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PORTRAIT : Anon Panyandee, d’auxiliaire de théâtre à metteur en scène

À l’occasion des 450 ans du poète, écrivain et dramaturge britannique William Shakespeare, la Mauritius Drama League (MDL) présentera Midsummer night’s dream, pièce traduite en kreol par Bhismadev Seebaluck en “Enn swar en été” à Rodrigues, avec des artistes rodriguais vers octobre/novembre. La pièce, une adaptation de la version originale, sera mise en scène par Anon Panyandee. Rencontre avec un metteur en scène qui a appris l’essentiel de ce métier sur le tas.
L’itinéraire théâtral d’Anon Panyandee débute à l’adolescence. Élève au collège New Eton, à Rose-Hill, il y a une cinquantaine d’années, comme de nombreux jeunes de l’époque il fréquente le Cercle de l’amitié. « C’était un club littéraire qui organisait des débats et les membres participaient à des festivals de théâtre. À cette même époque, il existait une formation qui s’appelait “Mauritius Selected Artists”. Créée par Azize Asgarally, elle accueillait des artistes ayant brillé dans le cadre de ces festivals et ceux-là avaient l’occasion de jouer dans des pièces, souvent d’auteurs américains, qu’il mettait en scène ». Mais lorsqu’Anon Panyandee se joint à eux, il n’est pas encore comédien.
Ami à l’assistant-metteur en scène Vinod Gowreea, à chaque manifestation, il se rend sur le plateau pour aider, là où on avait besoin de ses services : tantôt pour le décor, tantôt dans les coulisses. « J’ai beaucoup appris de Yacoob Patel par exemple qui était un très grand artiste et il était responsable du décor ». En contrepartie, le jeune Anon Panyandee est payé. Très vite néanmoins, en l’absence de tel ou tel comédien, il se retrouve sur scène à incarner leur rôle, le temps d’une répétition.
« Par la suite, on m’a proposé des petits rôles. Le premier était dans “Chosen ones”. J’ai continué et même après le Higher School Certificate, lorsque j’ai intégré la Training school, je jouais au sein de Mauritius Selected Artists. Petit à petit, avec le départ des uns et des autres, il y a eu la dissolution du groupe ».
Instituteur durant les quatre premières années de sa carrière, Anon Panyandee s’oriente très vite vers l’éducation spécialisée pour handicapés en y assurant des activités diverses, dont le sport adapté dans une école spécialisée. « Comme les enfants manquaient d’activités, j’y avais introduit les expressions corporelles. Je les préparais aussi pour les compétitions sportives et j’y enseignais la gymnastique adaptée », fait ressortir notre interlocuteur, qui a suivi une formation en gymnastique à Maurice et ensuite en France. « Les élèves de l’école étaient sollicités pour des démonstrations dans des collèges », poursuit-il en évoquant la mise en place de la Fédération handisport à Maurice en 1990.
Relance de la MDL
Pendant les 14 années qu’a duré son passage à l’école des handicapés, Anon Panyandee était plutôt coupé du théâtre. « Je suis parti après la restructuration de l’école, car tout avait changé, je devais me retrouver ». Au même moment, il est promu maître d’école. « Il m’était difficile de retourner dans le cursus normal. Après ce passage à l’école des handicapés mon regard avait changé sur la vie et sur la société ». Estimant avoir plus à donner dans une école difficile que dans une école normale, il demande à être posté dans une école de la Zone d’éducation prioritaire (ZEP). « Je ne crois pas dans la compétition, mais je crois dans le développement humain et dans le travail social. On a besoin de redonner à ces enfants leur dignité ».
Cette période est aussi marquée par la relance de la MDL. « L’association était en hibernation. Les membres sont venus me voir pour sa relance avec la présentation de la pièce “Li” de Dev Virahsawmy, à la municipalité de Quatre-Bornes. J’ai hésité dans un premier temps, car il fallait jouer en kreol. Je ne l’avais jamais fait auparavant. Puis, j’ai accepté. Et c’est là, aux côtés de Pierre Lesage, Rajoo Ramanah et Bhismadev Seebaluck, entre autres, que j’ai vraiment découvert le théâtre. La MDL a ensuite enchaîné avec d’autres pièces en kreol comme “Tartif”, selon une traduction de Dev Virahsawmy, jouée avec le soutien de l’agence Immedia. J’étais assistant-metteur en scène aux côtés de Rajoo Ramanah. D’ailleurs, c’est en visionnant une vidéo postée sur internet que Gaëtan Siew m’a approché pour le film “Voisin”. On est en 1995. Il y a aussi eu “Makbef”, “Animal Farm”, “Zéro payé”, une traduction de la pièce “Can’t pay, won’t pay” du prix Nobel de littérature Dario Fo, ou encore son autre pièce “Accidental death of an anarchist”, traduite par “Lafnet fours”. Vers 2000-2003, on a fait le tour de l’île et de Rodrigues pour jouer “Solisyon dan lamé”, une pièce écrite et montée par Rajoo Ramanah ».
Entre-temps, parallèlement à son engagement comme assistant-metteur en scène, à la demande du ministère de l’Éducation, il écrit le programme de formation dispensée par la MIE dans le cadre de l’introduction du théâtre dans les écoles primaires. Anon Panyandee y prend aussi de l’emploi comme formateur.
« Enn avantir ki vo lapenn »
Alors que Rajoo Ramanah quitte la scène discrètement, c’est lui qui prend la barre et démarre une production conjointe avec Bhismadev Seebaluck pour la traduction des pièces qu’il met en scène. En 2011, à l’occasion des 150 ans de Rabindranath Tagore, il traduit “Post Office” en “Enn let depi lerwa” qu’il met en scène. Bhishmadev Seebaluck traduira par la suite “Gitanjali” par le même auteur et la pièce sera mise en scène par Anon Panyandee à Maurice et à Rodrigues. La dernière représentation produite par des Rodriguais a eu lieu en février de cette année à Rodrigues, à l’occasion d’une semaine qui était consacrée à l’homme et son oeuvre.
Heureux de cette expérience enrichissante, le metteur en scène, avec l’accord des membres de la MDL, décide de monter une autre pièce, cette fois-ci de Shakespeare, avec des acteurs Rodriguais. « Ils vivent pour cet art. Ils sont très modestes et très naturels. They are committed to the art ! » La première représentation est prévue vers octobre/novembre, à Rodrigues, dans le cadre de la semaine qui sera dédiée au dramaturge britannique. Comme pour “Gitanjali”, ce sera une adaptation de la pièce avec un spectacle musical et de danse intégré. Notre interlocuteur constate que de nombreux comédiens rodriguais sont des instituteurs qui ont suivi une formation au MIE. Anon Panyandee et Bhishmadev Seebaluck prévoient un déplacement dans l’île durant la quatrième semaine de mai pour recruter les comédiens. Après la représentation à Rodrigues, ils viendront jouer à Maurice. “Enn swar en été” dure une heure et demie.
À 62 ans, Anon Panyandee estime que « se enn avantir ki vo lapenn » et compte poursuivre dans cette voie.

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