Courrier des lecteurs – Chagos : remettre les pendules à l’heure

J’ai lu avec un intérêt très particulier la plaidoirie (Submission) d’Olivier Bancoult, qui est parue dans Le Mauricien du 7 mars. Aussi, je me permettrais, à l’intention de vos lecteurs, de réagir sur quelques points de son exposé. Je cite :

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(1) « Upfront, let us please be honest. »

(2) « … exiled to a foreign country. »

(3) « We believe that we will return home. »

(4) « … deny us our right to return to our home. »

(5) « … to enjoy their fundamental human rights and be able to return home. »

Olivier Bancoult semble avoir oublié de mentionner cette autre revendication des Chagossiens : « Nou le retournn Chagos pou al netway bann tonb nou granparan. »

J’aimerais, en guise de commentaire, reproduire un extrait d’un texte que j’avais écrit sur le problème des Chagos et des Chagossiens :

Beaucoup d’encre a coulé autour du problème des Chagos et des Chagossiens. Des centaines de voix se sont élevées, et s’élèvent toujours de partout, pour des raisons très différentes les unes des autres. Telles : politique, souveraineté, défense stratégique, déportation injustifiée, droit au retour, compensation, avantages financiers, prestige personnel, chantage, etc., etc. Malheureusement pour les Chagossiens, dès le début, le problème a été escamoté, falsifié et exagéré.

Mouvement Migratoire Volontaire

Bien avant l’indépendance de Maurice, nombreux furent les Chagossiens qui ne souhaitaient pas retourner dans leur pays natal après un séjour à Maurice, ceci pour des raisons évidentes. Là-bas, ils manquaient de tout : pas de travail, pénurie de denrées alimentaires, pénurie d‘eau et d’électricité, pas de radio ni de télévision, et le bateau d’approvisionnement n’arrivait qu’une fois tous les 6 ou 12 mois de l’année.

Paradoxalement, voici ce que déclara Clemencia, une grand-mère née à Diego Garcia qui participait à la manifestation de 1980 “Rann Nu Diego” : « I used to work harvesting coconuts, picking four coconuts per tree, I would carry 25 coconuts per bag on my head. I had to harvest 700 coconuts per day. I did that from age 10. My wage was 10 rupees per month (20 p). I looked after the family garden and a few animals for subsistence. »

La déclaration de Clemencia indique clairement que la vie n’était pas facile aux Chagos. C’était une vie austère, une vie pénible pour tous les Chagossiens. Ainsi donc, malgré des débuts difficiles, aussitôt après leur arrivée à Maurice, les Chagossiens constatèrent que leurs nouvelles conditions de vie étaient meilleures que la vie aux Chagos.

Vite, ils s’intégrèrent dans la société mauricienne et beaucoup prirent de l’emploi dans le port comme débardeurs. Contrairement aux dockers qui étaient affectés à la manutention des sacs de sucre dans les docks, contrairement aux stevedores qui, eux, étaient affectés à la manutention des marchandises générales sur les bateaux ancrés dans la rade de Port-Louis, les Chagossiens, eux, se chargeaient de la manutention des fertilisants.

Déportation injustifiée

Par contre, avec la création du British Indian Ocean Territory par le gouvernement Britannique, environ 1 000 à 1 500 autres Chagossiens furent contraints à quitter leurs îles natales pour Maurice et les Seychelles. Après leur arrivée à Maurice, le gouvernement mauricien se chargea de les loger à Baie-du-Tombeau, ce qu’on a appelé plus tard la Cité Ilois.

Ils reçurent un lopin de terre et une somme d’argent pour leur permettre de construire une maisonnette. Hélas, si certains de ces Chagossiens en avaient profité pour construire leur maison, par contre, d’autres avaient préféré vendre leur lopin de terre individuel pour la somme de Rs 10 000. Donc, il est injuste de dire que les Chagossiens avaient été exilés à Maurice dans une extrême pauvreté. Certes, la déportation a été dure et injuste pour certains, mais pour la plupart des Chagossiens, cela fut un Blessing in Disguise. Car aujourd’hui, beaucoup détiennent un passeport britannique; beaucoup travaillent et peuvent profiter de la sécurité sociale du Royaume-Uni; d’autres ont des enfants qui étudient dans les universités britanniques.

Aussi, malgré mon admiration pour la lutte que mène Olivier Bancoult, et malgré mon amitié sincère pour lui, je ne crois pas que beaucoup de Chagossiens l’écouteraient, « Our main priority is the right of return », et retourneraient s’installer aux Chagos. Est-ce que mon ami Olivier Bancoult retournerait vivre le reste de sa vie aux Chagos si le gouvernement britannique accédait à sa demande ? Il serait curieux de savoir combien de ses proches sont déjà établis en Angleterre et détiennent un passeport britannique.

Pourquoi diaboliser SSR ?

Le moment est venu pour que certains Mauriciens cessent de diaboliser sir Seewoosagur Ramgoolam, l’architecte de l’indépendance et le Père de la nation. Cette accusation selon laquelle il avait vendu les Chagos et les Chagossiens aux Anglais pour obtenir l’indépendance de Maurice est fausse, absurde et malicieuse. À moins qu’on soit ignorant de l’histoire de la décolonisation de l’Empire britannique pour penser ainsi. Après l’indépendance de l’Inde et du Pakistan, en 1947, qui fut suivie par celle d’autres pays (Nigeria, Ghana etc.), l’Angleterre voulait à tout prix lâcher toutes ses anciennes colonies et territoires d’outre-mer. Donc, l’indépendance de Maurice était devenue une chose inévitable.

Brandir la menace contre les Anglais et les Américains serait une folie de la part du gouvernement mauricien. Il serait beaucoup plus sage pour SAJ d’avoir recours plutôt à la diplomatie et aux négociations. À moins qu’il ait un Hidden Agenda, qu’il veuille se servir des Chagos pour obtenir quelque chose d’autre du gouvernement britannique.

Veuillez agréer mes salutations distinguées.

Eliézer François JP

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