Pr Romeela Mohee : « Chaque institution doit élaborer un plan de résilience »

Nommée à la tête de la Higher Education Commission (HEC) depuis l’année dernière, la Pr Romeela Mohee est une figure connue de l’enseignement supérieur. Ancienne chargée de cours dans le domaine de l’ingénierie à l’Université de Maurice, elle était aussi la doyenne de cette faculté avant d’être choisie comme vice-chancelière. Après son passage à la Commonwealth of Learning, ses projets éducatifs sont implémentés dans environ 18 pays africains. Devenue chef de la HEC en pleine pandémie de Covid-19, elle note que les institutions tertiaires ont été prises de court par rapport à l’enseignement en ligne. Raison pour laquelle elle conseille à chaque institution d’élaborer un plan de résilience respectif.

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Quels sont les accomplissements et les défis que vous avez rencontrés depuis votre nomination en tant que commissaire de la HEC ?
La Higher Education Act apporte une transformation totale de l’ancienne Tertiary Education Commission. La nouvelle loi comprend encore plus de fonctions. Lorsque la HEC a été instituée, en novembre 2020, nous nous sommes focalisés sur l’opérationnalisation de la HEC Act et la mise en place des systèmes.

Il y a avait de nouveaux cadres, modèles et activités que la HEC devaient mettre en place rapidement. Nous avons de nouveaux cadres réglementaires à mettre sur pied. Le défi le plus important, lorsque je suis arrivée, était de mettre en opération la HEC Act 2020. Nous avions dû trouver des solutions au manque de capital humain, car 15 de nos employés avaient opté pour aller travailler à la Quality Assurance Authority.

La HEC a récemment présenté son plan stratégique 2022-25. Parlez-nous de sa vision à travers ce plan…
Nous nous sommes engagés dans une série de nouveaux projets, et l’un d’eux est la conception d’un plan stratégique, aligné sur la vision du gouvernement. À travers ce plan, le but de la HEC est de faire de l’enseignement supérieur un pilier de l’économie du pays, tout en positionnant Maurice comme la destination privilégiée des étudiants de la région.
Ce plan stratégique a été conçu avec la collaboration de tous les employés. Nous avions des rencontres chaque vendredi avec les responsables et nous discutions de la vision à long terme. Nous sommes très fiers de ce plan, qui présente la mission, la visée et les valeurs clés de la HEC.

Ce plan stratégique comprend cinq thèmes stratégiques, soit responsiveness, relevance, resilience, sustainability  et engagement. L’un des piliers concerne la conception d’un cadre réglementaire, et qui comprend 15 standards pour l’enregistrement, la création d’universités, et la reconnaissance des programmes d’études.

Ce plan a été élaboré avec en toile de fond le Covid-19. Une fois que le plan a été vérifié par les spécialistes de la Banque mondiale, le Commonwealth Secretariat, le Council of Higher Education et le ministère de l’Education, nous avons développé un plan pour sa mise en application. L’un des fondements dont je suis personnellement convaincue est la numérisation du secteur de l’enseignement supérieur. C’est la direction que le monde prend.

La HEC travaille sur de nombreux projets sur la numérisation. Le premier projet que nous avons réalisé est l’informatisation du système d’enseignement gratuit. Nous avons aussi développé un projet avec le Commonwealth of Learning pour développer un plan stratégique national sur le Technology-Enabled Learning.

Sur la base de cette stratégie, nous avons organisé un atelier il y a un mois avec le Commonwealth of Learning et toutes les universités publiques. Nous allons diffuser la stratégie dans les universités. Chaque institution d’enseignement supérieur, l’Université de Maurice, l’Université de Technologie de Maurice, l’Université des Mascareignes et l’Open University of Mauritius vont élaborer leurs propres stratégies institutionnelles pour adopter l’apprentissage en ligne.

Nous parlons depuis longtemps de faire de Maurice une Knowledge-Based Economy. D’ailleurs, le nombre d’institutions supérieures a augmenté à travers le pays. Nous faut-il encore des institutions tertiaires étrangères ?
Il nous faut des facultés internationales et des collaborations en matière d’enseignement et de recherche entre les universités locales et les universités étrangères. Et, bien sûr, les universités privées ont un rôle à jouer, car elles ont souvent leur siège social dans d’autres pays.

Nous encourageons donc les partenariats entre le campus principal et le campus secondaire qu’elles ont établis à Maurice. Mais il nous faut encore des institutions supérieures étrangères, car nous ne couvrons pas tous les domaines. Certes, il faut encourager la présence d’universités de haut niveau dans certaines disciplines dont nos universités locales ne disposent pas actuellement.

Quel est le plan de la HEC pour attirer des étudiants étrangers ?
L’un de nos piliers est l’internationalisation. Ce pilier s’inscrit dans le thème de la résilience. Il s’agit du renforcement de la résilience du système d’enseignement supérieur par l’internationalisation. Nous travaillons sur le nouveau cadre réglementaire qui favorise un environnement propice à l’arrivée d’universités et à la collaboration entre les universités locales et étrangères, ainsi qu’à attirer des étudiants internationaux.

