Négligence médicale alléguée – La Santé une fois de plus éclaboussée

–  « Zot inn rann mwa so lekor koupe an de », dit Vicky, le père e la petite Pristhee

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–   Enquête annoncée par le ministère

–  L’autopsie pratiquée attribue la mort du bébé à une asphyxie

Outre les nombreuses critiques s’agissant de la gestion de la deuxième vague de la Covid-19, avec de nombreux décès survenus parmi les patients dialysés de l’hôpital de Souillac principalement, les services hospitaliers publics sont à nouveau pointés du doigt. Cela, après le décès de trois bébés. Le premier qui a choqué toute la population, celui de la petite Pristhee, arrivée prématurément, qui aurait été décapitée lors de son accouchement. Le second, celui du petit Thomas, arrivé lui aussi prématurément et né à la maison, alors que selon sa famille, le SAMU a tardé à arriver sur place. Et le troisième, celui d’un nourrisson de sept jours décédé dans des circonstances floues à l’hôpital. Des drames vécus par ces familles et qui suscitent indignation au sein de la population quant au professionnalisme des services de santé publique, mais aussi le traitement accordé à ces parents en détresse, comme en témoigne la boîte en carton dans laquelle a été placée la petite Pristhee pour être remise à la police pour l’autopsie.

Hier, vendredi, Tanput Ram avait projeté de célébrer ses 61 ans en compagnie de ses petits-enfants, dont Pristhee, la toute dernière, arrivée lundi. Mais au lieu de réjouissances pour l’anniversaire du grand-père, la famille Ram est en deuil. Celle dont l’arrivée était tant attendue est « mort-né », selon les autorités de la Santé. Un décès que la famille, traumatisée, refuse d’accepter, car si selon les autorités sanitaires l’enfant serait mort-né, il y a eu pour la famille négligence médicale. Surtout avec le témoignage poignant de Sweta Ram dans une vidéo filmée de son lit d’hôpital après la mort de sa petite Prishtee dans laquelle elle raconte « mo’nn tande kouma so (ndlr : du bébé) likou inn kase. »

Après quatre mois de mariage, le couple Ram attendait un heureux événement, l’arrivée de leur premier enfant, prévue pour le mois de juin. Sweta et Vicky Ram, âgés de 25 et 34 ans respectivement, étaient loin de s’imaginer qu’ils n’auraient pas l’occasion de voir grandir ce petit être tant attendu par toute la famille. Le lundi 12 avril, il est 23h quand Sweta Ram, enceinte de sept mois, commence à ressentir les premières contractions. Vicky Ram s’empresse de trouver un taxi pour conduire son épouse au plus vite de Mon Goût, leur domicile, à l’hôpital.

Accouchement par voie basse au lieu d’une césarienne

Sur place, la patiente est conduite directement en salle de travail, où une sage-femme apprend au futur papa que son épouse allait bientôt accoucher. « Elle était dilatée à 4 cm », a indiqué le personnel soignant. La maman étant diabétique, il était prévu qu’elle donne naissance par césarienne. Mais pour des raisons qui demeurent inconnues jusqu’ici, le personnel soignant de l’hôpital Sir Seewoosagur Ramgoolam l’a fait accoucher une première fois par voie basse, a informé le personnel de santé. Et l’accouchement a pris une tournure dramatique. « Pandan ki zot pe ris so lekor ki so likou inn kase », ressasse Sweta Ram en larmes. Et d’insister, entre deux sanglots, qu’elle a entendu quand on a brisé la nuque de son bébé.

Entre-temps, Vicky, lui, heureux et impatient de tenir son enfant dans ses bras, fait les cent pas devant le service de maternité. Ce n’est que vers 00h45 qu’un médecin lui apprendra la mauvaise nouvelle. Son bébé n’a pas survécu à l’accouchement. On lui demande alors de signer un formulaire de consentement pour qu’une césarienne soit pratiquée. Ce à quoi Vicky Ram obtempère, insistant toutefois auprès du médecin pour voir son bébé. « Zot inn rann mwa mo bebe en de bout, latet enn kote, lekor enn kote dan enn sak plastik », s’insurge le jeune père, traumatisé par l’image qu’il a eue de son enfant la première fois.

C’est en effet une sage-femme qui a présenté la dépouille du bébé au père. À cet instant, dans les couloirs de l’hôpital SSRN, le temps s’est arrêté pour Vicky Ram, qui ne croyait pas ses yeux de voir son enfant décapité. Une scène effroyable qui marquera à jamais le trentenaire.

Boîte en carton

S’enchaînent alors les démarches pour une autopsie qui a été pratiquée dans la soirée de mercredi par les Drs Gungadin et Chamane, qui ont attribué le décès du bébé à une asphyxie à la naissance. Mais pour la famille, cette thèse ne corrobore pas le vécu de Sweta Ram durant son accouchement. « Il y a eu négligence médicale. Mo madam pa ti sipozé accouche par voie basse. Enn crime zot inn fer », clame Vicky Ram. Ajouté à l’effroi dans la mort de la petite Prishtee, le traitement accordé à sa dépouille par le personnel hospitalier a choqué toute la population. En effet, outre le sac en plastique dans lequel le corps décapité du bébé a été présenté à son père, ce qui est révoltant, c’est la boîte à gâteau, en carton, dans laquelle il a été placé pour que la police le transporte à l’hôpital Jeetoo pour l’autopsie.

