Didier Robert : «L’OI reste une zone sanctuaire pour les baleines»

« Je me battrai de toutes mes forces contre toute remise en cause du sanctuaire des baleines »

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Le président du Conseil régional de La Réunion, Didier Robert, a représenté la France à la réunion du conseil des ministres de la COI, qui s’est tenue à l’hôtel Maritim, Balaclava, la semaine dernière. Dans un entretien accordé au Mauricien, il nous parle du partenariat entre Maurice et la Réunion et du combat qu’il mène pour la reconnaissance internationale de la route des baleines dans l’océan Indien.

Monsieur le président du conseil régional, c’est une des rares fois où vous remplacez un ministre français à un conseil des ministres de la Commission de l’océan Indien (COI). Est-ce une démarche délibérée de la part du gouvernement français ?

J’ai eu l’occasion à trois reprises, à la demande du ministre français, de représenter la France en tant que chef de délégation. J’estime que si le ministre français avait pu se libérer, cela aurait été très bien. Mais lorsque ce n’est pas possible, il est légitime que ce soit le président du conseil régional de La Réunion, qui a les compétences en matière de coopération régionale, de pouvoir à ce moment représenter la France. C’est quelque chose qui se met en place progressivement dans le cadre d’une décentralisation. Sur un certain nombre de sujets, et la coopération régionale en fait partie, il faut que La Réunion puisse davantage être mise en avant. Les relations que nous avons avec les autres pays et l’histoire qui est la nôtre nous amènent dans bien des cas à aborder des questions et à trouver des points de consensus utiles à l’intérêt général de la COI.

La pêche dans l’océan Indien est un sujet qui intéresse tous les pays de la région. Qu’en pensez-vous ?

Avant d’évoquer le chemin des baleines, il est bon de rappeler les enjeux, qui sont extrêmement importants pour l’ensemble des îles. La question se pose de manière différenciée d’une île à l’autre. Dans le cas de La Réunion, c’est un combat que je mène depuis plusieurs années afin de permettre aux pêcheurs et armateurs réunionnais de réellement profiter de ce qui se passe dans nos eaux. À ce titre, nous nous heurtons à un cadre européen en ce qui concerne La Réunion puisqu’au niveau européen, le cadre fixé est celui de nous poser dans une situation de surpêche. Nous considérons que l’Union européenne ne peut pas accompagner aujourd’hui les armateurs à La Réunion pour le développement de la pêche côtière ou hauturière. Ce combat a été mené et est en passe d’aboutir aujourd’hui puisque l’Union européenne modifie son cadre d’intervention. La volonté économique de pouvoir profiter de cet espace économique, qui est avant tout le nôtre, c’est un combat qui me paraît légitime. Je comprends parfaitement les positions qui doivent être prises aussi bien par Maurice, Madagascar ou les Seychelles. L’idée générale est de se demander quelles sont les retombées économiques de la pêche pour nos pays, quels sont les éléments de protection que nous devons mettre en œuvre pour pouvoir assurer que ce secteur participe pleinement à la croissance, notamment en matière de création d’emplois.

Le chemin des baleines fait partie des grands sujets que je porte et que nous portons à La Réunion, même si cela n’a pas été évoqué dans ce conseil des ministres. L’océan Indien reste une zone sanctuaire. Il n’y a aucune décision qui ait été prise qui aille dans un sens différent que celui de la sanctuarisation par rapport à la pêche de la baleine. Donc, plus que jamais, le chemin des baleines, qui serait la reconnaissance de cet espace maritime pour lequel il y aura une protection plus accentuée, est un sujet d’actualité et c’est un combat de longue haleine. Le chemin est encore long.

C’est la première fois qu’on vous entend parler de la route des baleines. C’est quoi exactement ?

