Speak… huh ?

Trois semaines seulement depuis que l’Assemblée nationale a repris ses travaux, après de longs mois de repos pour des parlementaires grassement payés des poches de plus en plus élimées du contribuable. Et déjà, chaque séance est ponctuée d’incidents. La dernière en date concerne le retour du député rouge Arvin Boolell. À peine arrivé après une longue expulsion, et revoilà le Speaker qui renvoie l’ancien leader de l’opposition ! Raison invoquée : Arvin Boolell a parlé contre lui… sur les ondes d’une radio privée ! Pas au Parlement, dans l’hémicycle ou l’enceinte de l’institution. La Cour suprême a donné gain de cause au député du Parti travailliste, qui s’en est remis au judiciaire, estimant que ses droits étaient bafoués. Cette sortie de crise a l’effet d’un bon bol d’air frais très attendu ! Une fois de plus, le judiciaire a tranché et ramené un équilibre souhaité.

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Dans toute démocratie qui se respecte, le retour aux affaires du Parlement est synonyme de développements nationaux qui avancent, de thématiques brûlantes concernant l’état du pays qui sont discutées, de planification et mise en chantier de projets touchant de près à la vie et aux conditions de vie des citoyens. Chez nous, reprise parlementaire équivaut, hélas, aux caprices du Speaker, pour dire le moins. À ses expulsions (en masse, des membres de l’opposition, bien évidemment !), ses élucubrations, ses onomatopées, les crises qu’il pique subitement, sertis de cris dans l’hémicycle, qui vire alors à l’hystérie et à la bataille rangée !

Bref, la rentrée parlementaire gravite autour du « show » du Speaker, déjà affublé de plusieurs sobriquets et étiquettes… loin d’être flatteurs ! Régulièrement critiqué, tant par des politiciens sur différentes plateformes – médias, réseaux sociaux… – qu’une foule d’observateurs et même des anonymes, l’homme jouit d’une pâle réputation. Ce qui, pour tout gouvernement qui se respecte, qui nomme ainsi un non-élu dans ce fauteuil constitutionnel, un désavantage. Mais pas à Maurice. Et quand on sait que l’oiseau rare a été ambassadeur…

Les épisodes se succèdent, se ressemblent à mesure que l’intrigue, elle, empire. Lors des PNQ, le ton monte crescendo. Le leader de l’opposition se fait illico presto taper sur les doigts dès qu’il devient un tantinet insistant, ce qu’il doit d’ailleurs faire par respect pour la population, qui attend des réponses claires. En revanche, aucune réprimande ni remarque envers celui qui répond et qui joue à l’esquive.

Qu’il s’agisse de Pravind Jugnauth ou de tout autre élu de la majorité mis sur le gril, qui prend tout son temps pour égrener des réponses soporifiques qui ne veulent rien dire, jusqu’au « time’s up ! » fatidique de Phokeer, ces comportements qui sont loin d’être « honorables », ne sont nullement sanctionnés. Il semble même que les frasques, les unes plus « loud » que les autres de Sooroojdev Phokeer amusent Jugnauth fils et les siens ! Du moins, c’est la perception du citoyen lambda en analysant les travaux parlementaires. Ce triste sire essuie là une bonne gifle avec le verdict de la Cour suprême en faveur d’Arvin Boolell. Quelles nouvelles surprises nous réserve la séance de mardi prochain ?

L’effritement de nos institutions, la dégénération des valeurs, la perte de confiance du peuple et l’érosion des constances qui, d’ordinaire, servent de remparts à notre société, sont hautement inquiétants. Et en parallèle, le manque cruel de leadership solide et fort est tout aussi troublant. L’élément catalyseur a été sans conteste la prise de position franche et audacieuse du cardinal Piat. Le chef de l’Église catholique n’a pas eu peur de dire tout haut ce qu’une grande majorité de Mauriciens pensent tout bas. La culture de la frayeur qui a pris ses aises, malheureusement, ces dernières années, à coups de menaces, d’intimidations, d’arrestations et d’autres moyens de répression, a fait mouche.

Le message du cardinal Piat ne contient pas que sa douleur, sa peine et ses larmes face à un pays qui dérive. La partie peut-être la plus importante gravite autour de l’invitation à agir. Autant que l’on sache, tous les livres sacrés encouragent la réaction face aux souffrances et autres injustices. Le tout est de s’y prendre avec intelligence et réalisme pour éviter de sombrer dans un chaos inévitable. Puisque l’anarchie étend déjà ses tentacules…

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