D’une démocratie à la mauricienne…

M.FAIZAL JEEROBURKHAN

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La démocratie est communément définie comme un régime politique dans lequel la souveraineté émane du peuple et où les citoyens ont le pouvoir. En 1863 déjà, Abraham Lincoln, président des États-Unis, déclarait que la démocratie est « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Les autres principes et fondements de la démocratie sont la liberté des individus, la règle de la majorité, l’existence d’une « Constitution », la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire), la consultation régulière du peuple (élection et référendum), la pluralité des partis politiques et l’indépendance de la Justice.

M.FAIZAL JEEROBURKHAN

La démocratie directe est l’une des formes premières de la démocratie dans laquelle le peuple exerce directement le pouvoir politique. Dans une démocratie représentative, le peuple exerce ce pouvoir politique d’une manière indirecte : les citoyens élisent des représentants chargés d’établir en leur nom des lois (pouvoir législatif) et de les exécuter (pouvoir exécutif) ; ces représentants doivent à leur tour défendre et appliquer les programmes comme convenu. La démocratie participative désigne l’ensemble des dispositifs et des procédures qui permettent de renforcer l’implication des citoyens dans la vie politique et d’accroître leur rôle dans les prises de décision.(http://www.toupie.org/Dictionnaire/Democratie.htm)

La démocratie à Maurice

Maurice a une longue tradition démocratique ; le pays est doté d’institutions à la “Westminster”. Comparé à certains pays d’Afrique, d’Amérique du Sud ou d’Asie, on peut être fier de notre démocratie. Nous servons même de modèle à certains pays émergents. Notre « Welfare State » émane de la démocratisation de l’éducation, de la santé, de la sécurité sociale, des transports publics, des alimentations de base, entre autres. Cependant, une introspection plus pointue nous révèle de nombreuses failles qui devraient nous interpeller.

Notre démocratie s’apparente à une démocratie représentative. Les citoyens n’expriment leurs revendications politiques au plan institutionnel que le jour du scrutin ; puis ils entrent en hibernation ‘forcée’ pendant les cinq années qui suivent laissant le champ libre à une élite politique et une élite économique, qui parviennent toujours à s’arranger, pour maintenir leur suprématie et tout contrôler. Au nom de la démocratie, notre argent est dévié par centaines de millions de roupies dans des coffres-forts, des bâtiments de la honte, des comptes bancaires à l’étranger, des commissions juteuses sur de gros contrats…

Le concubinage 
politico-financier

L’élite politique gravite autour de quelques familles d’une caste bien précise, qui ont tenu les rênes du pouvoir depuis l’Indépendance monopolisant le post premier ministériel selon la formule bien rodée de « papa-piti ». L’élite économique est une « oligarchie » composée de quelques familles qui contrôlent en grande partie les ressources dont dispose le pays. Elle s’arrange pour maintenir le statu quo en s’abritant derrière une économie capitaliste ultralibérale régie par la loi du marché.
“Lepep admirab”

Ce scénario dure depuis 53 ans et il est plébiscité chaque cinq ans (11 fois depuis l’indépendance !) par « lepep admirab » sans aucune remise en question. Les “die hards”, “bater bis” et “koler lafis” s’échinent à soutenir leurs gurus sans réaliser qu’ils seront broyés inexorablement par le système mis en place. Seuls quelques proches du pouvoir bénéficient du système népotique en place au détriment de la population. La pauvreté, le surendettement des familles et l’écart entre les riches et les pauvres, etc. s’accentuent avec tout ce que cela comporte en termes d’insécurité dans le pays. Les institutions responsables pour faire respecter et promouvoir la démocratie sont infiltrées par la mafia économique, la mafia de la drogue et autres groupuscules occultes. Après les élections, les élus s’éloignent de leurs circonscriptions créant ainsi un cynisme et une attitude de méfiance des citoyens envers la classe politique. La corruption – qui a également cours dans des sociétés démocratiques – gagne malheureusement du terrain à tous les échelons de la société mauricienne. L’éducation à la citoyenneté, si essentielle au bon fonctionnement d’une démocratie, est absente du cursus scolaire.