L’idée est que, tous les ans, nous avons la chance d’avoir des baleines qui reviennent dans les mers froides et qui remontent jusqu’à nos îles. Il y en a beaucoup à La Réunion ainsi qu’à Madagascar, un peu moins à Maurice. Or, ces chemins sont également empruntés par les grands paquebots et navires marchands. Est-ce qu’on peut imaginer qu’on puisse détecter le chemin emprunté par les baleines afin de demander aux navires marchands de s’éloigner et d’éviter qu’on se retrouve dans une zone de pollution et dans une zone de risque de télescopage entre les baleines et les bateaux ? C’est cela l’idée générale…

Encore moins la pêche à la baleine…

Pour moi, l’interdiction de la pêche qui prévaut doit être impérativement préservée et je m’opposerai de toutes mes forces pour qu’il n’y ait pas une remise en question du sanctuaire dans l’océan Indien de la part d’un pays, que ce soit le Japon ou un autre. Si on arrive à délimiter un chemin des baleines, de la sanctuariser et de le protéger dans le cadre des recommandations de l’Unesco au nom de la protection de l’humanité, cela nous permettra de renforcer cette notion de protection dans cet espace.

Avez-vous demandé le soutien de Maurice à ce sujet ?

C’est un dossier qui a été présenté à tous les pays de la zone et qui a été accepté et validé dans le cadre de la COI et des recommandations qui ont été validées en 2016. Aujourd’hui, nous portons ensemble et collectivement ce dossier. Lors de cette réunion de la COI, j’ai également demandé que nous puissions réfléchir et donner mandat à notre secrétaire général pour élargir le sujet dans le cadre d’une agence régionale de la biodiversité de l’océan Indien. Ce sera beaucoup plus large et nous permettra d’aborder toutes les questions touchant à la biodiversité. C’est un sujet partagé et je comprends la sensibilité qu’il peut y avoir d’un pays à l’autre. Nous avons encore besoin de travailler sûrement. L’idée générale est d’amener à ce qu’il y ait cette zone de protection.

Il a aussi été question de sécurité maritime. D’ailleurs, La Réunion était présente au sommet de Maurice en début d’année. Comment La Réunion s’inscrit-elle dans le cadre de cette politique ?

Les décisions qui ont été prises et acceptées par la COI sont des décisions qui correspondent parfaitement à ce que nous souhaitons. Nous avons validé les éléments de conclusions concernant la sécurité maritime pour la France et pour La Réunion.

Comment se portent les relations entre Maurice et La Réunion ?

Nous avons déjà le directeur de l’antenne Maurice-Réunion qui est à son poste à Maurice. Il a réussi en l’espace de quelques années à peine à faire en sorte que cette antenne soit reconnue, qu’elle soit un espace de travail qui permette d’être dans une logique de facilitateur pour les entreprises réunionnaises qui veulent s’intéresser davantage à Maurice aujourd’hui et pour les entreprises mauriciennes qui investissent aujourd’hui à La Réunion dans le domaine du tourisme. Le groupe Leal est à La Réunion depuis quelque temps. Il joue vraiment le rôle de facilitateur sur le plan économique, essentiellement sur l’axe Réunion-Maurice-Réunion. Le bilan de cette première année est très positif.

Comment La Réunion se situe-t-elle par rapport à son intégration commerciale dans la région ?

Elle progresse bien. Les choses avancent bien. Il y a incontestablement une vraie compréhension et une vraie prise en compte de la situation assez particulière que nous avons. Si nous allons ensemble, nous pourrions aller encore beaucoup plus vite, non seulement dans le cadre des relations entre les différentes îles, mais surtout dans notre capacité d’appréhender l’environnement régional. Il est plus simple aujourd’hui pour une entreprise réunionnaise d’être en partenariat avec une entreprise mauricienne et se dire qu’ensemble nous regardons le marché de l’Afrique de l’Est plutôt que de se dire que l’entreprise va pouvoir y arriver seule. Les secteurs d’activité dans lesquels il y a une vraie complémentarité sont celui des énergies renouvelables et des TIC. Ce sont des sujets sur lesquels on peut avoir une vraie “plus value”.

On parle d’investissements communs à Madagascar ou au Mozambique…

Bien sûr, c’est possible. Cela fait partie des sujets sur lesquels nous travaillons. Au Mozambique, nous venons d’ouvrir une antenne à Maputo. Les choses se mettent vraiment en place.

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