Brûler 
ce qu’on a adoré !

Comme pour parodier le célèbre proverbe de 1668 de Jean de la Fontaine « Rien ne sert de courir, il faut partir à point » issu de son éternelle fable Le Lièvre et la Tortue, qui sied à merveille aux compétitions hippiques, le journaliste français Mathieu Lindon proposait récemment dans le cadre de la politique française une expression dans l’ère du temps et qui se décline par un surprenant mais tellement réel : « Rien ne sert de trahir, il faut trahir à point ! »

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Plus que jamais aujourd’hui cette maxime est la réalité de l’hippisme mauricien, qui regorge en son sein une pléiade de professionnels de la trahison, où des champions du monde de cette nouvelle discipline se bousculent au portillon du Champ de Mars, de Coromandel et de Petit Gamin pour l’obtention de la palme d’or du Judas de l’année.

Sans aucun amour-propre, il y en a qui, après avoir tenté d’intégrer l’ennemi juré dans le fort de Malartic sous le bien commode secret des dieux, a été contraint, sous la menace de l’épée, de franchir les pistes où il tente de se refaire, sans aucune pudeur, une nouvelle virginité. Au lieu de se terrer dans la honte, pour quelques titres de propriété d’une entité dévaluée qui s’en va, ces jours-ci, en guerre contre son géniteur, ce caméléon est capable de toutes les contorsions et de poursuivre sa carrière aux premières loges de la trahison ordinaire pour, cette fois, s’en prendre à ses deuxièmes amours de la Newton House afin de tenter de sauver son maître d’aujourd’hui en perdition. Il tente une fois encore de chevaucher sa monture à point et changer de cheval pour atteindre en bon opportuniste la rive des sables mouvants, quitte à brûler aujourd’hui ceux qu’il a adorés hier.

Il n’est pas utile de nommer ici cet insignifiant « suceur maillot », qui se reconnaîtra, et qui a toujours attaché au prix de sa trahison un fauteuil pour paraître, mais comme dans le monde où il patauge il n’y a pas un marché officiel des cotations, la traîtrise se négocie, pas en « hedging » maléfique dont il est un champion du monde, mais de gré à gré. Combien comme lui ont été contraints de devenir infidèles à leurs idéaux parce que c’était loin d’être l’idéal, c’était le prix humiliant qu’on leur proposait à côté, ou en face, comme étant la seule bouée de sauvetage pour justifier d’avoir brûlé ce qu’il a adoré.

Brûler ce qu’on a adoré semble être devenu le leitmotiv dans le monde hippique mauricien ces derniers temps. La lune de miel entre le nouvel organisateur des courses, les institutions régulatrices et le gouvernement, dont le chef de l’exécutif, le Premier ministre lui-même, ne sont plus au beau fixe, quoi qu’on en dise. On peut même dire que la guerre est enclenchée avec les deux lettres publiées dans l’organe de presse du magnat des paris dont le nom du « lecteur » est un secret de Polichinelle. Celui qui était jusqu’ici craint et respecté à la tête du conglomérat de l’organisation des courses hippiques post MTC est lui-même source de l’ire de plusieurs de ses lieutenants. Il lui a même été intimité un retour au pays de ses origines par un jockey étranger qui fait la pluie et le beau temps dans sa piscine, cigare à la bouche, entouré de gens douteux sans que quiconque, excepté le Chief Stipe, ne le ramène à sa plus simple expression de cavalier. Mais que la lenteur du système d’appel de la GRA soutire pour rester plus longtemps sur notre territoire et de pouvoir monter au July Handicap en Afrique du Sud bien qu’il soit pratiquement suspendu pour un an alors qu’il méritait pour cette monte abjecte au moins la disqualification. Si la GRA veut être un soutien nécessaire à la HRD, il est fondamental que les cas d’appel soient pris au plus vite. Dire qu’on reprochait au MTC sa lenteur dans ce domaine, mais que devrons-nous dire de celle de la GRA… à l’image de son mentor qui en devenu un fantôme !

Dans tous les cas de figure, l’amour fou qui liait la nouvelle configuration hippique et le gouvernement mauricien est en train d’évoluer — sauf retournement de veste qu’il ne faut jamais définitivement écarter quand il s’agit de politiciens et d’entrepreneurs mauriciens — vers une fin prématurée de la lune de miel PMO-Petit Gamin. Avec l’image plus écornée encore des courses au sein de la population et à l’étranger, dans une conjoncture de délitement progressif de la popularité des dirigeants du pays, la dérive des intérêts va faire grossir les ressentiments. Et nous assistons en direct à ce déchirement inévitable lorsque les intérêts deviennent divergents…

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les menaces à peine voilées lancées de la tour de Coromandel au gouvernement en supputant une défaite électorale probable si le Premier ministre ne réagit pas aux appels de détresse sont des signes palpables que les finances des organisateurs des courses sont en train de se tarir dans une conjoncture économique, certes difficile, où le turfiste moyen, qui est la poule aux œufs d’or à qui on vend à profusion des rêves en couleur, est autrement prudent à miser aujourd’hui. Il suffit pour cela de s’attarder sur les chiffres d’affaires que publient les compagnies de paris pour comprendre que le financement des courses est devenu un vrai casse-tête, surtout pour ceux qui disent n’avoir pas eu l’ambition d’en être aux commandes, ce qui est mensonge avéré puisque tout avait été mis en place pour prendre possession des assets de la rue Eugène Laurent que le rusé président Giraud a astucieusement préféré garder dans les mains du MTC plutôt qu’à la MTCSL sur lequel les ogres du jour avaient d’abord jetés leur dévolu avant de se lancer à corps perdu dans ce qui est People’s Turf aujourd’hui.

