Parlement : une poudrière politique

Les travaux parlementaires ont repris cette semaine comme ils avaient terminé avant les vacances d’hiver, il y a trois mois, c’est-à-dire dans la confrontation verbale caractérisée par la violence des propos des parlementaires des deux côtés de la Chambre, la provocation, les règlements de compte et, en finalité, le désordre et la confusion.

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Le spectacle affligeant infligé aux téléspectateurs, qui s’attendent à des débats parlementaires contradictoires, mais respectueux, des arguments et des réponses claires et concises aux interpellations parlementaires, laisse un goût amer à la fin de la journée. Il peut arriver, comme cela a été le cas mardi, qu’on soit gagné par une impression de dégoût et de révolte.

L’analyse de la situation dépend évidemment du prisme à partir duquel on l’appréhende. D’un côté, on déplore l’arrogance affichée par le Premier ministre et sa propension à faire durer le plaisir avec des réponses kilométriques, quitte à répéter mot pour mot des réponses précédentes et mettre les nerfs des membres de l’opposition à rude épreuve. Du côté de la majorité, on condamne l’attitude des parlementaires de l’opposition qui, selon eux, frisent le hooliganisme et qui pratiquent la provocation permanente dans l’espoir de déstabiliser le gouvernement.

Cependant, ces face-à-face, qui peuvent parfois prendre le ton de chocs électriques, ne sont pas nouveaux. Ils peuvent être contrôlés, pour peu que le Speaker inspire confiance et respect sans se forcer, et qu’il sache se placer au-dessus de la meute, se gardant de danser avec les loups.

Or, même si on n’a rien de personnel contre le Speaker, Sooroojdev Phokeer, il faut admettre qu’il ne fait pas l’unanimité au sein de l’hémicycle. S’il est adulé par les jeunes parlementaires de la majorité et que la perception veut qu’il soit téléguidé par le Premier ministre, il irrite les parlementaires de l’opposition, qui l’accusent de faire le jeu du gouvernement, avec un sens de l’ouïe en panne lorsqu’il s’agit d’entendre les abus de langage du côté de la majorité. De plus, aucun parlementaire de la majorité n’a jamais été frappé de sanctions d’une sévérité aussi extrême que celle qui est appliquée pour les membres de l’opposition.

Patrick Assirvaden, Paul Bérenger et Rajesh Bhagwan ont été suspendus pour cinq à six séances parlementaires, soit près d’un mois et demi. Si d’aventure le Parlement était dissous dans le courant du mois prochain, il serait alors peu probable que ces députés retrouvent leur place dans l’hémicycle. Or, rien n’oblige le Speaker ou le Premier ministre d’infliger une sanction aussi sévère à des députés, qui se voient ainsi privés de faire leur travail de législateur pour lequel ils ont été élus. Par extension, ce sont leurs mandants qui paient les pots cassés.

Dans le cas de la séance parlementaire de mardi dernier, un Speaker expérimenté aurait dû anticiper que le ton allait monter d’un côté comme de l’autre. D’un côté, les parlementaires du Ptr, du MMM et du PMSD regagnaient leurs strapontins après avoir organisé plusieurs meetings réussis, qui ont rassemblé une grosse foule. De l’autre côté, les parlementaires de la majorité reprennent leurs fonctions avec un leader requinqué par sa victoire contre le candidat Suren Dayal au Privy Council. Il ne fallait pas être sorcier pour prévoir que cette victoire serait célébrée dans l’hémicycle. Le Premier ministre a reçu une standing ovation de la part des députés de la majorité, sauf pour les deux députés du ML, qui ont applaudi en restant assis.

Mais c’était sans compter les maladresses du Speaker, qui est accusé par l’opposition de parti pris pour la majorité alors qu’au sein de la majorité, certains lui reprochent d’avoir été un rabat-joie pour avoir fait estomper la célébration autour de la victoire de Pravind Jugnauth.

D’aucuns se demandent s’il ne serait pas temps pour le Speaker de prendre congé de ses fonctions et de laisser sa place à quelqu’un de plus apte à faire régner la sérénité au sein de l’hémicycle. Au cas contraire, on craint que le Parlement reste une poudrière politique jusqu’à la dissolution…

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