PNQ : Note de consensus sur la réforme électorale

La Private Notice Question (PNQ) du leader de l’opposition Paul Bérenger pour la rentrée parlementaire a permis de dégager des concordances de vues entre le gouvernement et l’opposition au sujet des points fondamentaux portant sur la réforme électorale envisagée. Un ton sobre et consensuel a marqué les échanges entre le Premier ministre et Leader of the House, Navin Ramgoolam, et Paul Bérenger, lors de la PNQ, qui a duré plus que les 30 minutes officielles en raison de l’importance du dossier évoqué. Ainsi, un premier point d’accord entre Navin Ramgoolam et Paul Bérenger s’est porté sur la formule de la représentation proportionnelle. Le Premier ministre, qui a révélé que sa préférence allait pour la première formule – soit la liste bloquée par ordre de priorité –, a ajouté que, finalement, il pourrait bien s’accommoder de la troisième préconisée dans le “Consultation Paper”. Cette dernière formule, qui est un mélange de la liste bloquée par ordre de priorité et la deuxième, par ordre alphabétique, est l’option préférée par le leader de l’opposition.
Un autre point où une convergence de vues se dégage entre le Premier ministre et le leader de l’opposition concerne le sort qui devra être réservé aux propositions de redécoupage des circonscriptions sur la base du rapport de l’Electoral Boundaries Commission de 2009. Paul Bérenger est ainsi d’avis que de tels changements au niveau de ces circonscriptions ne pouvaient logiquement avoir lieu quasiment à la veille des prochaines élections générales. Il a ajouté que « Parliament stands dissolved by May next year ».
Le Premier ministre a confirmé vouloir aller dans la même direction et a annoncé qu’une motion portant sur cette question de redécoupage électoral sera présentée bientôt à l’Assemblée nationale pour une décision.
Toujours sur le chapitre de la réforme électorale, la question restant à être résolue porte sur le nombre de députés sous la “Proportional Representation”. Le “White Paper” avance en effet le nombre minimum de 16, Navin Ramgoolam répétant à plusieurs reprises que « I am open but it must be at least 16 ». Pourquoi 16 ? Le Premier ministre s’appesantira sur le fait que la représentation proportionnelle doit assurer l’intégration du “Best Lost System”. Et d’ajouter : « Ceux qui parlent de quatre ou de huit n’ont pas bien compris le problème. »
Aucune hostilité
Tout au long des échanges sur la PNQ, Navin Ramgoolam reviendra sur deux aspects sine qua non de la réforme : la stabilité du système et la représentation de toutes les composantes de la nation arc-en-ciel. Pour sa part, Paul Bérenger, qui n’a affiché aucune hostilité apparente au sujet des propositions du gouvernement dans le cadre du dialogue national sur la réforme électorale, a voulu obtenir des garanties quant au délai pour la présentation des amendements à la Constitution donnant force de loi à la réforme. Il a souhaité voir cette étape franchie « dans un délai raisonnable » après le 5 mai, date de la clôture annoncée par le Premier ministre pour la soumission des commentaires sur le “Consultation Paper” à l’Electoral Reform Unit du Prime Minister’s Office.
Bérenger : par rapport au système électoral, le Premier ministre peut-il informer la Chambre quand le gouvernement se propose d’introduire à l’Assemblée nationale un projet de loi à cet effet, de même que la motion portant sur le redécoupage des circonscriptions suite à la soumission du rapport de l’Electoral Boundaries Commission de 2009, quand le gouvernement a informé le Comité des Nations Unies pour les Droits de l’Homme au sujet des mesures prises pour traduire dans la réalité les points de vues exprimés lors de la réunion du 27 juillet 2012 aussi bien que la composition de l’Electoral Boundaries Commission et que les dates de la fin du mandat de chacun des membres de cette instance constitutionnelle ?
Ramgoolam : pas plus tard qu’hier, j’ai rendu public le document “Renewing Democracy, Electoral Reform, Modernising the Electoral System”. Comme je l’ai expliqué, cela fait 46 ans que le pays est doté de l’actuelle Constitution et de ce système électoral. Au fil des années, la Constitution s’est présentée comme la “Bedrock of political and social stability”. Mais il est temps de revoir les dispositions. Nous devrons cependant adopter une approche pragmatique et solide dans la conjoncture. L’objectif est de chercher les points de vues de tous les Stakeholders, et pas seulement ceux qui sont représentés à l’Assemblée nationale. Nous avons pris la décision d’initier un dialogue national avec les commentaires transmis à l’Electoral Reform Unit au Prime Minsiter’s Office au plus tard le 5 mai. Nous allons décider de la marche à suivre par rapport aux propositions sur la base des résultats de ces consultations.
