Georges : un héros Créole      

Marie Jacques Laval Panglose G.O.S.K

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Ami et ÉLÈVE DU GRAND E.

 

C’est une condition de la vie que d’être Créole, car nul ne naît qu’homme et dieu. Et la mesure de l’amalgame se perçoit dans l’expression de l’Être, car on ne dit que ce que l’on ressent. Le reste est imaginaire car emprunté.

Ainsi de Georges, par Dumas Père, Créole lui-même, ce roman montre le combat terrestre afin que la situation d’un combattant fasse de lui un dieu, Devenir un dieu est l’espoir de celui qui combat.

Écrit par Alexandre Dumas Père, ce roman raconte l’histoire d’un Créole né à l’île Maurice, au 19 ème siècle ayant ceci pour devise : « Il faut que j’aille jusqu’au bout. J’ai un préjugé à combattre. Il faut qu’il m’écrase ou que je le tue. » Et tuer c’est devenir un dieu puisque le préjugé à abattre c’est l’incompréhension orgueilleuse, c’est détruire l’hubris. Voilà Georges.

Ce roman suscite la critique que certains passages furent écrits par des nègres, dont Félicien Mallefille, qui avait une connaissance profonde de l’île de France (une allusion d’Eugène de Mirecourt). Quant à Alexandre Dumas, vivant dans une société française, en France, il souffrit toute sa vie du fait d’être Créole. Ainsi, quand un blanc lui fit la remarque que ses ancêtres descendaient du singe, à Dumas cette réplique légendaire : « en effet, monsieur, ma lignée commence là où la vôtre s’arrête ». En revanche son état de Créole ne lui fut d’aucune barrière près des femmes, bien au contraire, et auprès du duc d’Orléans, du roi des Belges et de la reine d’Espagne.

Le roman Georges se passe à l’île de France au 19ème siècle. Mettant en scène, Georges Munier, jeune Créole riche, il raconte son amour pour mademoiselle Sara de Malmédie dont le cousin Henri est épris. Dumas nous convie à connaître toutes les méchancetés racistes de l’époque et de nos jours. Il nous fait, aussi, assister en prime à la bataille du Grand Port, la seule victoire navale de Napoléon, et pour cela, inscrite sur l’arc de Triomphe à Paris. Écoutez-le, « c’était à 17h, et vers la fin d’une de ces magnifiques journées d’été inconnues dans notre Europe. La moitié des habitants de l’Isle de France, disposés en amphithéâtre sur les montagnes qui dominent le Grand Port regardaient haletants la lutte qui se livrait à leurs pieds, comme autrefois les Romains, du haut du cirque, se penchaient sur une chasse de gladiateurs ou sur un combat de martyrs. Seulement, cette fois, l’arène était un vaste port tout environné d’écueils, où les combattants s’étaient fait échouer pour ne pas reculer quand même, et, pouvoir, dégagés du soin embarrassant de la manœuvre, se déchirer à leur aise ;

Voilà ce qui était arrivé : le 20 au matin, le capitaine de frégate, Duperré, venant de Madagascar monté sur la Bellone, et suivi de la Minerve, du Victor, du Ceylan et du Windham, avait reconnu les montagnes du Vent de l’Île-de-France….. [Georges éditions folio, 1974, pages 37-38.]

Le combat et ses séquelles sont ensuite décrits. C’était la première phase de résistance des colons Français contre l’Anglais. S’ensuit le débarquement victorieux des Anglais dans le Nord et leur marche sur Port Louis. Pendant un combat des résistants Français à la Place d’Armes, Georges, accompagné de son frère Jacques et de son père, est frappé au front par Henri de Malmédie, et le véritable combat entre le héros et le vilain du roman commence alors avec des péripéties inouïes. Georges est un caractère complexe à l’orgueil exacerbé par les affronts subis aux mains des blancs, désirant une revanche éclatante. Il s’exprime ainsi devant la famille blanche : « Mais, du jour où M. de Malmédie m’a refusé sa nièce, où M. Henri m’a insulté pour la seconde fois, j’ai cru devoir me venger de ce refus et de cette insulte par une injure publique, ineffaçable, infamante. Mais j’ai rompu avec les blancs ; il y a plus de rapprochement possible entre nous. Monsieur de Malmédie peut faire, dans une combinaison, dans un calcul dans une intention que je ne comprends pas, moitié du chemin, mais je ne ferai pas l’autre. Si mademoiselle Sara m’aime, mademoiselle Sara est libre, maîtresse de sa main, maîtresse de sa fortune, c’est à elle de se grandir encore à mes propres yeux en descendant jusqu’à moi et non à moi de m’abaisser aux siens en essayant de monter jusqu’à elle. »

