoir un concept de “basic school”, où les élèves pourraient avoir une éducation de base, couplée à une formation professionnelle, sportive ou musicale pourquoi pas… Le collège est très académique et ces enfants ne s’adaptent pas justement dans le système académique. Ils ont peut-être d’autres potentiels qu’il faut exploiter.

J’ai entendu le Premier ministre dire récemment qu’il faut mettre l’accent sur le sport. Peut-être que c’est l’occasion justement de développer un système où des jeunes pourraient à la fois avoir une éducation de base tout en s’entraînant pour le sport de haut niveau. Récemment, aux Jeux des îles de l’océan Indien, les athlètes ont fait honneur au pays. Peut-être que si on commence plus tôt, à l’avenir, on pourrait même récolter des médailles aux Jeux Olympiques. Cela s’applique aussi pour la musique ou un autre art.

À ce sujet justement, quel est votre constat de la “holistic education” introduite dans le sillage du Nine-Year Schooling ?
Pour le moment, on en est encore au début. Auparavant, il n’y avait pas de “holistic educator”. Par la suite, on en a recruté et ils ont dû faire leur formation. Ce n’est que cette année que nous avons eu ces éducateurs à plein-temps. Chaque école compte un ou deux “holistic educator”, et dans certains cas même trois. Actuellement, il y a quatre périodes pour le sport. L’art est aussi enseigné à plein-temps, ainsi que le théâtre. Nous avons une mini-gym et on commence à avoir les équipements. Pour ce qui est de la musique, je crois que cela va prendre un peu plus de temps. Il faudra attendre d’avoir les instruments. J’espère que ce sera fait l’année prochaine.

Récemment, il y avait une compétition de cerfs-volants organisée par le MIE et les enfants ont pu faire leurs propres cerfs-volants avec l’aide de leur “holistic educator”. Cela a été une bonne expérience. La Road Safety Education est également quelque chose d’important. Je suis confiant que cela peut amener à changer les mentalités à la longue. Je lance un appel pour qu’on ait un “traffic centre” dans chaque école, avec tous les marquages, afin de mieux expliquer les consignes de sécurité aux enfants.

La nomination des nouveaux maîtres d’école est très contestée. Quelle est la position de la MHTA à ce sujet ?
Nous sommes en faveur de la nomination basée sur l’ancienneté. Ce poste devrait être réservé aux Deputy Head Master (DHM), qui sont au bureau et connaissent déjà les rouages de l’école. Quand le maître d’école est absent, ce sont les DHM qui gèrent l’école. C’est donc tout à fait normal que lors d’une nomination, ils soient considérés. La MHTA est contre le fait qu’un éducateur qui travaille dans la classe, et non pas au bureau, soit nommé Head Master. Même s’il s’agit d’un très bon professeur. Car il n’est pas au bureau, n’a pas d’expérience de “school management” et a moins d’année de service que le DHM.

La nomination par sélection, comme est en train de procéder le ministère de l’Education en ce moment, va causer beaucoup de frustrations dans le secteur. Il n’est pas possible qu’un DHM voit un éducateur passer devant lui et obtenir le poste de Head Master. Dans mon école même, nous avons quelqu’un qui compte 40 années de service, dont huit comme DHM. Imaginez qu’un “educator” avec 12 années de service et sans expérience soit nommé à sa place… Si on a eu un ou deux problèmes avec le système de “seniority” par le passé, il ne faut pas généraliser pour autant. C’est le PRB qui avait recommandé la sélection en 2008, mais cela n’avait jamais été appliqué jusqu’ici. L’argument utilisé est que les DHM sont trop vieux. Si cet argument tient vraiment la route, dans ce cas, il faudrait aussi renvoyer tous les ministres et les hauts cadres. Et puis, pourquoi a-t-on repoussé l’âge de la retraite pour ensuite dire aux gens qu’ils sont trop vieux pour être promus ?

Je rappelle que par le passé, on avait déjà essayé d’introduire le système de sélection. Cela avait provoqué une frustration générale. La GTU avait organisé des manifestations et, finalement, ils ont trouvé un compromis avec Armoogum Parsuramen, qui était ministre de l’Education à l’époque. Depuis, tout allait bien. On ne sait pourquoi le PRB est revenu avec la sélection en 2008. Je lance un appel au ministère : si la PSC va de l’avant avec la sélection, il y aura une grande frustration dans toutes les écoles.

Quel est l’autre défi de la MHTA ?
Il faudra trouver des solutions concernant l’indiscipline et la violence dans les écoles. Il faut avoir des psychologues plus souvent dans les écoles pour faire le suivi des enfants. La situation est très compliquée actuellement. La violence qu’on voit dans la société ou qui existe dans les familles a un impact certain sur les enfants. À l’école, nous avons un “welfare committee”, où par exemple les femmes encadrent les filles qui grandissent. Mais il nous faut plus de “resource persons”.

Quel est votre souhait au début de ce troisième trimestre ?
Je souhaite que tout se passe bien pour les examens, en particulier pour les enfants qui prennent part au PSAC. Je demande aux parents de ne pas trop stresser leurs enfants, de ne pas mettre trop de pressions. Je souhaite également que la réforme de l’éducation marche et que le ministère fasse provision pour plus d’équipements et outils pédagogiques. Je profite de l’occasion pour féliciter les athlètes et les organisateurs des JIOI, qui nous ont fait vivre un grand moment, malgré quelques couacs. Et surtout, que cet élan patriotique continue, qu’il nous unisse et que nous puissions en témoigner lors de la venue du pape François.

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