Accélération du calendrier

Qu’est-ce qui s’est passé entre le 25 février, le 12 mars et le 15 mars ? C’est la question qui s’impose après la rencontre surprise de la ministre de la Sécurité sociale avec la presse vendredi pour annoncer les nouveaux barèmes à la hausse des pensions de retraite universelles. C’est une interrogation tout à fait légitime, dans la mesure où le Premier ministre, qui aime bien être l’annonceur exclusif de bonnes nouvelles a, cette fois, laissé le soin à la ministre de tutelle de faire ces annonces de hausse des prestations sociales.

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Or, Pravind Jugnauth avait déjà annoncé dans son message de fin d’année que ceux qui étaient âgés de 75 ans à 89 allaient recevoir les Rs 13 500 annoncées en 2019 à compter du 1er février. Cela avait fait de nombreux mécontents chez les 60-75 ans qui s’estimaient discriminés. Le 25 février, lors de la célébration de la Journée des droits des femmes, le Premier ministre avait annoncé que toutes les catégories de pensionnés allaient avoir leur Rs 13 500 bientôt. Dans son message à la nation du 12 mars, le chef du gouvernement devait cette fois se montrer plus précis en annonçant le paiement des Rs 13 500 à tous le 1er avril.

Vendredi, brusque changement de programme. Tout est revu à la hausse et ce n’est pas le Premier ministre auteur de la bande-annonce et même pas le ministre des Finances qui détient les cordons de la bourse qui monte au créneau, mais la ministre de la Sécurité sociale. Ce qui ajoute au caractère inattendu et subit de ces annonces, c’est que le communiqué des délibérations du Conseil des ministres tenu quelques instants plus tôt n’en fait aucune mention. La séquence, comme on le voit, a de quoi susciter un grand nombre de questions.

Si certains pensent que la précipitation à distribuer des bonbons aux vieux est le résultat d’un constat amer quant au nombre de Mauriciens qui se sont déplacés pour la célébration de la fête nationale au Champ de mars — lieu devenu un repoussoir depuis que des amateurs affamés l’ont complètement avili.  Assimilant cette faible assistance à un rejet, il fallait apparemment essayer de freiner la phase d’impopularité née des inondations du 15 janvier et du drame d’Arsenal. D’autres ont toutefois une tout autre lecture.

Celle qui revient le plus souvent porte sur une accélération du calendrier électoral. Pourquoi ne pas avoir attendu le budget et appliquer les nouvelles augmentations le 1er juillet 2024 ? Le Premier ministre se tient-il prêt à convoquer les Mauriciens aux urnes à n’importe quelle date même avant le budget 2024-25 ? Parce qu’après la distribution de cadeaux, c’est un budget serre-ceinture qui se profile en cas de reconduction de l’équipe dirigeante actuelle ? Autant de conjectures qui s’échafaudent en cette année de fin de mandat de l’actuel gouvernement. Et qui devrait s’éclaircir dans les prochaines semaines.

Sur le fond maintenant, la hausse des prestations sociales est évidemment bien accueillie. C’est une des promesses qui est enfin honorée après des années de statu quo pour des vieux qui, faute d’autres revenus, éprouvaient beaucoup de difficultés pour joindre les deux bouts. Si, dans un couple de retraités, les choses se passent mieux, tel n’est pas le cas pour ceux qui vivent seuls et qui doivent jongler souvent entre loyer, alimentation et médicaments, ces nécessités de base qui ont terriblement augmenté ces dernières années.

Le yaourt est devenu un luxe, le poulet n’est même plus le petit extra que l’on s’offre le dimanche pour des salariés de la classe moyenne, on imagine maintenant ce que cela doit être pour les personnes âgées qui ne vivent que de leur pension. Ceux qui obtiendront leur dû le 1er avril espèrent ne pas être pris dans la money illusion, dans une rapide absorption de leurs roupies supplémentaires par des hausses de prix généralisées dans le commerce.

Ce gouvernement qui défend sa politique sociale et infrastructurelle cultive les contrastes qui sont à même de démolir ses prétentions de grand architecte de la modernité. Après tout le tam-tam fait sur Agaléga et le black-out entretenu sur le sort de l’hôpital construit pour les travailleurs indiens qui reste comme un édifice fantôme maintenant qu’une bonne partie des expatriés ont plié bagage, une radio privée nous a annoncé qu’un des deux générateurs qui alimentent les habitants en électricité est tombé en panne, plongeant le Village 25 dans l’obscurité entre le 12 et le 14 mars.

L’antenne d’Afcons, toujours dans l’île, dispose évidemment de son propre générateur et l’a mis à la disposition des habitants, mais il est lui aussi tombé en panne avant d’être réparé et de rendre la lumière aux habitants après 48 heures dans le noir. C’est maintenant que l’Outer Island Development Corporation va expédier un nouveau générateur dans l’île. Non, mais quelle ironie, ici, des infrastructures à coups de milliards et, là, des habitants plongés dans le noir en raison d’un générateur défectueux. Ce générateur aurait dû tomber en panne pendant l’expédition agaléenne. Comme ça la délégation qui s’est rendue dans l’île aurait partagé un peu les aléas du quotidien de ses habitants.

Et alors que tout ce qui est entrepris est abusivement qualifié de bijou et que des besoins aussi basiques qu’une bonne fourniture d’électricité fait défaut, on a appris cette semaine que des élèves de Floréal SSS ont jeudi organisé une manifestation pacifique dans l’enceinte de leur collège pour protester contre l’absence de fourniture d’électricité depuis six mois alors que c’est essentiel pour leurs travaux dans diverses matières.

Du côté du ministère de l’Éducation, on évoque un vol de câbles pour essayer d’expliquer cette situation rocambolesque. Et il n’y a aucun moyen de protéger ces câbles ? On vole dans les établissements publics et le gouvernement et sa police sont impuissants et laissent des collégiens dans le noir ? Après ces épisodes dignes de la préhistoire, il faut prendre les grandes envolées sur la révolution infrastructurelle avec d’énormes pincettes.

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