« La Banque mondiale pose ses conditions… je vous aide, mais vous privatisez »

Dans “The God of Rain(Forum – Le Mauricien du mercredi 18 avril 2018), Bhawna Atmaram écrit, avec raison: “Rain, which is the free gift from the skies of our vast universe, is viciously targeted as the next priceless commodity which is up for greedy grabs, in the name of privatisation… Slowly, we are losing hold of our natural resources which have been generously donated by the forces of the universe.  The best beaches of our island have borne the brunt of savage development in the name of ruthless capitalism and been snatched from the common lot. Countless natural spots have been sliced and auctioned off.”

- Publicité -

Puisqu’il semblerait que l’on veuille tout privatiser à Maurice, nous aimerions partager avec vos lecteurs ce que pense Erik Orsenna, de l’Académie française, de la privatisation.

Dans Voyage aux pays du coton* Orsenna écrit sur la mondialisation en prenant comme point de départ un morceau de tissu en coton. En parlant de la CMDT (Compagnie malienne pour le développement du textile) cet auteur nous dit qu’au Mali, les paysans sont contraints « à produire du coton, toujours plus de coton ». Et il ajoute cette phrase (page 29) qui devrait donner à réfléchir: « Ce pays est menacé par un ennemi farouche, la privatisation. » Et plus loin (page 31) il écrit : « La Banque mondiale pose ses conditions: je vous aide, mais vous privatisez. »

Orsenna est d’avis (page 59) qu’un immeuble au bord de Pennsylvania Avenue, à Washington D.C., aux Etats-Unis, est « l’immeuble le plus important du monde, puisque c’est celui de la Banque mondiale ». C’est l’endroit où se prennent les décisions les plus lourdes de conséquences pour le plus grand nombre d’habitants de la planète car « on n’arrête pas de trancher, choisir, imposer… » 

Imposer!!! C’est ce que l’honorable ministre Collendavelloo compte faire en cherchant à privatiser la Central Water Authority (CWA). Est-ce sur recommandation, pour ne pas dire ordre, venant de la Banque mondiale? Cette banque, haut lieu des multinationales, semble vouloir exiger à travers la planète la privatisation de toutes les ressources dont ont besoin ces mêmes multinationales.

Erik Orsenna, en grand voyageur, a continué son voyage afin de faire un constat sur les enjeux mondiaux, justement, de l’eau. Il parle de son périple dans L’Avenir de l’eau**, un livre passionnant. Orsenna parle aussi de cet « indice de développement humain » proposé par Amartya Sen, prix Nobel de l’économie, pour un monde meilleur, ainsi que de Danielle Mitterrand et de l’altermondialisme. Il écrit notamment (page 378): « Et comme la Résistance a fait ses preuves, naguère, contre les nazis, Danielle ne voit pas pourquoi elle ne triompherait pas aujourd’hui du nouveau mal: l’empire de l’argent. »

Malheureusement pour les ‘petites gens’ et autres prolétaires, c’est ce « nouveau mal: l’empire de l’argent » qui semble vouloir tout contrôler dans plusieurs pays de la planète, y compris Maurice – et ce, très souvent au détriment de la nature. La Banque mondiale et le Fonds monétaire international ne sont pas du tout étrangers à cet état des choses. Comme l’écrit Orsenna dans Voyage aux pays du coton (pages 59-60) : « En effet, les banquiers mondiaux sont perpétuellement en mission… A chacun de mes voyages, même les plus lointains, de l’autre côté de la mer, au bout de pistes improbables et défoncées, je suis tombé sur un banquier mondial. »  Et, pour ces banquiers, il n’y a qu’un seul mot qui peut répondre à toutes les questions du monde. C’est “privatisation”!!!

C’est sûr qu’à Maurice, avec la privatisation, quelques gros bonnets ne vont-ils pas se remplir les poches et les coffres, avec plein de devises et autres dollars? En maintes occasions, la privatisation se fait en catimini, à notre insu, et nous nous trouvons devant des faits accomplis! C’est fait dans l’intérêt supérieur du pays, dirait l’autre. Quelle foutaise! Nous ferons bien alors de résister à ce déferlement de privatisations qui nous guette – le Port, l’eau, les terres de l’Etat, les montagnes, sans oublier nos plages publiques que l’on déproclame à tort et à travers. Indignons-nous avec dignité, mais fermement… avant qu’il ne soit trop tard!

Heureusement que les Mauriciens en ont assez d’être des moutons et que, comme l’a écrit Sanjay Jagatsingh, « Ena enn vag pe leve kont sa kalite politik lisyen la. »

(Forum – Le Mauricien du mercredi 18 avril 2018).

   *Voyage aux pays du coton – Petit précis de mondialisation,  Fayard 2006                                              

  **L’Avenir de l’eau – Petit précis de mondialisation  II,  Fayard 2008

 

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour