Le terrorisme d’État

En toute circonstances, il faut raison garder. Il y a les trafiquants de drogue qui continuent leur sale besogne sans être inquiétés. Ils sont connus, mais ils bénéficient d’une protection des agences censées les traquer jour et nuit pour les mettre hors état de nuire et les empêcher de provoquer la mort lente mais certaine d’une bonne partie de notre jeunesse.
L’affaire Franklin, du nom de celui qui a longtemps côtoyé les grands barons politiques de l’Ouest et qui a continué à être bien protégé malgré une condamnation pour trafic de drogue dans la juridiction voisine de l’île de La Réunion, est une illustration éloquente de cette complicité entre caïds, politiques et cadors en uniforme.
Et comme l’affaire est partie et qu’elle ne se concentre pas que sur le blanchiment d’argent et que la procédure d’extradition a curieusement pris du temps, rien ne dit que le trafiquant se retrouvera un jour face à la justice de l’île Maurice.
Il y a, ensuite, ceux qui sont pris la main dans le sac avec de gros volumes de stupéfiants et d’argent liquide. Des cas comme ceux-là, bonbonnes bourrées d’héroïne, sachets bien garnis enfouis sous terre comme dans l’affaire Gurroby ont fait la une mais, jusqu’ici, aucun procès et, surtout, aucune condamnation.
Ce qui instille un fort doute au sein de la population quant à la volonté réelle de “kas lerin mafia”. Les délits routiers liés à la consommation présumée d’alcool vont définitivement plus vite. Quelques mois suffisent pour que les enquêtes soient bouclées et pour que les charges formelles soient logées.
Il y a finalement le phénomène très récent connu comme le “planting”. S’il s’avère que des officiers de police plantent de la drogue chez des opposants politiques ou des critiques du gouvernement, il faudrait que ceux qui s’adonnent à ces activités illicites au sein de la police soient mis au pas le plus rapidement possible pour que la lutte contre le trafic de drogue ne soit plus source de méfiance de la part du grand public ou être l’objet d’un soupçon de vendetta.
Dans tout ce débat sur la drogue, il y a aussi urgence pour que le Forensic Science Laboratory soit plus performant et qu’il soit capable de déterminer si les produits saisis et qui sont présentés comme de la drogue, avec volume et valeur marchande immédiatement balancés pour impressionner l’opinion, sont vraiment des narcotiques.
Le cas de Taslim Oozeer a révélé les failles du système et des atteintes aux droits humains qui ne sont absolument pas acceptables. Interpellé pour réception et possession de drogue synthétique évaluée à Rs 15 millions, la police a dû, elle-même, venir reconnaître devant le tribunal de Mahébourg, que le FSL a établi que ce n’était pas de la drogue, mais un produit connu comme les “larmes de l’Himalaya” utilisé comme un anti-douleur dans la médecine ayurvedique.
Le jeune homme a quand même passé trois semaines derrière les barreaux, en attendant que le FSL se prononce. Ailleurs, les examens ne prennent que quelque jours si ce n’est quelques heures. Le nom de Taslim Oozeer a été balancé en public et sa mère a même été malheureusement entraînée dans cette sombre affaire.
Or, rien ne pourra réparer l’épreuve qu’a représenté ce temps de privation de liberté, ainsi que le mal fait à sa famille.Ce cas met en lumière la part de sensationnalisme qui accompagne la lutte contre la drogue et ses limites manifestes.
Entre graînes de chia, thés et autres “larmes de l’Himalaya” comptabilisés un peu rapidement comme de la drogue et susceptibles d’envoyer des innocents en prison, il y a lieu d’exercer la plus grande prudence avant de pavoiser et de parler de “grosse prise” ou de “joli coup de filet” de la SST ou de l’ADSU.
Un volet inédit est venu se greffer sur le dossier de la drogue : celui du complot. Tous ceux qui mettent en doute l’action et les motivations, fortement teintées de politique, de la Special Striking Team sont désormais systématiquement pourchassés et arrêtés.
Après l’ancien journaliste Harish Chundunsingh interpellé pour “conspiracy to pervert the course of justice” parce qu’il a partagé un post concernant le trafiquant de drogue présumé Vimen Sabapathee, vendredi, c’était au tour de l’avocat Rama Valayden d’être embarqué pour le même motif après des propos sur une radio.
Et il y a interpeller et interpeller. Quelle était l’utilité d’aller frapper à la porte de l’avocat tôt ce vendredi matin ? On ne pense pas que s’il avait été formellement convoqué, il aurait séché une visite aux Casernes Centrales.
Tout ce tam-tam stérile a juste apporté de la sympathie pour ce personnage, même de la part de ses détracteurs.
C’est dire que les méthodes de la SST sont discutables. Même Franklin, pris avec son cannabis ou ses nombreuses roupies sonnantes et trébuchantes, a eu droit à un traitement VIP de la part de la SST. C’est pas que la drogue ait été transformée en poudre de perlimpinpin, mais il a seulement été verbalisé pour un simple délit routier.
Le premier fait qui dérange avec cette SST est que c’est elle qui porte plainte, c’est elle qui enquête et c’est elle-même qui procède aux interpellations. Il y a quelque chose qui cloche, là. C’est un “evil precedent” sur lequel ont dû probablement se pencher le DPP et le Commissaire de police, lors de leur rencontre, vendredi.
Cette affaire devrait aussi intéresser l’organisme fantôme qu’est l’Independent Police Complaints Commission et ses coûteux casés politiques, et l’inciter à se pencher sur les étranges méthodes de la SST.
La meilleure réponse n’est pas de faire taire ou de terroriser, mais de venir avec de vrais résultats indiscutables, et ce, dans les meilleurs délais. Le terrorisme d’État, lorsqu’il s’exerce de manière aussi manifestement partisane, n’est en plus jamais sans conséquences. Il peut provoquer des réactions extrêmement violentes.
À charge pour ceux qui sont en position d’autorité de l’exercer de manière indépendante, objective et efficace.

- Publicité -

 

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -