PARADISE PAPERS : L’offshore mauricien soumis à d’intenses pressions

Craintes de voir les autorités indiennes se montrer plus exigeantes envers Maurice avec les transactions de “Round Tripping” exécutées au nom des hommes d’affaires par la filiale d’Appleby à Maurice
Quarante-huit heures après la divulgation par l’International Consortium of Investigative Journalism (ICIJ) de la teneur de 13,4 millions de documents appartenant à la société internationale, Appleby, qui a une filiale à Port-Louis, l’offshore de Maurice sera soumis à des pressions accentuées. C’est ce qu’indique le site de l’ICIJ, qui prévoit dès ce soir la publication d’une série de dénonciations portant sur « the huge offshore trust funds held by rich and powerful people; how prominent political donors in the U.S. make use of offshore financial structures; and reporting on tax haven shopping sprees by multinational companies in Africa that use shell companies in Mauritius ».
La Financial Services Commission (FSC) et la Mauritius Revenue Authority (MRA) sont sur le pied d’alerte. Des escouades ont été constituées pour compiler les dernières informations susceptibles de porter préjudice au Global Business Sector à Maurice et pour parer à toute éventualité. Les premières informations disséminées dans la presse internationale, notamment en Grande-Bretagne et en Inde, indiquent que les répercussions sur le secteur des services financiers pourraient nécessiter un conséquent exercice de Damage control sur le plan international. En ce qu’il s’agit de New-Delhi, Port-Louis doit se préparer à rendre des comptes et à collaborer à des enquêtes, initiées par le Central Board of Direct Taxes de l’Inde, sur des transactions de Round Tripping exécutées par les soins de la filiale d’Appleby, logée chez Médine Mews à Port-Louis.
Dans les milieux officiels, notamment au sein du ministère des Services financiers, de la FSC et de la MRA, l’on se prépare depuis le début de cette semaine à gérer un « gros problème » depuis la publication des Paradise Papers. Contrairement aux précédentes dénonciations, notamment les Panama Papers, l’ICIJ, qui bénéficie d’un réseau dans tous les pays du monde, a annoncé qu’il compte cibler spécifiquement Maurice en priorité parmi les 19 jurisprudences concernées par les opérations d’Appleby. D’aucuns affirment que comme dans le cas d’Enron avec Arthur Andersen, les Panama Papers avec Fossack Monseca, les Paradise Papers devront peser lourd dans la balance pour Appleby. La filiale de Maurice fait déjà face à un « grave problème » en raison d’un récent jugement contre elle des autorités de Jersey.
Dans la conjoncture, Maurice devra s’attendre à voir les autorités indiennes se montrer plus exigeantes et davantage intransigeantes à son égard au chapitre des dispositions du Double Taxation Avoidance Treaty (DTAT). En effet, les détails préliminaires des Paradise Papers confirment que l’offshore de Maurice constitue un terrain de prédilection pour les resquilleurs de la taxe dans le monde de la haute finance. Toutefois, à ce matin, la partie mauricienne préfère attendre les détails de l’ICIJ de cet après-midi avant de se prononcer, tout en soulignant que Maurice collaborera dans cette enquête aux termes des engagements pris sur le plan international.
Ci-dessous, les premiers cas où Maurice est citée et qui ont été mentionnés dans la presse internationale depuis la soirée de dimanche :
FIITJEE : La filiale mauricienne QLearn, filiale du Qatar Qinvest, a cédé 1 952 907 actions du géant indien FIITJEE à plus de Rs 720 millions à Ambit Group, basée à Mumbai, en juillet 2015, selon le cabinet d’avocats offshore Appleby. Étant donné que le groupe Ambit est une société détenue par Qinvest (Qinvest détient d’importantes participations dans Ambit), la transaction de 2015 entre QLearn et Ambit Capital Private Ltd équivaut à la vente d’actions entre ses propres sociétés.
