NAUFRAGE DU SIR GAËTAN — Court of Investigation : Aucun Safety et Class Certificate pour « Sir Gaëtan » depuis 2008

Shekar Suntah (DG de la MPA): « Le Port Master décida que Sir Gaëtan était le meilleur remorqueur pour un sauvetage… »

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La Court of Investigation – instituée pour faire la lumière sur le naufrage du remorqueur Sir Gaëtan dans la nuit du 31 août 2020 – a démarré ses travaux, hier, sur une note des plus explosives. Le président de la Cour d’investigation, l’ancien juge Gérard Angoh, a mis le doigt sur la plaie en abordant d’emblée le Seaworthiness du remorqueur de la Mauritius Ports Authority, dont le naufrage au large de Poudre d’Or le 31 août 2020, avait fait quatre victimes, dont le capitaine Moswadeck Bheenick, toujours porté manquant. La réponse fournie par le Director of Shipping, Alain Donat, à l’ouverture des travaux vient faire porter à la direction générale de la MPA la très lourde responsabilité, probablement pénale, dans la perte de vie de quatre employés de la MPA. Le Sir Gaëtan ne détenait ni Safety Certificate ni Class Certificate depuis 2008 et n’était pas apte à assurer le remorquage de l’Ami Constant pour le compte de la firme Taylor Smith de Pointe d’Esny à Port-Louis et surtout en période mauvais temps. De son côté, Shekar Suntah, le directeur général de la MPA, s’est évertué à jouer à Ponce Pïlate en renvoyant la responsabilité de la sortie de Sir Gaëtan sur les épaules du Port Master.

Déposant devant la Court of Investigation, le Director of Shipping, Alain Donat, a révélé que le jour du drame, le remorqueur n’avait obtenu aucune autorisation pour quitter le port car pour naviguer dans les eaux territoriales, aucune clearance n’est requise. Répondant à une question de l’ancien juge Angoh au sujet de l’autorisation, il a toutefois souligné que même si un navire n’a pas de Class Certificate, il doit tout de même avoir l’autorisation avant de quitter le port.

La certification de classe consiste dans ce contexte à vérifier la conformité des navires et de leurs équipements aux règlements nationaux et internationaux. La société délivre des documents statutaires.  Cet exercice est formalisé par la délivrance d’un certificat qui reste valide aussi longtemps que le navire continue à répondre, lors des visites de classe périodiques, aux critères de classification. Elle consiste à classer le navire selon certains critères (les règlements propres de la société), à la suite de quoi la société attribue la classe.

Or, le remorqueur de la MPA, Sir Gaëtan, n’avait plus de Class Certificate depuis 2008. Il en ressort que le dernier Safety Certificate pour le remorqueur remonte à 2004. Alain Donat a indiqué que son ministère n’effectue pas d’inspections sur les remorqueurs et que cet exercice est mené par des sociétés privées qui fournissent par la suite un rapport.
Quant aux règlements relatifs au remorquage, le directeur a avancé qu’il faut avoir des personnes qui ont les compétences requises. « They do not have a Marine Certificate unless they go outside ocean borders », a soutenu Alain Donat. Il a aussi fait ressortir que le 3 septembre 2020, une lettre avait été envoyée au directeur de la MPA pour demander que le remorqueur naufragé soit déplacé. La décision, dit-il, avait été prise de ne pas bouger l’épave car après consultation avec la marine indienne, la MPA avait conclu que celle-ci ne représentait aucun danger.

Ainsi, le remorqueur n’avait aucun document qui démontrait son « seaworthiness ».
De son côté, Shekar Suntah a déclaré que bien que le remorqueur n’avait pas de Class Certificate depuis 2008, la MPA avait décidé de le garder pour des opérations d’urgence. En préliminaire, il a indiqué que la MPA possède actuellement quatre gros remorqueurs, quatre petits à Port-Louis et deux autres affectés à Rodrigues.

La MPA avait pris possession du Sir Gaëtan en 1993 et le remorqueur avait été construit en Allemagne et le Class Certificate avait été émis par la société Lloyds. En 2009, après évaluation de l’état du remorqueur, il avait été décidé de retirer Sir Gaëtan de la classification. La MPA avait alors fait l’acquisition du Sir Edouard, un nouveau remorqueur.
« We decided to keep Sir Gaëtan because of the number of operations. In 2014 we launched tenders for a new procurement of tugs but the process was delayed. In 2019 we decided to refurbish Sir Gaëtan and a series of work was carried out », ajoute Shekar Suntah. La firme Bureau Veritas, expert en matière d’inspection et de certification, avait recommandé 155 travaux de rénovation à être effectués et avait soumis un rapport en juillet 2020.

Or, le jour que le remorqueur avait quitté le port pour mettre le cap sur Pointe d’Esny pour cette opération de remorquage à la demande de la firme Taylor Smith, certains travaux n’avaient toujours pas été complétés. Le directeur de la MPA a admis que ce n’est qu’après la collision lors d’une enquête interne qu’il avait pris connaissance que certains travaux étaient Pending sur le remorqueur.

« I was under the impression that the work was already completed. Only minor items remained and they were not considered as important », concède-t-il. Répondant à une question de l’ancien juge sur l’état de navigation du remorqueur, Shekar Suntah a déclaré qu’on lui avait fait comprendre que celui-ci était Seaworthy. Il s’est appesanti sur le fait que c’est le Port Master, responsable de tous les aspects de la sécurité et des opérations, qui avait pris la décision de mettre à contribution le Sir Gaëtan.

« The Port Master decided that Sir Gaëtan was the best tug for salvage as it had already carried out salvage operations in the past », dit-il. Le directeur général de la MPA n’a pas été en mesure de répondre à plusieurs questions sur les opérations du port indiquant que le Port Master était la personne indiquée pour des éclaircissements. L’ancien juge Angoh n’a pas manqué de lui rappeler qu’en tant que directeur général de la MPA, il doit être au courant de tout ce qui se passe.

L’adjoint directeur de shipping Asiva Coopen a aussi été appelé à la barre des témoins. Il est d’avis que si le remorqueur n’avait pas de Class Certificate, il n’était pas non plus en état de naviguer. « For a vessel to navigate, it needs to have a certificate. There are no certificates to prove that the vessel was seaworthy », a-t-il soutenu. Les auditions reprendront demain/ presque 11 mois après le naufrage du remorqueur Sir Gaëtan, la Cour d’investigation, présidé par l’ancien juge Gérard Angoh avec pour assesseurs le capitaine Mahendra Babooa, Master Mariner, et Jacques Goilot, capitaine de la marine, a procédé à l’audition des premiers témoins hier. Cinq ont été entendus et une vingtaine d’autres seront appelés à la barre lors des prochaines auditions. Des enquêteurs de police et des officiers de la Mauritius Ports Authority (MPA) seront d’abord entendus avant les rescapés, et il en sera de même pour le Port Master de la MPA, Gervais Barbeau, et son adjoint, Kavidev Newoor, arrêté par la police lors de l’enquête.

La Cour d’investigation devant se pencher sur le Tug Sir Gaëtan aura pour mission d’enquêter sur les circonstances ayant mené au naufrage du remorqueur, soit la collision avec la barge L’Ami Constant. Ils devront se pencher sur les circonstances du décès par noyade des trois membres d’équipage, en l’occurrence Addisson Jimmy Sylvain, Seewoo Sujit Kumar et Laval Lindsay Plassan et la disparition du capitaine Moswadeck Bheenick, ainsi que les blessures des quatre rescapés.

Cette Cour d’investigation aura pour tâche de situer les responsabilités sur les actes ayant mené à ce drame en mer. L’enquête devra établir les responsabilités des différentes parties prenantes dans cette affaire. Le remorqueur Sir Gaëtan aurait pris l’eau lorsque la barge L’Ami Constant qu’il remorquait l’a percuté et brisé une partie de sa coque alors que les deux bateaux se trouvaient au large de Poudre d’Or. La barge transportait les résidus du nettoyage de la partie arrière du Wakashio à Pointe d’Esny.

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