CRISE INSTITUTIONNELLE CP / DPP – Rétablir la confiance dans le système de Law and Order

Il n’y a pas lieu de procéder à une analyse clinique de notre société pour inférer que la situation de law and order dans le pays demeure très préoccupante ; et la crise actuelle entre les deux principales institutions concernées, la Police et le DPP, risque de corser davantage le problème de l’insécurité au sein de la population. En outre, « l’infiltration de la mafia dans de nombreuses institutions du pays » (dixit Pravind Jugnauth), n’est certainement pas pour arranger les choses. Face à une telle conjoncture, l’indifférence de l’autorité centrale n’est plus une option ; il faut, à tout prix, briser la glace. En tant que ministre de l’Intérieur, responsable du maintien de l’ordre et la paix, le PM n’a d’autres alternatives que d’intervenir de façon résolue afin de rétablir le courant entre ces deux organismes indépendants – intervention qui, dans les circonstances présentes, ne saurait être perçue comme une ingérence mais un moyen de coordination pour sortir de l’impasse et décanter la situation dans le plus bref délai.

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D’autre part, s’il est vrai qu’un commissaire de police (CP) est parfaitement habilité à retenir les services d’un homme de loi de son choix, mais payé des deniers publics, l’initiative de contester par voie légale une décision du DPP est, en soi, indicatrice que la confiance, l’ADN même de tout système de justice, entre ces deux instances complémentaires dans le cadre de leurs fonctions respectives, a totalement été ébranlée. Sans pour autant s’ingérer dans une affaire sub judice, mais dans un contexte général, il convient de reconnaître que, de par leur présence sur le terrain, les enquêteurs sont plus à même de déterminer si une libération sous caution présente ou non un risque ou préjudice à une affaire pénale en cours, jaugeant la probabilité existante d’une interférence du suspect avec des témoins, d’une fuite du pays ou encore de l’éventualité de commettre le même ou d’autres délits, ce indépendamment des conditions imposées par la Cour.

À l’opposé, il y a les professionnels du droit du Parquet qui, agissant selon les dispositions légales et constitutionnelles, ne peuvent faire abstraction du sacro-saint principe de la présomption d’innocence de même que la préséance de la liberté sur la détention. Ainsi, pour réconcilier ces deux positions aux antipodes du système légal, il n’y a pas 36 solutions mais uniquement la communication et la concertation avec, si besoin est, comme c’est le cas actuellement, un catalyseur pour permettre de dégager une décision convergente. D’ailleurs, dans le cadre d’un jugement rendu le 23 mai dernier radiant la charge provisoire d’entrave à la justice qui pesait sur Rama Valayden, la recommandation du DPP au commissaire de police « not to settle instantly into lodging provisional charges invariably in all cases but rather to seek prior legal advice from the DPP who is constitutionally mandated to decide in all criminal proceedings » est plus que limpide et remet les pendules à l’heure, sommant la police à se limiter au rôle qui est le sien et mettant en perspective ses prérogatives définies par la section 72(3) de la Constitution.

Ainsi, en respectant les règles établies et les législations officielles et rangeant au placard le sens de l’ego, le combat contre la criminalité pourrait être gagné. Et le CP a une opportunité en or de renverser la perception selon laquelle à la base de sa démarche de court-circuiter le bureau du DPP se trouve la décision de celui-ci d’entamer des poursuites pénales contre son fils dans une affaire alléguée de blanchiment d’argent ou encore la révision judiciaire de la grâce présidentielle accordée en décembre dernier, commuant une peine de 12 mois d’emprisonnement en une amende de Rs 100,000 dans une affaire de détournement de fonds en 2008 au préjudice de l’ex-Barclays Bank. Le PM, de même, a l’occasion de se racheter en faisant taire les mauvaises langues prétendant que la décision avortée du gouvernement en 2016 d’usurper les prérogatives du DPP à travers une Prosecution Commission était teintée d’un « colourable device » inavouable et obscur.

Mais quoi qu’il en soit, au sommet de tout système d’enquête et de poursuites pénales se trouve l’autorité de la justice qui a la responsabilité de rectifier tout acte d’abus et de malveillance et de contrôler la délinquance et la criminalité. Si, à Maurice, le principe de la séparation des pouvoirs, un des piliers de la démocratie, est brouillé vu le chevauchement malencontreux entre l’Exécutif et le Législatif – ceux-là mêmes, par exemple, qui proposent les projets de loi au Conseil des ministres présidé par le chef du gouvernement, les votent subséquemment à l’Assemblée nationale qui a, comme chef, toujours le PM –, le Judiciaire, lui, ne peut que demeurer au-dessus du lot. Dans cet esprit, l’intention de consolider la démocratie ne peut passer sous silence cette pratique controversée de permutation entre la magistrature et le bureau du DPP. L’institution d’une école de la magistrature, un des projets phares des partis politiques traditionnels depuis des décennies, devrait constituer la pépinière par excellence du judiciaire.

Bref, le combat contre l’insécurité passe d’abord et surtout par la volonté de nos gouvernants de renforcer la confiance de la population dans les institutions concernées tout le long du processus, depuis les services d’enquêtes jusqu’au prononcement de la justice en passant par la direction des poursuites publiques.

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