Nous disposons d’un programme au sein du HEC qui traite de la mobilité des enseignants. Pendant la pandémie, il s’agissait de programmes de mobilité virtuelle. Mais autrement, il s’agit de mobilité physique, où les enseignants viennent à Maurice pour un mois à six mois, et partagent leur expérience avec les universités locales.

Que pensez-vous de la pérennité de notre système d’enseignement supérieur public, compte tenu du nombre élevé d’établissements à Maurice et du programme d’enseignement gratuit ?
La gratuité de l’enseignement supérieur est une mesure qui a été mise en place par le gouvernement en 2019. Jusqu’à présent, 28 000 étudiants ont bénéficié de ce programme d’enseignement gratuit. Il est vrai que le coût est assez élevé et que nous finançons toutes les universités publiques.

Mais ce coût permet de développer le capital humain du pays. Nous ne devons pas oublier que notre pierre angulaire a été la gratuité de l’enseignement primaire, secondaire, et maintenant tertiaire. Aujourd’hui, nous avons le plus grand nombre d’étudiants inscrits en Afrique, soit 49%. Au fil des ans, nous avons assisté à une augmentation du nombre d’étudiants dans les universités.

Conformément à la Higher Education Act, la HEC doit accréditer tous les programmes des établissements d’enseignement supérieur publics et privés. Dispose-t-elle des ressources humaines et de l’expertise nécessaires pour accréditer les cours dans tous les domaines proposés ?
L’un de nos défis, c’est que nous devons accréditer les programmes de toutes les institutions d’enseignement supérieur publiques. Aujourd’hui, nous parlons la validation d’environ 500 programmes d’études. Comme nous ne disposons pas d’un personnel suffisant pour l’accréditation, nous procédons par étapes. Nous commençons par tous les programmes nouveaux et révisés. Nous travaillons avec les universités pour qu’elles révisent leurs programmes actuels avant de procéder à l’accréditation. Dans le même ordre d’idées, nous recrutons du personnel sous contrat pour nous aider dans l’accréditation.

Quelles sont les grandes réalisations des recherches financées par la HEC ? Et quid des défis rencontrés ?
Nous avons le mandat de financer la recherche universitaire. L’une des nouvelles approches que j’ai introduites est la recherche d’impact. Dans le passé, la recherche avait plus d’impact sur la création de connaissances. Depuis 2019, nous encourageons la recherche dans les universités publiques auprès des universitaires. Nous avons financé, à ce jour, jusqu’à 75 projets de recherche.

Nous avons financé des recherches dans différents domaines, comme la science des matériaux, l’ingénierie, l’intelligence artificielle, le droit maritime, le droit de l’environnement, la médecine, les sciences de la santé, ou encore l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Nous finançons réellement des projets qui sont pertinents dans notre contexte local et qui répondent aux besoins du pays.

La nouvelle approche que nous avons adoptée au cours des deux dernières années est de donner priorité à la recherche sur l’impact sur la communauté, les politiques, le développement de produits pouvant être commercialisés et utilisés par la société. Nous encourageons beaucoup la recherche doctorale.

Le Skills for Work Scholarship est offert par la HEC aux étudiants mauriciens. Vous pouvez nous parler de cette bourse ?
Pas moins de 52 pays luttent pour avoir ces bourses. Nous avons fait une offre pour être l’un des pays à être considérés. Nous avons obtenu 3 000 bourses sur trois ans. Pour le premier groupe, où nous devions offrir 500 bourses, nous avions eu plus de 1 000 candidats éligibles. Nous avons négocié pour que ces 1 000 personnes aient leur bourse. À ce jour, plus de 2 000 étudiants en ont obtenu une. La bourse dure six mois et la personne peut choisir autant de cours qu’elle veut.

Quelles leçons la HEC a apprises du Covid-19 ?
Nous devons avoir une préparation institutionnelle pour que nous adoptions d’autres modes d’enseignement et d’apprentissage que le traditionnel face-à-face. Chaque institution doit élaborer un plan de résilience. Il faut que les universitaires et les tuteurs aient la capacité de s’engager dans ces méthodes d’enseignement innovantes. La leçon apprise, c’est que nous devons être prêts en permanence. Nous devons apprendre en permanence. Les universitaires doivent être des apprenants à vie. Nous avons également les modèles économiques des institutions privées. Certains étudiants étrangers sont partis et ne sont jamais revenus.

Des vice-chanceliers de l’UoM et les directeurs généraux de l’UTM ont souvent été sous le feu des projecteurs avant leur départ. Cela ne gâche-t-il pas un peu l’image de Maurice à l’international ?
Ce sont des postes très élevés. Les universités sont des institutions où les gens pensent de manière indépendante. Donc, il y a diverses parties prenantes. Un vice-chancelier est entouré de plusieurs parties prenantes, et plaire à toutes n’est pas possible. Ce problème est présent un peu partout. Ce n’est pas un monde facile.

Quel est votre prochain projet ?
L’un de nos prochains projets est le National Credit Value and Transfer System. Ce système permettra une mobilité des étudiants entre les universités et les pays. Il nous faudra des accords au niveau local et régional. L’Europe l’a déjà mis en place. C’est maintenant à notre tour de le faire.

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