Le gouvernement est parfaitement conscient de la configuration des différentes circonscriptions du pays et des problèmes inhérents avec le nombre d’électeurs dans ces circonscriptions. D’où la décision d’avoir recours à de “Wasted Votes”. Il serait prématuré d’avancer la date pour la présentation du projet d’amendements à la Constitution. Nous sommes d’avis que le fait de modifier le nombre des électeurs par circonscriptions viendra s’ajouter aux problèmes existants. Nous n’allons pas favoriser des changements dans les redécoupages des circonscriptions. Je compte venir à l’Assemblée nationale avec une motion avec les parlementaires de décider d’approuver ou de rejeter le rapport de l’Electoral Boundaries Commission.
A ce stade de sa réponse liminaire, Navin Ramgoolam revient sur la chronologie des événements avec le “pronouncement” du Comité des Nations Unies pour les Droits de l’Homme en faveur de Rezistans ek Alternative par rapport à l’article 25 de l’International Covenant on Civil and Political Rights et la déclaration ethnique des candidats à des élections générales. Ce “pronouncement” avait soutenu qu’il était du devoir du gouvernement d’élaborer un “Effective Remedy” en faveur de Rezistans ek Alternativ. Il fait état des suggestions du Comité des Nations Unies pour les Droits de l’Homme, dont, entre autres, un “updating” du recensement communal de 1972.
La décision officielle est qu’il ne devrait pas y avoir de violation de ces droits lors des prochaines élections générales.
Navin Ramgoolam ajoute que le 27 février de l’année dernière, le gouvernement avait informé, par voie de “note verbale”, le Comité des Nations Unies pour les Droits de l’Homme de son intention de venir de l’avant avec un “Consultation Paper” pour revoir le “Best Loser System”.
Ramgoolam : devant les protestations de Rezistans ek Alternativ auprès de cette instance des Nations Unies à l’effet que le gouvernement a failli de respecter les directives du 27 juillet 2012 et qu’il n’y a aucune garantie d’une nouvelle répétition du rejet des candidatures aux prochaines élections. Dans une “note verbale” en date du 20 juin 2013, nous avons clairement fait comprendre que le government is mindful of its international obligations. Nous avons confirmé notre intention de venir de l’avant avec une “effective and enforceable remedy” et que le gouvernement a déjà engagé des procédures en ce sens.
Cette question implique des réformes majeures dans la Constitution et nécessite des consultations d’envergure. D’ailleurs, le Judicial Committee of the Privy Council est partisan que toute cette question soit résolue sur la base d’un débat politique et de réformes constitutionnelles à Maurice. Une telle réforme ne peut se faire que suite à un dialogue national. Le gouvernement n’est partisan de “piecemeal reforms”. « Nous voulons une réforme qui apportera la stabilité politique et le renforcement de la démocratie. »
La section 38 (2) de la Constitution prévoit que l’Electoral Supervisory Commission (ESC) soit composée d’un président, ainsi que d’un minimum de deux membres et d’un maximum de sept. Le président de l’ESC est Me Yousouf Aboobaker, Senior Counsel, dont le mandat arrive à échéance le 29 juillet prochain. Les autres membres sont Me Désiré Basset, Senior Counsel, Nargis Bundhun, Oograssen Cowreea, Prem Bissessur, Georges André Robert et Devina Peerun. (Pour chacun des membres, le Premier ministre donne la date de la fin du mandat)
Bérenger : Pour ma première interpellation supplémentaire, je m’attaquerai au “Livre Blanc” sur la réforme électorale. Il est un fait que le Comité des Nations Unies pour les Droits de l’Homme a un “Careful Watch” sur les intentions du gouvernement par rapport à la réforme. Puis-je demander au Premier ministre d’introduire, dans un délai raisonnable, après le 5 mai prochain, des amendements à la Constitution sur la réforme ?
Ramgoolam : Affirmatif. Déjà, depuis hier, certains qui me disent que le délai du 5 mai est trop court. Je ne voudrai pas m’attarder trop longtemps sur cette étape. Il y a des questions qui ont déjà été discutées et des solutions apportées. Et il n’y pas lieu d’y revenir. We have to be careful.
Bérenger : Comme le Premier ministre l’a dit, des questions fondamentales ont déjà été discutées. Bien. Mais il reste deux questions fondamentales en suspens : le nombre de représentants sous la “Proportional Representation” et cette formule de PR. Le “White Paper” fait état de trois formules : la liste bloquée par priorité, la liste présentée par les leaders des partis et un mélange des deux, soit un peu ce que nous avons préconisé. Puis-je savoir du Premier ministre quels sont ses préférences ?
Ramgoolam : Ma préférence va pour la première formule. This is my first preference. But Mauritius is what it is and we have to be very careful. That’s why we have to integrate the Best Loser into the Proportional Representation. But my favourite option remains No 1. My second option is the third one, the mixture of No 1 and No 2. The second option is out. It is a bit too drastic…
Bérenger : Very good. Our shared preference devrait nous permettre d’avancer… I am glad to hear that his second and final preference is a mix of the two. It is very important that agreement is reached between the Prime Minister and myself. This is the most fundamental step forward…
Ramgoolam : Toutefois, nous avons à intégrer le “Best Loser System” dans la représentation proportionnelle. Pour ce qui est de la formule de la représentation proportionnelle, il semblerait qu’un consensus se soit dégagé. Mais je dois consulter mes partenaires, ce que je n’ai pas encore fait (il se tourne à sa droite, avec Xavier-Luc Duval en point de mire). At least one of the hurdles has been cleared, if I am not thrown out…
Bérenger (avec un large sourire) : You will join us…
Cette Remarque de Paul Bérenger détend l’atmosphère solennelle au sein de l’hémicycle.
Ramgoolam : I understand the leader of the opposition. But I am concerned with stability… I don’t want horsetrading after the elections. J’ai dit qu’il faut un minimum de 16, le chiffre ne peut être 14. Certains parlent de quatre. D’autres de huit. Ils n’ont pas assimilé le problème si l’on veut intégrer le “Best Loser System” dans la proportionnelle. I have said at least 16 but I am open. It’s a question of balancing different issues, fairness and stability. Stability is essential. La population doit savoir qui formera un gouvernement après la proclamation des résultats.
Bérenger : La Constitution prévoit que tout changement dans le système électoral doit être soumis aux commentaires de la Commission électorale et de l’Electoral Supervisory Commission. Est-ce que tel sera le cas ?
Ramgoolam : Oui. Des dispositions ont été prises pour recueillir les commentaires de ces instances sur le Livre Blanc. C’est pourquoi, j’ai arrêté la date du 5 mai, au cas contraire 2015 sera là que nous serons encore à discuter de la réforme.
Bérenger : Venons-en au redécoupage électoral. Nous avons eu quatre rapports, soit en 1976, 1986, 1999 et nous voilà en présence d’un dernier. The National Assembly stands dissolved in May 2015. Il est déjà trop tard pour procéder à un redécoupage. Je suis heureux de prendre connaissance de la décision du Premier ministre. Mais ce qui me dérange, c’est que le “White Paper” et le Premier ministre donnent l’impression qu’il n’y aura jamais de changements au niveau des circonscriptions et que cela restera de manière permanente. Mais la Constitution prévoit des redécoupages tous les dix ans. Puis-je avoir la garantie qu’il n’y aura pas de changements et que l’Electoral Boundaries Commission sera appelée à exécuter son mandat le moment venu ?
Ramgoolam : Je suis heureux de prendre connaissance de la prise de position du leader de l’opposition sur le redécoupage. Il y avait un petit doute qui planait. Il est d’accord qu’il ne devrait pas y avoir de redécoupages dans l’immédiat. That’s settled. Pour la garantie, je peux lui dire que c’est une question de langage. Il y aura d’autres exercices de redécoupage à l’avenir. A l’Assemblée de décider de les adopter ou de les rejeter.
A une autre interpellation de Paul Bérenger, le Premier ministre indiquera que le Comité des Nations Unies pour les Droits de l’Homme est tenu informé des intentions et du projet de la réforme électorale. Le leader de l’opposition réclamera des précisions au sujet de la composition de l’Electoral Supervisory Commission en prenant soin de rappeler qu’il n’est pas dans sa démarche de mettre en doute les membres de cette instance, en soulignant que « the judiciary and the Electoral Commission are the two pillars of our democracy ».
Le Premier ministre rétorquera qu’il ne s’immisce pas dans les affaires de l’Electoral Supervisory Commission en révélant qu’il vient de renouveler le mandat de Me Peerun, qui avait été nommée par le précédent gouvernement. Le leader de l’opposition rappellera que ce choix est fait par le Président de la République à la suite des consultations avec le leader de l’opposition, entre autres.
Pravind Jugnauth, Alan Ganoo, Adil Ameer Meea, Francisco François, Eric Guimbeau, Nando Bodha et Roopun sont également intervenus. Les félicitations d’Eric Guimbeau au Premier ministre ont suscité une réaction de Paul Bérenger, qui a déclaré « un “White Paper” bienvenu », comme pour confirmer la détente et la note de consensus lors de la PNQ sur la réforme électorale.

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