Un rendez-vous raté !

Un document de 260 pages, signé de l’ancien juge de la Cour suprême, Paul Lam Shang Leen, avec pour assesseurs Samioullah (Sam) Lauthan et le Dr Ravind Kumar Domun, était porteur d’espoir.

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Une délivrance pour ces familles, dont des proches sont tombés dans l’enfer de la drogue, mais surtout une menace potentielle contre ces marchands de la mort ou encore leurs complices, bien installés au sein de ces institutions.

C’était le vendredi 27 juillet 2018. 21 chapitres extrêmement documentés sur la face cachée du commerce. La commission d’enquête représentait une démarche salvatrice.

Ce n’était pas tôt. Le 16 août, le Premier ministre, Pravind Jugnauth avait annoncé la mise sur pied d’une Task Force pour compléter l’Unfinished Business du rapport Lam Shang Leen. Des ténors de l’ICAC, de la MRA, de la Financial Intelligence Unit et de l’Integrity Reporting Agency ont été appelés à mettre en commun leurs ressources pour établir les Missing Links du Rapor Rotin Bazar. L’objectif déclaré était un grand nettoyage du Drug Underworld.

Cinq ans après, quel parcours réalisé ? Une conclusion unanime: un rendez-vous raté.

Pour preuve: cette déclaration archi répétée par le Premier ministre, à l’effet que les institutions ont été infiltrées par la mafia. Mais cela relève du Political Discourse.

Pire, demeure le calvaire de ces parents face à des jeunes n’hésitant devant aucun moyen pour exiger le moindre sou pour payer leurs doses quotidiennes de synthétique. Le cardinal Maurice E. Piat, de par son engagement missionnaire à la périphérie, n’est pas l’unique témoin de cette détresse humaine.

Les Occurrence Book Entries des postes de police pullulent de dénonciations d’agression et de menaces par des accros de la drogue en manque. Un véritable cauchemar dans ces familles. De plus, au quotidien personne n’est à l’abri des méfaits de la drogue.

Et l’échec patent des responsables assurant la surveillance des côtes. Ce sont toujours les autorités réunionnaises qui avertissent les Police Headquarters de la présence d’embarcations suspectes mauriciennes du côté de Saint-André.

Pourtant, au tableau de bord de l’Hôtel du Gouvernement, les recommandations du rapport Lam Shang Leen ont été appliquées dans leur quasi-totalité.

Beh! Kot nou’nn fote? L’une des mesures n’ayant pas été retenue demeure le démantèlement de l’ADSU et son remplacement par la National Drugs Investigation Commission, dont la direction aurait été confiée à un spécialiste de la profession légale, soit un oeil neuf sur l’univers des trafiquants de drogue.

Une rupture, quoi!

Face aux interrogations, le Premier ministre maintient qu’il n’est nullement convaincu de la pertinence de cette mesure phare du rapport Lam Shang Leen. Que ce soit Pravind Jugnauth et Paul Lam Shang Leen, chacun a ses raisons.

Cinq ans après et devant l’ampleur du fléau de la drogue déstabilisant le tissu socio-économique du pays et s’attaquant même à la cellule familiale, ne devrons-nous pas reconnaître ce rendez-vous raté avec les parrains de la mafia ayant la main encore plus haute et plus longue ?

Jusqu’à preuve du contraire, les embarcations, dotées de puissants moteurs, continuent à faire le va-et-vient entre la côte Ouest de Maurice et l’Est de La Réunion en toute impunité.

Puis, le financement de ces opérations ne se fait pas en monnaie de singe. Mais en devises sonnantes et trébuchantes. Les Suspicious Transaction Reports interviennent en aval. Mais qu’en est-il des devises nécessaires pour le paiement en amont ?

Tiens! Le succès de la première étape de la lutte contre les trafiquants n’a-t-il pas été construit sur les dénonciations d’un Man From Inside the Mafia? Raffick, qui avait été arrêté à l’aéroport à son départ pour Bombay en mission commandée au nom des trafiquants avec une boîte de mantègue bien scellée contenant 19 441 dollars américains pour l’achat de drogue. C’était en juin 1985. D’abord, il s’en était sorti avec une amende pour infraction à la loi sur le contrôle de devises.

Ce ne sera qu’en novembre 1986 que le repenti Raffick Peerbacus dévoilera le réseau de ramifications. Le patron de la lutte antidrogue d’alors, un dénommé Harish Mungroosingh, pourtant promis à une belle fin de carrière dans la police, avait été parmi les vedettes épinglées.

Le Premier ministre d’alors, sir Anerood Jugnauth, avait accordé priorité au témoignage d’un repenti pour neutraliser – avec la précieuse collaboration de la commission d’enquête, présidée par l’ancien chef juge, sir Maurice Rault – cette infiltration des institutions par la mafia.

Aujourd’hui, le constat est, semble-t-il, le même et le rendez-vous raté peut encore être rattrapé…

PATRICK MICHEL

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