Des raisons d’y croire

Il s’est produit comme un petit tremblement de terre, samedi dernier, aux Etats-Unis, précisément lors du Grandma Marathon de Duluth de Minnesota. Mine de rien et concourant aux côtés des habitués de la discipline, voire même des stars mondiales, la petite Mauricienne, Noemi Alphonse, a bouclé les 42,2 km à la troisième place en 1h35”14 ! Tout juste derrière les Américaines Jenna Fesemyer (1h33”50) et Susannah Scaroni surtout (1h27”31), championne paralympique du 5000m à Tokyo et recordwoman mondiale sur ce parcours !
Tout simplement phénoménal pour celle qui voulait à tout prix descendre sous les deux heures, mais qui, en passant la ligne d’arrivée, a fait nettement mieux ! Alors qu’en avril 2018, elle terminait son tout premier grand marathon en 2h11’59 ! Chapeau mademoiselle.
Désormais, Noemi Alphonse garde espoir de pouvoir intégrer le très célèbre Abbott World Marathon Majors, regroupant les plus grands marathons au monde, dont ceux de New York, de Boston et de Londres. Elle qui, il faut le préciser, avait fait une demande de participation, en début d’année, aux organisateurs du marathon londoniens, mais qui n’a pas été retenue en raison de son chrono de l’époque.
Ce qui s’est passé samedi au Minnesota devrait tous nous interpeller. Comment cette enfant, dont la vie n’a pas fait de cadeau à la naissance, peut, en huit ans de pratique, désormais viser une participation, non seulement au marathon de New York, mais également à monter sur un podium aux Jeux paralympiques dans deux ans en France ? Tout simplement par le travail et la détermination. Elle qui disait avec un grand sourire, avant de mettre le cap sur les États-Unis, « mo pe mor ». En référence aux séances d’entraînement très dur concoctés par son entraîneur Jean-Marie Bhugeerathee.
Tous les espoirs sont donc permis après l’exploit de Duluth. Sportivement, on a des raisons de croire que Noemi Alphonse possède les caractéristiques pour aller chercher cette médaille tant convoitée aux Jeux paralympiques de Paris. À 26 ans d’ailleurs, on dira que la handisportive a atteint l’âge de la maturité. Elle qui croit que tout est possible, à commencer par décrocher une médaille, dans un mois, aux Jeux du Commonwealth à Birmingham.
Désormais, Noemi Alphonse a plus que jamais besoin d’être soutenue. Et là, il faut saluer l’initiative d’ABC Group et de la famille Ah-Chuen pour avoir cru en elle ces dernières années. Ce même partenaire qui n’a pas hésité, en cette période de crise, à cautionner financièrement ce déplacement aux States.
La démarche devrait faire réfléchir un certain nombre de ces grandes entreprises qui, pendant des années, ont brassé des fortunes, mais qui en l’espace de deux ans seulement, voudraient faire croire qu’elles se sont subitement appauvries ! Ces mêmes compagnies qui n’hésitent plus à licencier, à tort et à travers. Autant dire que la Covid-19 a bon dos !
Alors que leur responsabilité sociale est d’aider le sport à avancer en donnant notamment un coup de pouce à une jeunesse qui a grandement besoin d’être comprise et surtout soutenue. À l’heure même où notre société est fragilisée par un certain nombre de fléaux dont celui de la drogue synthétique.
Au même titre, le gouvernement, à travers le ministère des Sports, gagnerait à faire preuve de beaucoup plus de sincérité et de constance dans son approche. Non seulement à l’égard de Noemi Alphonse, mais aussi envers tous ces sportifs de haut niveau qui suent jour et nuit pour faire honneur à la République. Cela, sans distinction et sans discrimination aucune.
Pas de la façon honteuse dont le ministre Toussaint s’en est récemment pris lors des débats budgétaires. Cela, en osant prendre pour exemple la boxe française, à l’heure de son bilan, alors même que cette fédération souffre toujours cruellement d’un manque de reconnaissance auprès de l’État ! Au même titre que la fédération de kick-boxing, qui, tout comme en boxe française, doit continuellement frapper aux portes des sponsors, pour ne pas dire mendier, afin de trouver les moyens pour faire participer leurs sportifs aux compétitions internationales !
La performance de Noemi Alphonse est teintée de symbolisme. Cette performance représente beaucoup sur l’échelle de l’effort, de la détermination et de l’humilité surtout. Autant de qualités qui méritent d’avoir une attention très particulière. Tous doivent aujourd’hui faire cause commune autour de cette athlète hors-pair. Cela, afin que Maurice puisse enfin marquer le handisportif mondial de son empreinte.
Aussi, précisons-le encore, pour atteindre l’excellence, il n’y a pas trente-six mille solutions. Et ça, Jean-Marie Bhugeerathee l’a compris. Au même titre que Magic Parasports Club et les fédérations responsables des athlètes souffrant d’une déficience physique et aussi intellectuelle. Le succès et la progression passent obligatoirement par un travail assidu, à la raison de deux séances quotidiennes, calquées sur le modèle professionnel. Non pas au petit bonheur comme le font d’autres et même parfois certains au ministère des Sports !
Aussi, en parvenant à réaliser ce podium aux Etats-Unis, Noemi Alphonse est venue donner raison à tous ceux qui continuent à croire que notre République, y compris Rodrigues, a les qualités et le potentiel de réaliser des merveilles. Mais certainement pas en nageant à contre-courant !
Le sport local a donc des raisons de croire que ses athlètes peuvent jouer dans la cour des grands. Noemi Alphonse l’a prouvé samedi dernier au Minnesota. En revanche, si les moyens ne sont pas à la hauteur des aspirations et des
ambitions, alors autant en faire une croix tout de suite.

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