Perversion de la démocratie

La ‘démocratisation’ de l’économie se résume à « aider les petits copains/es à faire beaucoup d’argent en peu de temps ». Pour certains, la démocratie parlementaire signifie réduire au silence l’opposition avec la complicité d’un « Speaker » qui serait politiquement biaisé. Tout est fait pour museler l’opposition au parlement dans le but de ne pas avoir à répondre aux questions embarrassantes et maintenir l’opacité. La démocratie régionale est mise au placard par un amendement à la Local Government Act pour renvoyer les élections villageoises et les municipales qui devraient se tenir en décembre 2018 sans aucune raison apparente et sans aucune provision budgétaire dans le budget 2020-2021. La ‘démocratisation’ des terres voulant dire « donner aux proches du pouvoir des lopins de terre à travers l’île ». Ne parlons pas des plages publiques, qui sont laissées aux mains de certains sans scrupule avec possiblement pour motif de grosses commissions sous tapis. Dans notre démocratie « moralite pa ranpli vant », les agents politiques sans scrupule défilent dans les couloirs ministériels tandis que certains hommes de loi – qui entendent défendre bec et ongles des barons de la drogue, parfois sans être sollicités – sont les super conseillers de ministres. L’argent gangrène la démocratie de par le financement occulte des partis politiques par des barons sucriers et la mafia de la drogue laissant le champ libre au blanchiment d’argent sale à travers un système économique parallèle évalué à quelque Rs 150 milliards.

La ‘bonne gouvernance’, pour certains, semble être synonyme de placer des nominés politiques, souvent incompétents et accapareurs, à la tête de certaines institutions publiques avec les résultats que l’on connait. La ‘transparence’ voulant dire se cacher derrière les secrets d’État, des sociétés-écrans, ou ignorer la Freedom of Information Act maintes fois promise, pour s’adonner à des combines rémunératrices. ‘Les chances égales à tous’ et la ‘méritocratie’ signifiant placer fils, filles, frères, sœurs, neveux, nièces, beau-frère, belle-sœur, oncle, entre autres, dans des postes clés auprès des institutions publiques et parapubliques.

La Constitution et la démocratie

Le “First-Past-The-Post” ou le système majoritaire à un tour est un déni de la démocratie. Cependant, il fait le jeu des quatre partis mainstream sur l’échiquier politique en leur garantissant un mandat selon le jeu d’alliance – aussi bancal qu’il soit. Chaque parti étant sous l’emprise d’une dynastie avec pour seul programme : prendre le pouvoir et le maintenir le plus longtemps possible. On a ainsi été témoin d’une « musical chair » politique ces cinq dernières décennies. Le communalisme – l’antithèse de la démocratie et toléré par la Constitution –, règne en maître non seulement pendant les élections, mais aussi tout au long d’un mandat. Les fausses promesses électorales, les slogans creux, les mensonges, les bribes électoraux sont souvent utilisés faute d’une idéologie politique, d’un projet de société ou d’un modèle économique valable. Le transfugisme – qui symbolise une trahison des votes de l’électorat et donc de la démocratie – est toléré allègrement pour ne pas dire encouragé. On se moque aussi des “fair and free elections” en proposant de l’argent pour ‘acheter’ les votes de certains électeurs ou plus habituellement en offrant des téléphones portables, des “tempo”, du macaroni ou en faisant asphalter des routes et en recrutant massivement dans les services publics à la veille des élections. On va même jusqu’à blanchir l’argent sale en toute impunité.

Le rôle des médias

La presse, élément indispensable pour la bonne marche d’une démocratie, est souvent jugée embarrassante. Elle est prise pour cible et l’on met sur pied des institutions régulatrices aussi bien rétrogrades que coûteuses et des lois bâillons révolues en vue de la contrôler. La MBC, institution publique financée par les contribuables, est l’exception à la règle. Elle sert de boîte à propagande politique pour les princes et princesses du jour. Heureusement, les médias privés sont là pour rétablir la balance et pour donner la voix aux sans-voix. Aussi, l’accès à l’internet et la démocratisation des nouvelles technologies de la communication nous apportent un souffle d’espoir pour la consolidation de notre démocratie.

Face à ces fléaux, on doit impérativement revoir notre manière de faire de la politique et songer à une nouvelle ‘race’ de politiciens avec de jeunes têtes pensantes, intègres, compétentes et imbues de patriotisme. Il nous faut s’inscrire dans la transition d’une démocratie représentative vers une démocratie participative où les citoyens ont leur mot à dire dans les grandes décisions de l’État ; ils doivent aussi avoir la capacité de révoquer les brebis galeuses au parlement, même durant leurs mandats. Le mandat du Premier ministre doit être limité à deux. La moralité et l’éthique politique sont primordiales. Nous devons choisir nos représentants au parlement de par l’honnêteté, la compétence, l’engagement, et l’idéologie…. Il faut pour cela s’adonner à l’éducation politique des citoyens pour qu’ils comprennent les enjeux de leurs votes. Verra-t-on dans un proche avenir notre printemps mauricien ? Malheureusement, la dynastie ethno-castéiste en place et les conglomérats complaisants feront tout ce qui est en leur pouvoir pour conserver leurs précieux privilèges.

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