Romances d’autrefois (1)

Nous sommes à la fin des années 1800 et le prince Manfred visite notre petite île.
Loin de tout protocole British strict, le duc d’Édimbourg, fils de la reine Cecilia, se laisse aller au rythme mauricien sous les tropiques. Au fil des jours, les parties de chasse le ravissent, les sourires chaleureux des habitantes de l’île le séduisent, l’air doux et l’ambiance qui y règne le dépaysent.

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Par un après-midi ensoleillé, Manfred, “costumé”, se promène dans les jardins fleuris de la demeure où il réside. À ses côtés, une belle demoiselle de la haute société l’accompagne. Rires et petites confidences les font rougir et ils sont gênés par les temps de silence et les regards furtifs. Au cours de leurs pas, une pluie fine vient les rafraîchir avant que ne commencent de conséquentes averses qui donnent une tournure particulière à leur promenade. Charlotte referme sa petite ombrelle en dentelle blanche, alors que l’élégant homme déploie son parapluie de couleur sombre. Pour ne point tremper sa belle robe et son haut chignon relevé, elle se rapproche timidement de lui pour s’abriter de la pluie. Le charme ayant déjà opéré lors des soirées mondaines, ce rapprochement ne fait que confirmer l’attirance qu’ils avaient l’un pour l’autre.

Au fil de ces reposantes et enivrantes vacances, l’idylle se confirme loin des yeux de leur entourage, mais ô surprise ! Quelque temps après le départ du prince, mademoiselle Charlotte donne naissance à un beau petit roux, loin de toutes couronnes, châteaux et artifices.

L’époque étant ce qu’elle est, la jeune maman se voit malheureusement contrainte de se séparer de sa progéniture. Le cœur déchiré et l’âme en peine, elle accepte d’obéir à la décision imposée par son père : elle doit se débarrasser de sa chair et la famille décide de déposer Charles sur le pas de la porte d’un couvent.

Les joyeuses religieuses, dont la vie est rythmée par le silence et les prières, ne se doutent pas une seconde qu’un bambin de sang bleu allait leur tomber du ciel.
Quel n’est pas l’étonnement des bonnes sœurs d’entendre les pleurs d’un bébé retentir dans leurs oreilles à l’heure des vêpres, un vendredi après-midi.

Ciel ! Aussi enthousiastes que les « religieuses » dans les films de Louis de Funès, elles déboulent hors de la chapelle et trouvent le petit Charles bien au chaud dans un grand couffin portant une broderie de couleur or. À la vue de toutes ces paires d’yeux, l’enfant fait un sourire. « Qu’il est mignon ! » s’exclament-elles. « Et comme ses joues sont roses et dodues », ajoute sœur Laurent.

Dans une enveloppe portant les mêmes initiales que celles de la broderie, une lettre explicative de la situation embarrassante que vit la jeune demoiselle et la promesse de subvenir aux besoins du petit ange.

C’est dans cet environnement féminin, priant et plein de générosité, que grandit l’enfant. Les nombreuses femmes voilées optent, d’un commun accord, de donner un nom de famille au pauvre petit “bâtard”. « Puisque le petit prince est arrivé par un doux après-midi, son nom sera Clément. Oui, Charles Clément ! » crient-elles en cœur.

Les années passent et Charles s’épanouit parmi ses nombreuses mamans, dans des conditions correctes puisque Manfred, bien que n’ayant pas reconnu son fils, daigne tout de même subvenir à ses besoins.

Puis arrivent les premiers frétillements de l’adolescence, loin du regard de la mère supérieure et de la cohorte de “masoeurs”. C’est après sa rencontre avec la charmante Sharmila que Charles s’éloigne définitivement de toutes ces femmes qui l’ont recueilli.
La belle Indienne a conquis son cœur et ils s’unissent par le mariage. De cette union naissent deux garçons à l’allure princière : le sang ne trompe pas. Marc-Henri et Louis deviennent eux aussi de beaux et distingués jeunes hommes. Leur port de tête ne laisse pas indifférent, et leur élégance est appréciable.

Bien que de nombreuses personnes à Maurice connaissent l’origine de leur père, les deux hommes vivent tranquillement, plein d’humilité.

Raffinés comme ils sont, c’est tout naturellement qu’ils retiennent l’attention des unes et des autres demoiselles. Celle d’Yvonne se portera sur Marc-Henri. Tous les deux, encore jeunes, frais et beaux, se remarquent aux rencontres dominicales. Regards furtifs autour de la grande table, petites confidences sur les perrons assaillis par tous les jeunes présents. Se décideront-ils à aller se promener dans le jardin fleuri de la demeure, loin de leur entourage, tout comme Manfred et Charlotte ?
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Le récit, romancé, de Manfred et Charlotte (prénoms modifiés) est inspiré de faits réels et connus encore de quelques Mauriciens.
Le carnet de Camille revient la semaine prochaine pour la suite.

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