Karaoke Racing

Le karaoké s’est cette semaine invité brutalement dans le souvenir des Mauriciens, adeptes ou non de cette pratique, en faisant irruption sur les réseaux sociaux. On y a vu et entendu les principaux animateurs de People’s Turf Plc — son actionnaire majoritaire et véritable patron, Jean Michel Lee Shim, et celui qui en est le Chief Executive Officer, Kulwant Khumar Ubeeram — s’adonner avec passion à cette pratique en compagnie de certains employées et/ou invités (?) pour festoyer après la première réunion hippique, la deuxième journée de la saison 2023, plus ou moins réussie sur le plan organisationnel. Même si on est passé près de la correctionnelle dans la troisième épreuve lorsque El Patron a sauté la route — après Kali’s Champ dans la première —, ce qui en l’espace d’une seconde nous a rappelé, de sinistre mémoire, les circonstances de l’accident fatal du regretté jockey Nooresh Juglall. Chacun a finalement poussé un ouf de soulagement que cette journée se soit terminée sans bobo, mais la vigilance doit rester de mise, surtout au niveau de la Rue du Gouvernement.

- Publicité -

Le karaoké est né dans les années 1970 au Japon quand un certain Yusuke Inoue a eu l’idée d’inventer un système permettant de lire et chanter les paroles des chansons synchronisées avec la musique sur un écran. Ce mouvement a rapidement envahi le monde entier, et la vague a fini par atteindre Maurice dans les années 1980. Dès lors, les Mauriciens ont goûté à un moment de leur vie à la joie de pratiquer le karaoké dans les bars, restaurants ou discothèques pour imaginer, l’espace d’un instant, la star qu’ils ont rêvé être.

Sans vouloir être désobligeant vis-à-vis du duo Lee Shim-Ubheeram dans leur prestation vocale pour ce karaoké improvisé — qualifiée de tous les noms sur les réseaux sociaux, et nous sommes polis de ne pas dire ridiculisée —, il y a néanmoins dans leur performance de chanteurs une similitude avec la monte des certains jockeys, samedi dernier, sur la piste du Champ de Mars, que, soit dit en passant, la MBC, dans son souci de forcer la note en faveur de PTP, l’a rendue d’un vert irréel, proche de la couleur de la moquette du paddock de l’organisateur des courses en cette année 2023. Comme leurs maîtres suprêmes devant la télévision micro à la main, les jockeys à cheval, cravache et rênes à la main, ont répété à la lettre sur la piste les instructions frelatées reçues de leur maître pour nous offrir des épreuves sans âmes et courues d’avance, avec par exemple cinq victoires de bout en bout, où l’opposition a plutôt fait œuvre de suiveurs de carrosse mariage ou procession d’enterrement que d’adversaires potentiels. Ce que nous avons vu samedi dernier ressemblait à une partition hippique aussi fausse que les chants de karaoké des pontes de PTP.

Au final, samedi dernier, nous avons eu droit à du Karaoké Racing. D’un niveau moyen de plus en plus insipide pour le turfiste mauricien et surtout inacceptable si on veut le réconcilier avec ce qui a été sa passion deux siècles durant. Même si cela peut faire sourire, pour ne pas dire rire, il est important pour PTP — quoi qu’il en dise, a connu sur le plan financier une saison difficile en 2022, atténuée par des transferts de revenus du casino de JMLS et des investissements massifs de son actionnaire majoritaire — de prendre la mesure qu’avec des courses aussi grossièrement pipées, on va directement vers un enterrement de première classe de l’hippisme mauricien. Il est urgent de renouer avec les pratiques d’une compétition libre et vraie sur la piste, qui favoriserait une réelle égalité des chances pour tous.

Évidemment, comme la transparence n’est pas une vertu du nouvel organisateur des courses, mais aussi des institutions hippiques gouvernementales — des chiens de garde féroces devenus, comme attendu, des roquets édentés cette année —, il est difficile de donner la vraie mesure de l’avertissement sans frais que les turfistes ont adressé à la nouvelle configuration de l’hippisme mauricien. La baisse des enjeux pour cette première journée hippique courue est de l’ordre de 30 à 35% de moins que la journée inaugurale la saison passée. Sur cette base, les pouvoirs publics pourraient enregistrer des revenus en baisse de l’ordre de Rs 400 millions pour la saison. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les intérêts de PTP et de SMS Pariaz, qui appartiennent au même magnat des paris, sont divergents. Sans courses hippiques propres, avec du sang neuf, comme le font les humains pour se donner une deuxième jeunesse, il sera difficile de doper les paris et assurer la pérennité des courses. Ce n’est pas le programme maigrichon de cette 3e journée, avec une épreuve principale sans queue ni tête, qui arrangera les choses.

