Jugnauth vs DPP : bien malsain !

L’acharnement avec lequel Pravind Jugnauth s’attaque au bureau du DPP est-il sain pour notre démocratie ? Au Parlement, au cours de la suite de l’épisode de règlements de comptes avec le député rouge Eshan Juman, le Premier ministre ne s’est pas fait prier pour égratigner Me Rashid Ahmine et son département. Tant pour celui qui a succédé à Me Satyajit Boolell que ce dernier, Pravind Jugnauth saute systématiquement sur chaque occasion pour mettre en cause ce département important et, surtout, dont l’indépendance est cruciale pour la bonne marche du pays. Encore une fois, est-ce bien sensé, surtout de la part d’un chef de gouvernement, de chercher à discréditer un tel organisme, dont l’une des principales priorités est de veiller à la sécurité des citoyens ?
De par ses commentaires mardi dernier au sein de l’hémicycle, s’assurant du coup l’immunité parlementaire, était-ce là une façon pour Pravind Jugnauth d’insinuer que certains dossiers traités par le bureau du DPP comportent des faiblesses ? Souhaitait-il, par la même occasion, motiver ses arguments en faveur du Financial Crimes Commission Bill, qui suscite tant de polémiques et de levées de boucliers ? Depuis son arrivée au pouvoir, ce présent régime a, par mille façons, tenté de désavouer, rabaisser, déstabiliser et affaiblir le bureau du DPP. À quelles fins ? Pravind Jugnauth cherche peut-être à faire d’une pierre, deux (ou plusieurs ?) coups !
Quelle qu’ait été sa (ses) motivation(s), cette attitude est très peu honorable de la part d’un Premier ministre. À défaut de se répéter, un chef de gouvernement se garde bien de ne pas tomber dans de telles bassesses, colportant comme la vulgaire commère du coin, palabres et ragots. La posture adoptée par Pravind Jugnauth, depuis que les hostilités ont été déclenchées entre son gouvernement, ses nominés politiques – en l’occurrence le CP Anil Kumar Dip, qui a été des plus virulents dans cette affaire –, et le bureau du DPP n’inspire en effet que de la méfiance.
Avec le décorum et la retenue que l’on connaît de ceux œuvrant au bureau du DPP, un communiqué a inévitablement circulé pour ne pas entretenir de zones d’ombre. Le communiqué concernait le casefile du député Eshan Juman, brandi par Pravind Jugnauth tel un trophée au Parlement. Le bureau du DPP est venu éclairer sur le fait que de tels éléments d’informations ne peuvent se retrouver entre les mains d’une “third party”, ici le Premier ministre. Voilà qui complique sérieusement la donne pour le citoyen lambda, qui peine à comprendre pourquoi Pravind Jugnauth, son gouvernement et ses nominés politiques en ont autant après le bureau du DPP !
Toute cette affaire ne sent définitivement pas bon. Et son dénouement risque bien de causer un tort sérieux à notre démocratie. Précédemment, soit en 2016, le PMSD avait réussi à faire capoter un premier projet de ce présent régime à revoir les pouvoirs du DPP en démissionnant du gouvernement, alors que le Prosecution Commission Bill devait être voté au Parlement. Les gouvernements successifs du MSM et ses partenaires n’ont fait que… reculer pour mieux sauter. En cette période festive, les employés du secteur public ayant déjà touché salaire et boni de fin d’année, il y a fort à parier que l’attention populaire ne sera pas focalisée sur les travaux à l’Assemblée nationale et les débats, notamment sur le Financial Crimes Commission Bill.
Ces dernières semaines de 2023 ne sont pas de tout repos, avec les manifestations des membres des oppositions parlementaires et extraparlementaires. Qui rappellent aux citoyens concernés par la bonne santé démocratique du pays que nombre de dossiers et problèmes demeurent sans réponses ni solutions.
Dans le même temps, l’intensification de la guerre entre Israël et le Hamas ne manque pas de rappeler toute l’horreur que subit le peuple palestinien. Malgré les interventions des Nations Unies et les efforts de pays comme le Qatar, un cessez-le-feu sur une base purement humanitaire avec des habitants de Gaza contraints de vivre dans les pires conditions, perd de jour en jour ses maigres chances. Reste l’appel renouvelé du pape François « pour que cesse cette grande souffrance » au nom des otages, qui « ont vu renaître l’espoir de rentrer auprès des leurs »… Prions pour qu’un peu de magie de Noël puisse opérer !

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