Amazonia mortuus est

Il y a quelques mois déjà, nous vous disions que la forêt amazonienne était à la limite de la rupture, écologiquement parlant. Et bien (rassurez-vous ?), c’est maintenant chose faite ! Du moins c’est ce qu’affirment certains. Mais comment pourrait-il en être autrement, tant le poumon vert de la planète se sera métastasé depuis des décennies. Au point d’ailleurs de ne plus ressembler aujourd’hui par endroits qu’à de vastes plaines dépourvues de cette luxuriance qu’elle arborait autrefois. La faute au développement, au profit, à la croissance. À la folie des hommes aussi, et à leur trop-plein d’ambitions et de pouvoir.
Aujourd’hui, chaque jour qui passe mène en effet de plus en plus la forêt amazonienne vers le bord du gouffre. Certains allant même jusqu’à dire que le premier pas dans le vide aurait déjà été fait. Ainsi, avec pas moins de 26% de surface disparue, cette forêt essentielle au maintien à la fois du climat et de l’incroyable diversité de formes de vie qu’elle abritait jadis a donc, selon des leaders indigènes, franchi le point de non-retour, autrement dit le « point de basculement ».
Ce terme n’est d’ailleurs pas utilisé par hasard; bien au contraire. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), il correspond en effet à un «  seuil critique au-delà duquel un système se réorganise, souvent brutalement et/ou de manière irréversible  ». Et si cela vous semble encore trop abstrait, alors imaginez simplement une fondation de briques empilées les unes sur les autres, un peu comme la « Tour de Jenga », et où le retrait d’une seule brique finit par faire s’effondrer l’ensemble. C’est cela, le point de basculement.
Dans le cas de la forêt amazonienne, ce point de rupture, s’il est réellement déjà franchi, la transformera en savane, et ce, tout simplement parce que la forêt ne pourra plus d’elle-même entretenir son propre climat, comme elle le fait depuis près de 50 millions d’années. Ses arbres se feront alors moins imposants et sa biodiversité chutera drastiquement. Le tout avec la promesse évidente de voir largement s’amoindrir ses capacités de stockage de carbone.
Première sur le banc des accusés : la déforestation. Dans son incontrôlable envie d’assouvir sa cupidité, l’Homme aura détruit et brûlé tant et si bien qu’il était estimé, en 2021, que la forêt amazonienne se réduisait, chaque heure, de… 111 hectares. Contribuant ainsi davantage au réchauffement climatique, qui s’avère justement être le 2e accusé de ce procès intenté pour « génocide vert ».
Ainsi donc l’on craignait le pire, et le pire serait déjà là. Les données sur l’état de la couverture forestière, depuis 1985, témoignent en effet de 20% de sa disparition, les 6% restant étant dans un état de dégradation avancé. Or, les scientifiques nous auront avertis, dès 2018, que le point de basculement de l’Amazonie se situait… entre 20 et 25% de surface détruite ! En sus de cela, les précipitations, en 20 ans seulement, ont diminué de 17% dans certaines régions de l’Amazonie, et ce, alors que, dans le même temps, la température, elle, est en hausse de +1,1 °C, et que le sud de la région connaît une saison sèche prolongée de quelques semaines.
Peut-être serait-il donc temps de comprendre que l’Amazonie n’est pas une banale forêt. Avec ses milliards d’arbres, ses millions d’espèces d’insectes, ses oiseaux, ses reptiles, ses mammifères, ce qui ne ressemble, depuis l’espace, qu’à une grosse tache verte est en vérité un véritable trésor de biodiversité. Un trésor qui semble désormais en passe d’être définitivement perdu.
Notre cupidité aura donc eu raison de l’impensable. À force de déboiser pour transformer ces immenses étendues vertes en champs et prairies, aussi vastes que peut l’être notre bêtise, nous compromettons le peu d’équilibre vert qu’il nous reste. Pour construire, oui, mais aussi et surtout pour élever du bétail et nourrir ce même bétail. Favorisant ainsi l’élevage intensif, et bien entendu l’argent qu’il génère.
Aujourd’hui, les experts du climat en appellent au bon sens, à savoir à restaurer au moins 6% de cette forêt (54 millions d’hectares). Reste à convaincre l’industrie pétrolière et le secteur minier. Mais aussi les autorités locales, les industriels, le secteur agricole. Et un Bolsonaro déconnecté de la réalité si d’aventure il devait être réélu à la présidentielle brésilienne. Autant dire que les carottes sont quasi-cuites, et que le cancer humain finira par avoir raison de notre poumon.

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