Les dossiers d’Appleby montrent que Sumeet Singh, de Shardulchand Mangaldas, une firme indienne d’avocats, a envoyé un courriel le 4 août 2015 à Malcolm Moller, d’Appleby à Maurice, pour un conseil juridique : « Notre client propose actuellement d’effectuer une transaction qui nécessite entre autres l’analyse de certaines questions sous les lois mauriciennes. »
Le groupe indien Jindal : Quand le cabinet d’avocats Linklaters Singapour Pte a approché Appleby en 2013 pour nommer deux administrateurs sur deux sociétés mauriciennes de Jindal Stainless Group, à savoir Jargo Investments et Vavasa Investments, le fournisseur de services offshore a décidé de ne pas aller de l’avant avec les nominations. Le responsable de compliance d’Appleby a brandi un red flag en identifiant que le propriétaire Abhyuday Jindal était de nationalité indienne et que des investissements étaient en cours en Inde, comportant donc des risques de round tripping.
La demande de nomination proposée concernait un prêt de 35 millions de dollars accordé par Credit Suisse AG Singapour aux deux sociétés du groupe Jindal.
Les documents d’Appleby montrent qu’elle a identifié ses employés Malcolm Moller et Gilbert Noël pour siéger au conseil d’administration de deux entreprises mauriciennes, Jargo Investments Limited et Vavasa Investments Limited.
Les représentants d’Appleby ont été nommés au conseil d’administration de Jargo Investments et de Vavasa Investments de mars 2013 à janvier 2017.
Apple : Le géant de la technologie Apple avait en mars 2014 envoyé un questionnaire à Appleby, un important cabinet de droit financier offshore et source d’une grande partie de la fuite de Paradise Papers. Apple demandait en fait quels avantages différents territoires offshore — l’île Maurice, les îles Vierges britanniques, les Bermudes, les îles Caïman, l’île de Man, Jersey et Guernesey — pourraient l’offrir. La compagnie a paraît-il finalement choisi Jersey comme une alternative après une répression de 2013 sur ses pratiques fiscales controversées en République d’Irlande, révèlent-ils.
Les emails fuités montrent également qu’Apple souhaitait garder le secret sur le coup et que « cela ne devait être discuté que par le personnel qui a besoin de savoir ».
Serco : Selon les Paradise Papers Leaks, contacté Appleby par l’intermédiaire d’un cabinet d’avocats à Londres le 1er septembre 2015, demandant de l’aide pour « établir une filiale à Maurice afin d’acquérir 49 % d’une société à Abu Dhabi ». Le rôle d’Appleby était lié à la vente d’une société Serco aux Emirats Arabes Unis, dénommée Serco Business Services. Le cabinet d’avocats a aidé à créer une holding d’investissement à l’île Maurice, qui prendrait une participation de 49 % dans Serco Business Services, le maximum autorisé par les lois sur la propriété étrangère des EAU.
La société mauricienne était détenue à 100 % par Serco Holdings Ltd. Lorsque l’activité des EAU a finalement été vendue, Serco a reçu un paiement de 10,5 millions de livres de la société de capital-investissement Blackstone.
Un porte-parole de Serco a déclaré que la société mauricienne avait été créée à la demande de l’acheteur de ses activités aux EAU. « À la demande de l’acquéreur, Serco a transféré les actions d’une entreprise basée aux EAU à Maurice dans le cadre du processus de vente », a-t-il ajouté. « Serco n’a gagné aucun impôt ou aucun autre avantage de cet arrangement. »
Mrs Brown’s Boys : Les Paradise Papers révèlent que trois stars de la sitcom de la BBC Mrs Brown’s Boys ont détourné plus de 2 millions de livres dans un plan d’évasion fiscale. Patrick Houlihan et Martin et Fiona Delany ont transféré leurs frais dans des sociétés à Maurice et ont envoyé de l’argent sous forme de prêts.
Les documents divulgués, détenus par le cabinet d’avocats offshore Appleby, montrent comment les trois stars de Mrs Browns Boys ont payé leurs droits auprès d’une société de production appartenant à Brendan O’Carroll, créateur et vedette du spectacle et père réel de Fiona Delany, dans des entreprises contrôlées à Maurice.

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