Quelles leçons peut-on tirer des marches citoyennes ?

Alexandre Laridon

Les citoyens ont écrit une page de l’histoire lors des marches du 29 août et du 12 septembre 2020 ! Celle d’une solidarité sans faille à cet attachement, bien ancré dans notre ADN qu’est le mauricianisme, et d’un ras-le-bol à l’égard d’un système défaillant, défectueux, essoufflé et d’une politique démodée qui ne reflète plus la réalité et la priorité des citoyens de notre petite île

- Publicité -

Cette colère de la population découle d’une accumulation de frustrations après la mauvaise gestion de la crise sanitaire, l’opacité autour des contrats octroyés durant la période de confinement, les scandales financiers qui n’en finissent plus, suivis de cette goutte d’huile de trop avec le manque de transparence autour du naufrage du MV Wakashio ayant causé une tragédie environnementale due à l’incompétence de ceux et celles qui nous gouvernent !

Marre d’être pris pour un peuple de moutons, ne faisant que regarder toutes ces simagrées sans pour autant agir ou réagir, les citoyens ont finalement décidé de taper du poing sur la table de cette fameuse lakwizinn en scandant « enough is enough ». Malgré la timidité de notre cher Premier ministre à venir avouer après, à la télévision nationale de propagande, sa surprise quant à cette impressionnante vague qui s’est déferlée dans les rues de la capitale, certains chefs cuistot ayant confirmé ouvertement sur la toile la présence de plus 150  000 personnes, le Chef suprême dit avoir pris bonne note des revendications et avait quand même remercié les citoyens, non pas pour leur expression de révolte mais plutôt pour l’atmosphère bon enfant, alors qu’il n’y avait rien à craindre, même si certains pyromanes continuaient toujours à y mettre des bâtons dans les roues; quoique ce fût la masse silencieuse qui s’était exprimée cette fois-ci et non pas des partisans excentriques de leurs gurus éternels.

Les deux dernières marches auront été tout un symbole à l’encontre du gouvernement en place, revendiquant ainsi la nécessité de tout un changement à tous les niveaux ; que ce soit politique, structurel, hiérarchique, en termes d’enjeux socioéconomiques, de priorités environnementales mais aussi de leadership ! D’où le fameux slogan « Bour li deor ».

Mais ne soyons pas naïfs. Cet appel pour une alternative aux dysfonctionnements de la chose politique s’applique également aux partis politiques de l’opposition, même s’ils ont soutenu l’initiative réussie de Bruneau Laurette. Comment ? Eh bien, en surfant sur cette vague de protestation et construire une force politique alternative, de surcroît crédible, pour 2024 ou même avant, avec une équipe qui pourra faire face, par exemple, à des enjeux économiques qui nécessiteront d’autres compétences que celles disponibles actuellement au sein de ce gouvernement. En d’autres mots, un casting qui pourra susciter l’adhésion d’une majorité de la population. Ce qui n’est pas le cas pour le moment !

Certains diront que cette alternative devra se présenter outre des partis politiques de l’opposition, dits traditionnels. Sauf que l’histoire sociopolitique de ce pays, depuis son indépendance, nous a démontré que la société mauricienne n’est pas prête et ne le sera pas de sitôt, à accepter qu’un nouveau parti politique puisse diriger ce pays. Ne nous mettons pas le doigt dans l’œil. Mais cela ne veut pas dire que cette alternative tant convoitée ne pourra pas se faire au sein même des partis traditionnels, d’où l’importance dès maintenant de procéder à une introspection, de se ressaisir et de se préparer à affronter les prochaines échéances. Tout ceci en considérant que les prochaines années ne seront définitivement pas un long fleuve tranquille pour l’équipe soleil.

Sauront-ils donc faire bon usage des leçons de cette manifestation sans précédent ? Telle est la question. Parce que ne pas en tenir compte, c’est insulter l’intelligence et le respect des citoyens, ce qui nous mènera tous certainement vers un avenir tourmenté.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour