Travail et relations industrielles : le consensus fait toujours défaut

  • Le gouvernement présentera en première lecture, mardi, une nouvelle version du Workers Rights Bill et de l’Employment Relations (amendment) Bill
    Business Mauritius réclame de « véritables consultations techniques » et trouve que « le texte de loi revu n’est pas assez réfléchi »
  • JNP/GWF s’inscrit en porte-à-faux à l’« anéantissement du droit de grève » et à la mainmise de l’Etat sur les contributions de 1 % des salaires des travailleurs

Les dispositions revues et corrigées du Workers Rights Bill et de l’Employment Relations (Amendment) Bill sont loin de déboucher sur un consensus entre les partenaires sociaux. Suite à une levée de boucliers des syndicalistes contre la version initiale de ces textes de loi, le gouvernement a pris la décision de se rétracter en présentant de nouveaux textes en première lecture mardi et des débats en vue de leur adoption annoncée pour vendredi prochain. Les premières réactions consignées hier indiquent que les avis divergent et que « nous sommes encore bien loin de l’unanimité ».

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Dans un communiqué émis à la mi-journée, Business Mauritius est des plus catégoriques en faisant ressortir avec force que « le texte de loi revu, qui sera proposé en première lecture au Parlement le mardi 6, n’est pas assez réfléchi ». Le patronat réclame la tenue de « véritables consultations techniques ainsi qu’à un Regulation Impact Assessment », qui est une évaluation systématique des incidences économiques, sociales, et autres de cette loi.
Tout en réitérant que Business Mauritius n’objecte pas au Workers Rights Bill et à l’introduction du Portable Retirement Gratuit Fund, l’association patronale souligne que « cette loi pourrait avoir des conséquences graves sur la compétitivité de Maurice et pour la pérennité de beaucoup d’entreprises locales ». Le secteur privé soutient que la pérennité du secteur des affaires — et donc de l’emploi — passe par des mesures visant le long terme. « Quel que soit le contexte actuel, il est donc important de ne pas se précipiter vers des objectifs à court terme qui pourraient de ne pas être durables », ajoute Business Mauritius, confirmant avoir écrit une lettre au Premier ministre, Pravind Jugnauth, pour consigner des points techniques spécifiques ainsi que des premières évaluations de l’impact de ces mesures sur certaines industries.

Business Mauritius évoque des risques de licenciements conséquents dans les secteurs de la construction et de l’agro-industrie dusà une forte réduction de l’utilisation de sous-traitant dans ces secteurs, de même que des conséquences pour des PME dans cette industrie avec les provisions relatives aux contrats de travail à durée déterminée (CDD) ainsi qu’à l’emploi de sous-traitants (job contractors).

Le secteur du Business Processes Outsourcing (BPO) se retrouve également sous menace. Business Mauritius est d’avis que la rigidité de la nouvelle loi pourrait faire drastiquement baisser l’attractivité et la compétitivité de Maurice, car c’est une industrie où les opérateurs recherchent le «ease of doing business ».

Le patronat fait également part que les contraintes liées au « shift work » vont considérablement alourdir les coûts d’opération dans le secteur du tourisme, réduisant ainsi l’attractivité de Maurice comparativement à d’autres destinations à un moment où cette industrie est déjà sous pression et passe par des moments difficiles.

« Un recul historique sous le diktat du patronat »
Du côté des syndicats, la première satisfaction exprimée est que leur voix a été entendue par l’Hôtel du gouvernement avec le retrait des deux textes de loi. Ainsi, les animateurs de la GWF/JNP, Clency Bibi, Devanand Ramjuttun, Ashok Subron et Jean-Yves Chavrimootoo, affirment que « se byen rar ki enn gouvernman retir konpletman enn proze de lwa ek introdwir enn nouvo dan Lasanble nasional. Sa sirtou gras a GWF-JNP ek Rezistans ek Alternativ, ki finn ena enn tel boulversman ». Mais la satisfaction s’arrête là.

Dans la nouvelle mouture de la loi sur le travail, la GWF/JNP met en relief deux points de désaccord fondamentaux et signifie son intention de maintenir la pression sur l’Hôtel gouvernement en vue d’obtenir les résultats escomptés. Les représentants de cette centrale syndicale persistent et signent sur la question du droit à la grève. « Ce qui est proposé dans le nouveau texte de loi sur l’Employment Relations (Amendment Bill) représente un anéantissement du droit de grève, viole le principe de Collective Bargaining sous les conventions 87, 98 et 154 de l’ILO. Nous ne pouvons accepter cette section de la loi autorisant le rejet d’un litige industriel et l’autre clause donnant au patronat le droit d’imposer un arbitrage obligatoire comme sous la précédente Industrial Relations Act bloquant le droit de grève. Nous ne pouvons être complices d’une elle manoeuvre, qui n’est qu’un recul historique sous le diktat du patronat », font-ils comprendre.

Commentant l’autre point en litige, la GWF/JNP avance que « dan Workers Right Bill, bizin asire ki pena minmiz Leta lor 1 % Saler Travayer, ki ekivo a Rs 300, 000 kan enn travayer pe pran so retret pou enn travayer ki so saler zordi Rs 15, 000 ». Les syndicalistes se battent pour que le statu quo soit maintenu à ce chapitre avec « les contributions et la balance de cette contribution de 1 % versées au moment du départ à la retraite comme c’est le pour le National Savings Fund ».

La GWF/JNP, qui souhaite approfondir les discussions avec le ministre du Travail et des Relations industrielles, conclut que « azordi nou an mezir dir, ki nou finn dezwe enn gran plan makiavelik, ki tinn dirize par enn Seksion Some Leta, avek konplisite sertin dimunn, pou sey fer lepep aval bann gro koulev. » Les principales demandes syndicales retenues par le gouvernement sont la garantie d’une Gratuity de 15 jours par année de service pour le Portable Retirement Gratuity Fund et que la contribution des travailleurs dans un plan de pension privé sera incluse dans le PRGF, le patron d’une entreprise doit passer par un Redundancy Board avant de mettre à la porte un employé et l’élimination à la dérogation des conditions de travail minimal.

De son côté, Jane Ragoo de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP), déclare qu’elle est satisfaite que le gouvernement ait écouté la voix des travailleurs qui réclamaient des amendements dans la première version de ses deux projets de loi. « Nous espérons maintenant qu’il va continuer à écouter les syndicats. Quant à la CTSP, nous allons continuer à décortiquer les deux nouvelles versions durant le week-end avant de soumettre au gouvernement nos contre-propositions », dit-elle.
Accueil favorable
Le président de la National Trade Union Confederation (NTUC), Narendranath Gopee, accueille favorablement le retrait de la première version de ces deux projets de loi. « J’ai eu l’occasion d’attirer l’attention du ministre sur le fait que les fonctionnaires qui ont opté pour le rapport du PRB, n’ont pas le droit de le contester s’ils ont signé une option form. La définition de Labour Dispute doit être revue pour que le principe de négociation collective soit applicable non seulement au secteur privé, mais au secteur public également. Dès le départ, la NTUC avait fait comprendre au ministre que ces projets de loi sont très complexes et que le gouvernement ne devrait pas les appliquer à la va-vite », a-t-il dit.

Pour le président de la Confederation of Free Trade Union, Radhakrishna Sadien, un certain nombre de demandes syndicales ne se trouvent pas la deuxième version du Workers Rights Bill. Il fallait revoir la définition de Labour Dispute. Cette section de la loi concerne environ 85 000 travailleurs de la fonction publique, des administrations régionales et les municipalités. « Une fois l’étape de l’Option Form bouclée, ils n’ont pas le droit de contester le rapport du PRB. Ce qui fait que la négociation collective n’existe pas pour ces salariés. Ainsi, si le gouvernement vient de l’avant avec un rapport unilatéral les travailleurs n’auront pas d’autre choix que de l’approuver. Pour contester ce rapport, il faut alors attendre au moins cinq ans pour le faire. Il faut à tout prix amender cette section pour que les employés qui tombent sous le PRB aient la possibilité d’avoir recours à un tribunal pour contester le rapport », affirme-t-il.

Une autre préoccupation du syndicaliste se résume la section 113 de la Constitution et la section 60 de l’ERA, stipulant qu’un gouvernement peut mettre à la porte n’importe quel salarié qui a été nommé par un ministre de l’ancien régime. Sous l’ancienne loi, l’employé n’obtenait rien comme compensation, maintenant il aura droit à une compensation équivalant à trois mois de salaires. « C’est en particulier les nominés politiques qui sont concernés par cette section. Si, par exemple, un directeur d’un corps paraétatique est en train de toucher un salaire de Rs 400 000, si le gouvernement le met à la porte il aura droit à des indemnités de licenciement de l’ordre de Rs 1, 3 million. Pour moi, il faut tout simplement enlever la section 113 de la Constitution du pays. Ces directeurs auraient dû être nommés sur une base permanente. Même les Permanent Secretaries tombent sous cette section », fait-il comprendre.

En ce qui concerne la représentativité syndicale qui passe de 30 % à 20 %, le syndicaliste pense que cette section mérite un débat. Il dit aussi qu’il apprécie beaucoup la décision pour mettre sur pied un National Tripartite Council et le Portable Retirement Gratuity Fund (PRGF). Il souhaite aussi une redéfinition du mot’worker’dans le projet de loi. Avec l’ébauche actuelle, un travailleur en fonction ou à la retraite peut devenir membre d’un syndicat. Cette section risque de chambouler les mouvements syndicaux, conclut-il.
Mais le débat ne fait que se poursuivre sur le Workers Rights Bill et l’Employment Relations (Amendment) Bill.

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