Dans ce contexte délétère, le control of racing est également l’un des aspects fondamentaux pour la confiance des parieurs. Si la Horse Racing Division nouvellement constituée l’an dernier cherchait ses marques et nécessitait du temps pour trouver sa vitesse de croisière dans un environnement où elle subissait des pressions pour favoriser un organisateur de courses aux dépens d’un autre, cette saison, elle n’a plus le droit à l’erreur. D’abord, elle doit s’émanciper et agir en toute indépendance, comme le lui garantit la loi. Ensuite, Deanthan Moodley doit agir en homme et Chief Stipe, libéré de toute chaîne, libre et indépendant, et imposer le rule of law que lui confère la loi.

À Turf Magazine, du temps du MTC, nous militions pour que les enquêtes soient bouclées comme à Hong Kong dans la mesure du possible pendant et après la journée de courses. Pour des enquêtes plus complexes qui méritent une prolongation le lundi ou le mardi au plus tard, les enquêtes doivent être conclues et les sanctions imposées manu militari.

À cette enseigne, Il est inacceptable que l’enquête sur les écarts de conduite de Bernard Fayd’herbe, un récidiviste notoire en la matière, n’aient été fixée que pour hier, mercredi, mais pire, a dû être renvoyée à aujourd’hui, jeudi à 14h soit après la parution du programme officiel de la 3e journée, ce qui lui permet d’être en selle ce samedi prochain. Il est inadmissible que la HRD n’ait pas obtenu dès samedi dernier les évidences matérielles et les rapports concernant l’état physique décadent du jockey Fayd’herbe et ne l’ait pas déjà sanctionné. Ces retards dans la transmission des exhibits entre PTP et la HRD relèvent d’un amateurisme patent qui ne peut plus avoir cours en 2023. Cela aussi participe à la désaffection pour nos courses hippiques.

Il est important à ce stade de rappeler que le jockey Fayd’herbe, qui est l’un des meilleurs de sa génération en Afrique du Sud et qui nous a émerveillés par certaines montes de génie au Champ de Mars, n’en est pas moins, devant la loi, égal à tous les autres jockeys. Au cours de sa carrière mauricienne, il s’est signalé par de nombreuses enquêtes des commissaires pour des montes où il lui était surtout reproché de ne pas redresser ses montes en ligne droite finale et de gêner des adversaires, mais aussi de n’avoir pas toujours fait preuve de « clairvoyance pour ne pas dire de volonté » pour s’imposer.

Mais ce qui est surtout reproché à Bernard Fayd’herbe, ce sont ses écarts avec l’alcool et son incapacité à remplir ses engagements professionnels pour des malaises qui pourraient avoir un lien avec ses habitudes festives et de beuverie. Son palmarès médical à Maurice est particulièrement éloquent :

• Sunday 27th September 2020 : Jockey Fayd’herbe was stood down by the Stewards after he failed a breathalyzer test. At a subsequent inquiry into this matter, he was given a severe warning.

• Sunday 26th September 2021 : Jockey Fayd’herbe was medically stood down after the running of race 4.

• Saturday 22nd October 2022 : Jockey Fayd’herbe was stood down by the medical officer, who declared him unfit after the running of race 4.

• Sunday 23rd October 2022 : Jockey Fayd’herbe was medically cleared to ride for the meeting. However, after the running of race 6, he was declared unfit by the medical officer.

• Saturday 25th March 2023 : Prior to running of race 2, jockey B. Fayd’herbe was ordered to provide a sample of breath, which sample appeared to be above the threshold as per the rules. Accordingly, jockey B. Fayd’herbe is stood down for his rides today.

De nombreux lecteurs se sont demandé s’il s’était rendu aux courses en conduisant sa propre voiture. Nul ne le sait. En tout cas, il est totalement irresponsable de la part d’un jockey de sa trempe d’avoir, dans son état, voulu monter, mettant sa propre vie en danger, mais aussi celle de ses collègues. Et, dans la même foulée, les turfistes qui auront parié sur lui. Dire que la HRD-GRA a changé les Rules Of Racing de Dev Bheekary pour lui permettre de revenir monter en tant que jockey étranger pour une quatrième année consécutive comme club jockey pour le PTP de JMLS, son employeur ! Quelle claque pour la HRD, qui ne devrait avoir aucune complaisance à son égard. L’occasion est offerte à Deanthan Moodley d’être impitoyable et de montrer qu’il est un professionnel libre !

Nous ne pouvons terminer sans saluer le courageux et regretté retrait de Patrick Merven et de son fils Camille de la scène hippique mauricienne après un parcours remarquable avec, comme pour tous dans ce milieu, des bas, mais surtout de grands moments hippiques. Turf Magazine leur souhaite bon vent en leur remerciant chaudement de leur précieuse et amicale collaboration tout au long de notre cheminement commun !

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -