L’idiot utile

La tendance va s’amplifier à mesure qu’approchent les échéances et, quand bien même ceux qui ont peur d’affronter l’électorat tenteront par tous les moyens de les repousser. Plus qu’un avertissement, prévenions-nous la semaine dernière. Ce n’était pas les prédictions surprenantes d’un oracle ni le mystère révélé d’une quelconque boule de cristal. Il suffisait d’écouter les bruits de la rue et les récriminations de simples citoyens pour prendre la mesure du mécontentement généralisé qui prévaut au sein de la population. Une situation que refusent de voir les locataires de l’Hôtel du gouvernement. Ou du moins font-ils semblant. Et s’ils ont entendu la rage de la base, ils ont choisi d’y répondre de la manière la plus dictatoriale qui soit. Par une répression brutale.

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L’interpellation des protestataires de Plaine Magnien parce que l’un d’eux aurait tamponné la voiture de sa “majesté” un ministre du MSM, sans laisser de rayures et sans avoir le moindrement cabossé la tôle de la berline ministérielle “sacrée”, est non seulement un abus policier, mais il révèle la nature profondément arbitraire et intolérante du régime de Pravind Jugnauth et de ses sous-fifres de la « politique autrement ». Pourquoi fallait-il détenir ces villageois pendant toute une nuit ? En quoi étaient-ils devenus une menace ou un danger pour autrui plus d’une semaine après les incidents ? C’est une décision aberrante et injustifiable.

La machine répressive s’est aussi abattue sur un autre citoyen, un travailleur social de la région d’Hermitage, qui aurait proféré le mot « gopia » en direction du maire de Vacoas-Phœnix, agglomération plus connue désormais comme le pôle Manhattan-New York. L’incident présumé se serait produit lors d’une émission d’une radio privée organisée en public lundi dernier à la route St-Paul, à Vacoas. Ceux qui ont côtoyé ce maire du MSM, grand agent de Showkutally Soodhun, celui qui l’avait nommé à la présidence de la National Housing Development Company, se demandent si, s’agissant de cet activiste du Sun Trust, ce ne serait pas presque un compliment !

Tout le monde connaît le sens du mot “gopia” qui, pour la majorité des Mauriciens, signifie « couillon, ignorant, bête, idiot ». Rien de bien méchant, si ce n’est un peu réducteur. Qui sait, ce monsieur est peut-être l’idiot utile du MSM. Mais enfermer un citoyen pour avoir supposément traité le maire de Vacoas-Phœnix d’idiot, c’est un traitement de goulag. Ce genre d’attitude face à des voix contraires est dangereux et n’augure rien de bon pour le débat public. Il est dangereux aussi parce que cela pourrait provoquer le durcissement de la contestation, ce qui ne serait bon pour personne.

Et comme si les abus de la police aux ordres n’étaient pas suffisamment scandaleux, voilà que le Premier ministre, qui est également responsable des forces de l’ordre, vient avec une mise en garde qui ressemble à une nouvelle menace en direction de ceux qui auraient des projets de contestation des décisions ou l’absence d’actions du gouvernement. Il les a prévenus : des condamnations pour de tels délits figureront sur le certificat de caractère autrement désigné comme celui de la “moralité”. Pour un tapotement sur une voiture ministérielle et une simple remarque un peu déplaisante, cela vaudrait à leurs auteurs un certificat de caractère entaché ? Où allons-nous ?

Et là on aimerait bien voir celui de Showkutally Soodhun, par exemple. Ce pilier du MSM avait, le 28 janvier 2015, été condamné à Rs 4 000 d’amende pour avoir, le 2 mai 2009, lancé des pierres sur la vitre de Radio One en pensant qu’il s’agissait du siège de l’express. Il était à la tête d’un groupe de manifestants du MSM qui scandaient des slogans hostiles au rédacteur en chef d’alors de l’express, Raj Meetarbhan, aujourd’hui conseiller de Pravind Jugnauth, l’express étant accusé d’avoir considérablement rapetissé la foule orange au meeting du 1er mai à St-Pierre. « Zordi reklam, fim-la pou zwe pli tar », avait lancé le président d’alors du MSM, non sans avoir brûlé des copies du journal de La Sentinelle.

Showkutally Soodhun était alors vice-Premier ministre et ministre du Logement. On ne se souvient pas d’un quelconque commentaire de son collègue Pravind Jugnauth sur un certificat de caractère souillé. Il est resté ministre et a même été jugé suffisamment digne pour représenter le pays à l’étranger. Tout comme l’autre condamné à Rs 2 000 d’amende pour les mêmes faits, Shyam Khemloliva, nommé à l’époque en Russie.

Entre une tape bruyante sur la carrosserie d’une cylindrée, une remarque ironique et le lancement de pierres sur un édifice qui aurait pu faire des blessés, il y a un contraste énorme. Il serait aussi intéressant de savoir si la horde de conseillers et autres nominés politiques du gouvernement ont tous un certificat de caractère vierge. On pense là à un directeur général de la MBC qui aurait eu maille à partir avec la justice dans les années 1980.

À part les participations aux sorties socioculturelles, elles-mêmes désormais perturbées par des jeunes qui ne veulent plus voir des politiques confisquer leurs fêtes religieuses et des propos entre deux portes de voiture, le Premier ministre ne fait absolument rien pour apaiser la colère du peuple. Au contraire, les municipales sont, une nouvelle fois, renvoyées par peur d’un vote-sanction contre le gouvernement. Les extravagances continuent de plus belle avec des ministres qui voyagent pour obtenir la loterie du per diem. Et pendant que la population se serre la ceinture, le gouvernement trouve le moyen de faire l’acquisition d’une nouvelle flotte de berlines pour les ministres et autres officiels.

Ce gouvernement trouve aussi le temps de créer de nouveaux organismes publics, dont le seul objectif est de caser ceux qui attendent leur “bout”. Le tout dernier qui est appelé à voir le jour est la National Environment Cleaning Authority. Peut-être que les derniers transfuges piqués du MMM obtiendront enfin leur récompense.

Et si le peuple criait ici et là : « Kifer gouvernma pa koumans par netway limem ? »

 

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