La démocratie parlementaire pervertie

Les travaux de l’Assemblée nationale pour 2023 ont pris fin, sans surprise, avec les parlementaires de la majorité dans l’hémicycle et ceux de l’opposition dans la rue. Une image symbolique qui caractérise la situation qui prévaut au Parlement.

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L’Auguste Assemblée est, par essence, un lieu de délibération où siègent les députés choisis par les électeurs, et par extension les citoyens, lors des élections législatives. Dans tous les pays démocratiques, c’est un lieu où l’exécutif non seulement sollicite l’aval des législateurs pour l’adoption des textes de loi nécessaires pour la bonne marche du pays, mais également pour rendre des comptes sur la bonne marche des ministères, dont les ministres ont la responsabilité. C’est donc un lieu de conflits, de débats et de confrontations, mais dans le respect de la démocratie et dans le cadre des règles établies ou des Standing Orders.

L’Assemblée est également un espace où les parlementaires non seulement portent les aspirations et les problèmes de leurs mandants, mais aussi mettent en valeur la vision et les stratégies de leur parti ou leur vision personnelle. Ce qui peut donner lieu à des confrontations d’idées ou des confrontations verbales. Dans aucune vraie démocratie, les gouvernements n’ont la tâche facile. Rishi Sunak n’a pas passé la loi concernant le transfert des réfugiés au Rwanda comme une lettre à la poste. Cela n’a pas été le cas non plus pour Emmanuel Macron avec sa loi sur l’immigration.

Malheureusement, les travaux parlementaires, en particulier les séances d’interpellations, sont souvent réduits à une confrontation entre les députés de l’opposition et le Speaker, qui semble suprême au Parlement. Il applique les Standing Ordres comme un vrai inquisiteur. Tous ceux qui le contredisent sont immédiatement suspendus ou expulsés sans aucune forme d’explication. En d’autres temps, ils auraient été expédiés sur le bûcher sous les acclamations de la majorité. Suivant l’escalade des confrontations lors des travaux parlementaires, aucun député de l’opposition n’a confiance ou ne respecte le Speaker à ce jour.

Dans n’importe quel établissement scolaire privé, un enseignant de la trempe du Speaker aurait été rappelé à l’ordre par son supérieur afin de préserver l’image de l’institution. Or, le Speaker ne reçoit que des éloges de la part de ses supérieurs, même si, à force d’exagération, il finit par faire le jeu de l’opposition. Il est devenu la risée du public. Ceux qui ont fait le calcul estiment que les suspensions et les expulsions ont atteint un record mondial qui sera difficilement égalable, autant pour le nombre que pour les heures gaspillées. Et dire qu’il y a encore plusieurs séances jusqu’à novembre prochain…

Cette semaine, lors de la dernière séance parlementaire avant les vacances, deux textes de loi majeurs, soit le FCC Bill et celui sur la délimitation des circonscriptions, ont été adoptés. Même si en raison de l’absence des parlementaires de l’opposition, on est tenté de voir les “nice boys and girls” d’un côté et les “bad boys and girls” de l’autre, il ne faut pas oublier que des parlementaires des deux côtés de la Chambre ont participé aux débats pour faire valoir leurs points de vue sur ces deux projets de loi. Il se trouve que la séance de mardi était exclusivement réservée aux membres de la majorité pour intervenir sur les deux textes, considérés par d’aucuns comme « antidémocratiques ». Il serait injuste de dire que l’opposition ne s’y est pas intéressée.

À propos de la Financial Crimes Commission, l’effort déployé par le Premier ministre pour soutenir que le DPP n’a pas le monopole pour intenter les poursuites n’est pas passé inaperçu. Il a cité abondamment les jugements du Privy Council sur les affaires comparables dans les pays du Commonwealth. Il serait intéressant de connaître le point de vue de la Cour suprême et, éventuellement, du Conseil du roi sur le cas mauricien.

En attendant, un poids considérable pèse sur celui qui occupera le poste de directeur général et sur ceux qui siégeront sur la FCC. Comme l’a souligné le Premier ministre, il leur reviendra de démontrer leur indépendance. La balle est dans leur camp. D’ici là, souhaitons un joyeux Noël à tous les Mauriciens !

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