Nous sommes en plein drame racinien, tel Le Cid. Dumas n’utilise pas la litote ; « Va, je ne te hais point », mais fait Sara dire avec douceur : « Oh, monsieur Georges, vous savez bien que… »

Afin que le drame se corse, à l’instar des telenovelas actuelles, le récit permet à Georges de prendre la tête d’une révolte des esclaves et des hommes de couleur contre les blancs, une parodie de celle de Toussaint Louverture à Haïti, car elle échoue lamentablement puisque les insurgés préfèrent le rhum, offert par tonneaux ouverts en pleine rue, par le gouverneur de Maurice, au combat. Alors il ne s’agissait plus pour Georges de « vaincre mais de mourir et de bien mourir ! » Georges a pour ami ce gouverneur de l’île Maurice de l’époque. Cela ne l’empêche pas d’être traduit aux assises pour rébellion et haute trahison après sa vaine tentative de coup d’état. Il est condamné à mort. Dans sa cellule il rencontre un prêtre et le bourreau qui lui annonce sa décapitation pour un lundi matin à 7 heures. Il entame une conversation philosophique sur un thème effrayant avec le docteur qui l’avait soigné après sa blessure pendant la révolte et pendant son séjour en prison avant le procès aux assises ; Georges maintient que la personne décapitée souffre après le supplice car il a vu deux fois en ÉGYPTE, un condamné être exécuté et peu après que le condamné eut la tête coupée, cette dernière roula sur le sol. Georges eut la permission de soulever la tête décollée et de lui parler.

Souffres-tu ?

Une première fois, un œil de la tête se rouvrit et se referma. Lors de la deuxième fois, les lèvres bougèrent dans un mot inaudible. Georges, pour son exécution, demanda et obtint du gouverneur qu’il pût marcher de son cachot à la place de l’exécution publique. Il devait passer devant une église nommée, l’église Saint Sauveur. Par des circonstances exceptionnelles, il vit devant l’entrée de la dite église une dame toute de noir habillée, la tête couverte d’un voile noir. C’était Sara de Malmédie qui attendait son passage, Alors dans un retournement de situation incroyable, elle lui demande de l’épouser ainsi :

« Écoutez, dit-elle, sur le seuil de l’église où il entre, sur le seuil du tombeau où il est près d’entrer, à la face de Dieu et des hommes, je vous prends tous à témoin que moi, Sara de Malmédie, je demande à Monsieur Georges Munier s’il veut bien me prendre pour épouse. »

-Sara, répondit Georges éclatant en sanglots : « Viens ma veuve. »

Sur ce, le Prêtre commence la messe de mariage et durant celle-ci, Georges reçoit un message dans un billet, porté jusqu’à lui par son ami, colporteur chinois du nom de Miko-Miko, où il est écrit ; Nous sommes là… tiens toi prêt. Il venait de son frère Jacques et de son père Pierre. Jacques qui était négrier et pirate avait un navire, la Calypso. Sara et Georges furent kidnappés pendant la cérémonie par Jacques et ses hommes, transportés dare-dare au navire Calypso qui s’enfuit de Port Louis. Mais ils sont pris en chasse, en mer par le Gouverneur à bord du Leycester. Le tout se termine par un combat naval où le gouverneur Lord Murrey est tué.

Georges est un roman qui tient en haleine le lecteur jusqu’au dernier mot.

« Il y avait des affranchis auxquels les colons de la population blanche avaient donné des noms abominables, tels que Louis voleur, François malpropre, Frontin coquin, Azor l’ivrogne, Pierre cochon, Jean Kk, et cent noms, plus sales les uns que les autres. Le Procureur Général, Prosper d’Epinay, s’était prononcé pour le maintien de ces noms, et avait défendu qu’on donnât d’autres noms à ces affranchis. Cette opinion absurde fit loi jusqu’à l’arrivée de monsieur Jérémie, qui donna l’ordre au Commissaire Civil de Port Louis, de changer les noms de nouveaux citoyens, en portant sur leurs actes de liberté un nom convenable, choisi par eux, substitué à celui que des maîtres barbares avaient donné….

Ce sont des actes semblables accomplis par les magistrats français à l’égard de toutes les populations autres que la population blanche, qui ont donné aux hommes de sang mêlé la mesure de la logique et de la passion aveugle des magistrats français de la colonie. » [Evenor Hitié : histoire de Maurice – 1897 page 195.]

 

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