QUAND L’ART T’EXHORTE À PRENDRE CONSCIENCE : Keith Haring, cet artiste très engagé !

Dr Didier WONG CHI MAN

- Publicité -

L’actualité du moment est morose et comment peut-il en être autrement, avec cette foutue Covid-19 qui continue à bouleverser nos vies ? Comment peut-il en être autrement avec cette corruption politicienne mise au-devant de la scène locale alors même qu’une partie de la population peine à joindre les deux bouts pour vivre, ou survivre pour les plus démunis ? Faire de la politique est un acte d’engagement envers un peuple. Le politicien honnête est un homme ou une femme engagé.e au service de l’autre. Or, quand la malhonnêteté, la soif du pouvoir et l’argent facile gangrènent l’acte politique ou humanitaire, nous tombons dans un désengagement minable.

Fresque réalisée aux abords du musée d’art contemporain de Barcelone copy

Quelle peut être la contribution des Arts Plastiques face aux fléaux, aux maux, aux virus et autres pandémies qui affectent dangereusement notre société ? Si certaines facettes de la politique politicienne déçoivent, le semblant de légèreté que peut apporter l’Art peut-il aider à mieux conscientiser les gens ?

Artiste américain célèbre

Keith Haring est un artiste américain célèbre qui faisait partie de la bande de l’East Village  (Andy Warhol – son mentor), Jean-Michel Basquiat, Kenny Scharft, etc.), mais hélas décédé trop tôt du sida à l’âge de 32 ans en 1989. L’artiste fît des études en dessin publicitaire, mais sa passion pour l’art l’amène à quitter Pittsburg en 1978 afin de poursuivre ses études en intégrant la School of Visual Arts de New York. Cette ville cosmopolite étonnante le déconcerte et il finit par se rapprocher du milieu artistique émergeant, le street art, plus particulièrement le graffiti et bien entendu le Pop Art incarné par Warhol. L’espace urbain devient pour lui ce territoire qui lui accorde une grande liberté et remplacera les lieux conventionnels d’exposition. Il commence d’abord par dessiner sur les panneaux publicitaires noirs dans le métro new-yorkais qui devient une sorte de terrain de jeu. Haring développe un langage pictural simple, minimaliste, percutant, composé de formes simples colorées en aplats et cernées d’un contour noir qui enferme les figures comme pour canaliser une énergie débordante avec une grande économie de moyens. Ses personnages très stylisés sont sans visages et sans réelles expressions. Il voulait démocratiser l’art. Il souhaitait que l’art aille vers le public gratuitement. « L’art n’est pas une activité élitiste réservée à l’appréciation de quelques-uns, mais il est là pour tous, c’est le but vers lequel tend mon travail », disait-il. L’engagement est déjà là et son programme déjà fixé. Ainsi, le métro était ce lieu idéal qui lui permettait de se donner à voir, mais surtout d’exhiber son travail éphémère, les « subway drawings » dessinés avec de la craie blanche. Arrêté à plusieurs reprises par la police pour vandalisme, il commence à éveiller la curiosité du monde de l’art pour devenir plus tard une star.

Artiste très engagé, Keith Haring traite de nombreux sujets sociétaux à travers ses œuvres : la révolution technologique, le poids des conservatismes et du dogmatisme religieux, le capitalisme, la corruption, la négation de l’individu, la sexualité, le racisme et la maladie et le sida. Découverte dans les années 80 aux États-Unis, cette maladie fut d’abord considérée comme un mal ne concernant que les homosexuels, principales victimes à l’époque. Dès lors qu’il découvre sa séropositivité en 1988, il décide de s’engager dans une lutte contre les discriminations homophobes dans un climat social hostile à la diversité sexuelle. Le gouvernement de l’époque, peu enclin et peu impliqué dans la lutte contre cette maladie, pousse Haring à s’investir pleinement jusqu’à devenir un militant actif de l’association Act Up (Aids Coalition To Unleash Power). Ses peintures détonnent par leur simplicité, leurs couleurs vives et joyeuses, mais aussi par les thèmes abordés. Tout est explicite. Haring n’a aucun tabou graphique. Les phallus sont exhibés sans honte et les actes sexuels sont montrés ; dénoncer devient un acte militant. L’art devient à ce moment politique, mais pas une politique politicienne teintée de magouilles, de mensonges, de déboires, de dérives et d’hypocrisies sans nom comme le démontre l’actualité du moment.

Fear of ignorance, Keith Haring, affiche réalisée pour Act Up copy

Il est impressionnant de constater à quel point et en si peu de temps, Haring s’est investi humanitairement, artistiquement et financièrement dans toutes les grandes causes de son époque. Son engagement l’amène à créer sa propre fondation pour venir en aide aux enfants malades. Ainsi, il a décoré gratuitement la façade de l’hôpital Necker à Paris et la maternité de Monaco. Aux abords du musée d’art contemporain de Barcelone, il a réalisé une fresque sur le Sida. Ces messages visuels nous interpellent et marquent nos esprits. Ils nous exhortent souvent à réfléchir, à comprendre, à faire débat et parfois à abdiquer. Point d’agressions verbales, point de violences, rarement démagogique. L’art engagé prévient, dénonce pacifiquement sans brutalité blessante la plupart du temps.

Keith Haring me tend la perche et me rappelle cette œuvre de Jean-Michel Basquiat qui s’intitule : « The death of Michael Stewart », peinte sur le mur de l’atelier de Keith Haring et qui dénonce une bavure policière où le graffeur américain, Michael Stewart, a succombé après avoir été tabassé par la police pour avoir tagué dans le métro. Comment ne pas penser aux dérives de certains policiers locaux qui ont enfreint les droits humains récemment ? Comment ne pas être horrifié en pensant que ceux qui sont censés nous protéger puissent agir comme des bourreaux sans cœurs et sans états d’âme ? Respectons la loi et respectons la dignité humaine ! Tout comme Haring, Basquiat fait partie de ces artistes engagés qui pointent du doigt un système, des comportements néfastes qui rongent notre société capitaliste, individualiste, égoïste et à la dérive.

Prévenir, dénoncer, conscientiser artistiquement sont des verbes d’action qui pourraient contribuer à faire réagir le public. L’Art peut être et doit être au service de la société. L’Art engagé est un acte politique et militant fort, sans doute aussi fort, si ce n’est parfois plus fort et plus convaincant que la politique politicienne.

Keith Haring à côté d’un de ses subway drawings, New York copy

Voici ma modeste contribution. Un tableau réalisé à la suite de la violence policière américaine menant au décès de George Floyd, un Afro-Américain, à Minneapolis dans le Minnesota. Depuis ce dérapage, le nom du mouvement « Black lives matter » est devenu le slogan repris à travers le monde pour dénoncer le racisme systémique envers les Noirs et l’inégalité raciale dans le système de justice pénale des États-Unis, entre autres. À travers cette peinture, j’ai voulu dénoncer le racisme subi quotidiennement par certains dû à leurs différences (couleurs de peau, orientation sexuelle, conditions sociales, etc.). Pour autant, c’est la même couleur de sang qui coule dans nos veines. Ces deux personnages blanc et noir s’unissent fraternellement pour nous demander de « Voice out loud » contre cette peur de l’autre qui n’est pas nous, contre les préjugés que nous avons.

« Life, colours, love matter », acrylique, pastels gras, posca sur papier, avril 2020 – Didier Wong
- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour