Du mauvais cinéma

Un sentiment étrange d’assister, une nouvelle fois, à du mauvais cinéma. C’est ce que nous inspire la saga Franklin. De la condamnation pour trafic de drogue à La Réunion en 2021, point de suite ici depuis la séquence burlesque du walk-out de l’Attorney General, Maneesh Gobin, incapable qu’il était de donner des réponses adéquates à la presse. Ine tuite, comme on dit.

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Il est évident que rien n’a bougé sur ce dossier. Que les demandes d’entraide judiciaire, qui furent pourtant si efficaces et si promptement exécutées dans l’affaire Peter Uricek, se sont égarées entre le bureau du Premier ministre, du ministre des Affaires Étrangères et celui de la Justice.

Probablement au motif que Franklin est déjà sous la bonne garde des autorités. Non pas pour un délit lié à la drogue, pour lequel il a été formellement condamné à sept ans de prison, mais pour blanchiment allégué. Grand trafiquant à La Réunion et petit blanchisseur ici. Un joke de mauvais goût et une ficelle bien trop grosse pour être ainsi facilement gobée par l’opinion.

Tout ce qui se déroule ces jours-ci ressemble à de la poudre jetée aux yeux de l’opinion locale et régionale juste pour faire comme si les autorités s’agitaient et agissaient. Or, ils ne font que semblant de traquer trafiquants et blanchisseurs.

Il n’y a qu’à visiter une de nos foires maraichères et interroger les Mauriciens sur ce qu’ils prévoient comme suites à la saga des prête-noms, du long défilé des interpellés et de l’enceinte de l’ICAC transformée en showroom de cylindrées rares.

Tous vous diront que c’est bien curieux que la plupart des prévenus ont déjà obtenu la liberté conditionnelle, sans que cela ne perturbe le Premier ministre « gran kaser lerin mafia », que ce n’est pas fortuit que ce soit des  hommes de loi proches du MSM qui sont en première ligne pour défendre les blanchisseurs, pourtant déjà épinglés par la commission Lam Shang Leen, que Franklin est lui-même le prête-nom d’un vrai gros trafiquant de l’Ouest, qu’il y aura bientôt un autre scandale qui fera oublier celui qui occupe les esprits en ce moment, et que finalement, il n’y aura rien ou pas grand chose d’ici les prochaines élections générales.

Le scénario est écrit d’avance, la trame est limpide et le dénouement est prévisible. Les Mauriciens ne sont pas dupes, eux qui se retournent invariablement lorsque des bolides spéciaux et tape à l’œil leur passent sous le nez. Ce qui les étonne et, peut-être finalement pas tant que ça, c’est que tous ces signes extérieurs de richesse inexpliqués ont complètement échappé à la vigilance des agences de surveillance.

La MRA, qui est capable de demander à un contribuable – qui réclame et obtient depuis des années l’abattement fiscal pour l’assurance maladie auquel il a droit – d’apporter la preuve de la police souscrite, ne s’est apparemment jamais intéressée à ces modestes personnes qui possèdent des bolides rares et des châteaux clinquants dans des agglomérations connues pour être des ilots de pauvreté.

Le directeur de l’ICAC, Navin Beekarry préside un comité pompeusement nommé Task Force qui était censé prendre le relais là où la commission Lam Shang Leen sur la drogue avait ouvert la voie et donné des pistes pour mettre hors d’état de nuire de gros trafiquants et leurs soutiens souvent en robe d’avocat.

Il est, d’ailleurs, intéressant de revenir sur les membres qui composent ce fameux comité dit Task Force : Sudhamo Lal, directeur de la MRA, celui de la FIU et de l’Integrated Reporting Services Agency, le commissaire de police et le Deputy Solicitor General. Belle brochette !

Bientôt cinq ans que les observations de la commission Lam Shang Leen sont connues de tous et le moins que l’on puisse dire, c’est que la situation de la drogue a empiré. Or, les Kalil Ramoly et autres personnes dont les noms ont été cités dans le document ont quand même trouvé le moyen de passer sous le « radar » de tout ce beau monde de la Task Force ?

Et c’est cette même ICAC dirigée par Navin Beekarry qui est en train de découvrir aujourd’hui que les protagonistes cités blanchiraient l’argent sale ? Dans un autre pays, ils auraient tous été virés pour incompétence, mais à l’île Maurice du MSM, plus ils « fanent », plus ils s’incrustent, et plus ils sont protégés. C’est ainsi que toutes les institutions sont tombées dans une décrépitude extrême.

Et dans cette atmosphère plus que glauque, attaqué et ridiculisé par un pouvoir exécrable qui entend lui confisquer ses prérogatives et de lui dicter ses décisions, le judiciaire joue lâchement le mort. On a vu quel sort a été réservé au document accablant rédigé par la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath sur le crime qui a coûté la vie à l’agent politique Soopramanien Kistnen.

Le Premier ministre a, à l’Assemblée Nationale, opposé une révoltante légèreté aux légitimes interrogations de Xavier Duval sur les suites policières qui doivent être données à ce document. Cette posture a poussé les pyromanes du MSM à lancer des viles et basses attaques contre la magistrate.

Le PM a, peut-être, un problème avec les magistrates, lui qui s’en est récemment pris à celle qui a accordé la liberté conditionnelle à Bruneau Laurette, une décision qui a terriblement dérangé le leader du MSM qui a pourtant laissé Franklin passer sous son radar et dont il omet soigneusement de prononcer le nom, lors de ses meetings socioculturels. Bizarre, non ?

Le judiciaire est paralysé parce qu’il n’y a pas suffisamment de personnalités portées par un sens aigu de l’honneur pour agir et se faire respecter. Par tous, y compris un Premier ministre. On ne demande même pas à nos timorés administrateurs de la justice de faire preuve d’audace et de prononcer des jugements téméraires. Ou qui font date.

Ceux qui étaient capables de secouer le prétoire et d’imposer leur autorité ne sont plus là. Mais le silence et l’absence de réaction ne sont pas des options lorsque les fondements de la démocratie sont menacés. Allez, un petit effort et un peu de courage. Quand même…

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