« Koup mwa pena disan. Mo pe getmo zanfan dan enn bwat. Enn bwat gato, pe saryer pe vinn lopital. Kouma dir ou pe sarye ti lisien dan bwat ou pe amenn lopital », déplore le père.

Les autorités alertées et la justice saisie

Les funérailles de la petite Pristhee ont eu lieu jeudi après-midi au cimetière Bois Marchand après que Sweta Ram a eu la permission des instances hospitalières de voir son enfant à sa sortie de la morgue. Cette maman désemparée a pu suivre l’enterrement poignant de son petit ange à travers un appel vidéo, car toujours hospitalisée.

Incriminant le personnel de santé du département de maternité de l’hôpital SSRN pour négligence médicale, Vicky Ram a porté plainte mercredi, soit deux jours après l’accouchement prématuré de son bébé mort-né à la police de Piton, qui en a référé l’affaire aux collègues de Pamplemousses. Le couple, qui envisage de saisir la justice, a retenu les services de Mes Sanjeev Teeluckdharry et Anoop Goodary.

De source policière, on apprend que l’enquête démarrera incessamment. Le dossier devrait être soumis soit à la Criminal Investigation Division (CID) du Nord ou au Central CID. Les enquêteurs devront déterminer le rôle des mid-wives et du gynécologue présents sur les lieux dans la soirée du lundi et ceux qui se sont occupés de la mère à son arrivée à l’hôpital SSRNH. Le dossier médical de Sweta Ram devrait également être épluché.

La jeune femme, toujours admise à l’hôpital, devrait également être entendue par les autorités. La version de la patiente est jugé cruciale, car elle dit avoir entendu les différentes conversations qui se sont déroulées pendant son accouchement. C’est d’ailleurs elle qui a confié à son époux qu’un membre du personnel aurait dit «risse-risse».

De son côté, dans un communiqué, le ministère de la Santé a indiqué qu’après une enquête du Regional Health Director de l’hôpital, ce cas de négligence médicale a été référé au Medical Standing Committee.

À l’hôpital SSRN

Ce n’est pas la première fois

En 2020, Yashna Gooljar avait vécu la même chose

Ce n’est pas la première fois que le service hospitalier est pointé du doigt pour des cas de négligence médicale. Surtout lors des accouchements. Comme en témoignent ces autres cas survenus jeudi dernier, mais aussi celui qui a touché la famille Goojar l’année dernière. En effet, en mai 2020, après avoir accouché d’un bébé mort-né à l’hôpital Sir Seewoosagur Ramgoolam à Pamplemousses, Yashna Gooljar avait déposé une plainte pour négligence médicale contre le personnel soignant de l’établissement hospitalier, du fait qu’alors que sa grossesse s’était déroulée sans complications, elle avait accouché d’un bébé mort-né.

Yashna Gooljar, alors mariée depuis un an avec Kushal, attendait également une petite fille. Toutefois, l’accouchement prévu le 22 mai ne s’est pas passé comme l’avait imaginé le jeune couple. Deux jours avant la date prévue, Yashna est conduite par son époux à l’hôpital SSRN après avoir perdu les eaux. À son arrivée dans le département de maternité, quelques examens ont été effectués sur la patiente avant que des sages-femmes lui indiquent que son bébé se portait bien et qu’elle pourrait attendre. D’ailleurs, le personnel du département lui rappelait que le jour prévu de son accouchement était un vendredi, soit deux jours après. Néanmoins, aux petites heures du matin, les contractions ont eu raison de Yashna, qui à plusieurs reprises a fait appel aux infirmières. La jeune femme expliquera après sa convalescence que « boukou douler mo ti pe gagne. Mo’nn kriye ners, zot dir mwa pa prese atan ». Et d’ajouter que « bannla ti pe get seri ou swa ti lor zot portab ».

La mauvaise nouvelle est tombée à 3h du matin lorsqu’un nouvel examen est effectué sur la patiente. Le cœur du bébé ne battait plus. La nouvelle sera confirmée par un membre du personnel et ce n’est que le jeudi matin que la jeune femme a accouché d’un bébé mort-né par voie basse. Pour le couple Gooljar, le drame aurait pu être évité si les infirmiers avaient pris en charge à temps la jeune femme alors enceinte de neuf mois. Le couple avait imputé la responsabilité de ce drame au personnel soignant du département de maternité qui avait, selon lui, tardé à prendre la maman en charge. L’affaire avait été référée aux autorités.

Ram Nowsadick (président de la Nursing Association)

« Le personnel soignant a réagi comme il a l’habitude de faire dans ce genre de cas »

« Il est évident qu’un problème est survenu lors de cet accouchement à l’hôpital du Nord. Néanmoins, le personnel soignant, notamment les infirmières et sages-femmes, qui est formé et qualifié, a réagi comme il a l’habitude de faire dans ce genre de cas, qui sont néanmoins rares. Et le médecin a été avisé en conséquence. Ce sera à l’enquête de situer les responsabilités, mais surtout de venir déterminer ce qu’il faudra faire pour qu’un tel cas ne se répète pas et qu’il y ait toujours un médecin spécialiste présent à l’hôpital pour éviter les retards dans les prises d’action. Chose que la Nursing association  réclame depuis des années. »

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