Au Caudan Arts Centre du 13 au 28 novembre : Zistwar PEM

De « zanfan-kouvan » à figure emblématique, le sculpteur du Caudan Waterfront dévoile son parcours à travers ses œuvres exposées en solo. Un homme est passé lèvera ainsi le voile sur sa vie de combats. PEM un homme peu ordinaire taillé dans du bois rare. De : Joël Achille

Update : le vernissage, prévu le 13, a été annulé en
raison de la situation pandémique

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Jamais n’a-t-il imaginé un jour tenir sa propre exposition dans un lieu aussi prestigieux que le Caudan Arts Centre. « Non, zame », appuie-t-il en levant les yeux de son jeu de cartes, qui ne lui portera pas chance pour cette partie de romi. Ayant connu l’abandon, le travail forcé, la rue, il pensait que ce monde raffiné était fermé à ceux qui, comme lui, se voient attacher une identité de « tiket lor boutey »; « nasion » pour certains, « rasta » pour d’autres. PEM a, toutefois, sculpté son nom de ses mains pendant une trentaine d’années. Son exposition retrace le parcours d’un patrimoine vivant de l’artisanat mauricien.

Un homme, des vies.

Au cœur de Richelieu, sa coquette maison en tôle adopte l’allure d’un musée. De son salon qui donne sur la rue jusqu’à la cuisine, sont disposés des peintures, artefacts, posters de ces figures fortes qui l’ont marqué de par les luttes qu’elles ont menées. Le rattachement au grand continent se ressent à travers les portraits d’enfants et de Nelson Mandela.

Des peintures de ses enfants veillent sur le vieil homme quand il s’installe sur le canapé pour regarder un film sur cassette VHS. Le lieu comporte également énormément de photographies, d’articles et un livre écrit sursa personne. Il faut s’aimer soit même, se plaît-il à rétorquer, amusé.

Depuis sa naissance en 1948, Philippe Edwin Marie, de son vrai nom, a arboré de multiples visages, ayant connu différentes vies. En attestent les clichés de lui dévoilant des muscles saillants à un jeune âge, arborant une coupe afro digne des seventies, ou encore les cheveux grisonnant coupés élégamment pour une cérémonie aux côtés de son épouse. Malgré tout, PEM n’a eu de principes que ceux guidés par son âme d’homme libre.

Le rêve.

Abandonné par ses parents et élevé par des religieuses dans un orphelinat, il connaitra des familles d’accueil, certaines d’entre elles forçant l’enfant à dormir « lor latab ». Ou encore à accomplir des tâches ménagères, dont veiller sur les plus jeunes. « Je rêve de retrouver l’un d’eux, de la famille Magon et Simpson », confie PEM. « Pa pou repros zot sipaki. Juste pour leur demander ce qu’ils pensent de moi aujourd’hui, de ce que je suis devenu. J’aimerais voir leur réaction ».

Rejetant cette vie d’obédience et d’injustice, il se retrouve à la rue à l’adolescence, avant d’obtenir de l’emploi, à ses 18 ans, à la Mairie de Port-Louis. Des années plus tard, une racine abandonnée retient son attention. Instinctivement, il se met à la sculpter. Certains collègues distinguent alors l’ancien leader sud-africain de l’ANC dans le bois taillé et veulent l’acquérir. PEM comprit : sa voie se trouvait dans la sculpture.

Il travailla à la mairie jusqu’à l’âge de la retraite. En parallèle, la pratique de la sculpture se peaufina. Dans les hôtels il apprit à vivre de son art, tandis que les expositions lui ouvrent les portes de l’univers des artistes. Philippe Edwin Marie devint dès lors PEM.

Du Pôle Nord aux tropiques.

Ses sculptures intriguent. Des figures dessinées dans le bois brut, qui rigolent, pleurent et charrient ceux qui croisent leurs regards, adoptant un brin l’attitude de leur créateur. D’ailleurs, chacune semble renfermée ses émotions, un pan de vie qu’il a souhaité y incruster. En posséder une revient à acquérir une part de l’artiste.

En le Caudan Waterfront, PEM a trouvé une résidence qui l’accueille depuis bientôt 25 années. Le vieil homme et sa bonne humeur contagieuse, à la touffe de cheveux souvent en éventail et à la barbe imposante, font désormais partie de l’image carte-postale de ce lieu. Chez lui à Richelieu, les habitants le connaissent notamment comme « Bonom Nwel », lui qui s’était transformé en l’homme du Pôle Nord pour célébrer la Noël sous les tropiques.

Avec la Covid-19 et la fermeture des frontières, les finances du sculpteur ont été grandement impactées. L’exposition au Caudan Arts Centre servira ainsi à soutenir l artiste. Et à découvrir la vie insolite d’un « zanfankouvan » qui a marqué son temps : « Mon histoire, ce n’est pas une histoire comme les autres ».


Un homme est passé

Une quarantaine de sculptures de PEM seront mises en vente lors de l’exposition, qui se tiendra du 13 au 28 novembre à The Playground, au Caudan Arts Centre, de 10h à 20h. « PEM est quelqu’un qu’on a tous déjà vu mais qu’on n’a pas forcément pris le temps de connaitre. L’exposition permettra de lever le voile sur la personnalité qui se cache derrière », explique Chloë Mayotte, du Caudan Arts Centre. Celle qui a accompagné le sculpteur lors des diverses étapes menant à l’exposition explique que « toutes les œuvres sont des originaux qui proviennent plus de la réalité que de l’imaginaire du sculpteur ». Soulignant en outre qu’il est « très intéressant » que PEM« puisse se raconter lui-même, mais aussi à travers ses petits personnages en bois qui ont un cœur ».

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