L’honnêteté est de reconnaître — sans aucune mesure bien sûr, avec ce qu’a fait le MTC pendant deux siècles — que PTP organise des courses hippiques et les maintiennent en vie, même sous forte perfusion de sérum et qu’il a réussi l’exploit de tenir un an. Mais la vérité aujourd’hui, c’est que les organisateurs qui se tapaient l’estomac de moderniser nos courses et de les rendre clean sont aujourd’hui en situation d’échec patent. Au point où ils sont contraints de crier au loup pour reconnaître eux-mêmes qu’il y a des courses truquées chaque semaine au Champ de Mars.

PTP et ses affidés ont pris ce qu’on appelle un virage à 180°. Du discours de son CEO Ubheeram à l’occasion du premier anniversaire de People’s Turf aux lettres d’un lecteur dans le journal intime de cette organisation, en passant par l’interview de son président chez un confrère, la volte-face est patente. Jugez-en vous-mêmes :

1. L’expertise étrangère pour le control and regulation of racing défendue avec véhémence par le PM au Parlement est aujourd’hui décriée au profit des compétences locales

2. PTP, qui a engagé deux Club Jockeys professionnels étrangers à gros frais, plaide maintenant pour les apprentis et jockeys locaux et pointent du doigt les entraîneurs qui ont aussi recruté à l’étranger

3. Le stakes money décriés comme étant trop bas dans l’ancienne ère touchent aujourd’hui le fond avec une baisse pouvant atteindre les 50% par rapport à avant.

4. Deux entraîneurs qui étaient les chouchous de PTP l’an dernier, Amar Sewdyal, dont on a vu les photos à une beuverie d’après-course, et Shirish Narang, dansant « kole-sere », tous deux avec le magnat des paris, sont devenus aujourd’hui des hommes à abattre.

5. Enfin, et non des moindres, le Chief Stipe, Deanthan Moodley, un temps adulé pour avoir démarré la saison plus tôt que prévu, par exemple, est aujourd’hui la bête noire de certains au sein de l’organisateur des courses pour sa fermeté, au point d’être accusé d’être un gros parieur.

Nous pourrions allonger cette liste à volonté pour montrer qu’aux soutiens au royaume des occupants actuels du Champ de Mars, la volte-face est de mise. Car la crédibilité de ceux qui avaient promis monts et merveille est déjà largement entamée auprès du public turfiste, certes, mais aussi auprès des autorités, où dans certains arcanes du PMO, on ne cache plus son embarras. Désormais, l’image que projette cette gestion à la bonne franquette des courses hippiques alors qu’on avait promis un produit haut de gamme qui ferait oublier l’ère du Mauritius Turf Club est inique. À l’approche des élections, les courses hippiques, qui allient en termes d’argent en être source du trésor de guerre et sur le plan de l’image un choix judicieux du gouvernement visionnaire pour des courses propres et modernes, sont en train de s’écrouler comme un château de cartes. Ce qui devait être un atout paraît plus un handicap à ce jour.

Pire, au lieu d’apaiser les tensions, les organisateurs des courses sont en train de perdre leurs nerfs. Ils s’attaquent frontalement à leur propre création, la Horse Racing Division. Cet organisme clé qui devait être la représentation de l’excellence des courses mauriciennes est aujourd’hui la cible qui cristallise toutes les frustrations. Bahim Taher, qui fait l’objet d’une enquête pour propos menaçants à l’encontre du Chief Stipe, a aujourd’hui tout le soutien de la hiérarchie de PTP. Le CEO l’avait illégitimement accompagné au début de sa plainte, mais cette fois il bénéficie de toute la force légale du groupe de JMLS, avec à la baguette un certain Me Raouf Gulbul, qui a toujours été là lorsque le généreux donateur a eu besoin d’un service. Au temps des licences de machines à sous à paiement limités, à la tête de la GRA aux côtés d’un certain Dev Bheekary, n’en avait-il pas approuvé l’octroi de licences à cet égard ? La mise en demeure préparée, a priori de cette réunion, où les Stipes étrangers sont pointés du doigt pour ne pas respecter la Constitution du pays, alors que les nouveaux Rules Of Racing 2023 sur lesquels ils s’appuient ont été approuvés selon les dispositions de la GRA Act.

À quoi jouent ces messieurs ? Brûler ce qu’ils ont adoré. Ou tout simplement perpétrer un Coup d’État sur les instances régulatrices des courses hippiques pour la mettre aux mains des nouveaux tontons macoutes des courses mauriciennes. Nous nous y opposerons avec force !

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