Budget : c’est tout ?

Oui, c’est un titre volontairement provocant. Parce que tout indiquait que le budget 2023-24 serait celui de tous les cadeaux. Les attentes étaient comme l’inflation : grandes et à courbe résolument ascendante. Fin de mandat, donc proximité des échéances, un 1er-Mai raté avec, comme conséquence, le renvoi des élections municipales, toutes les conditions étaient réunies pour que ce budget soit celui d’un festival de générosité. Question d’essayer d’endiguer une impopularité grandissante et de faire meilleure figure sur le terrain devenu, ces derniers temps, difficile pour ministres, PPS et députés en dehors des sorties officielles et des rendez-vous socioculturels. Mais pourtant, il y a comme un goût de pas assez.
Le gouvernement a tellement l’habitude de distribuer qu’ils étaient nombreux ceux qui croyaient que la pension universelle allait passer, non pas aux Rs 13 500 promises pour 2023, mais directement à Rs 15 000. Certains avaient même supputé qu’il y aurait un allègement de la taxe sur le composant contributif de cette pension pour celles et ceux qui continuent à faire un travail à temps partiel pour arrondir leurs fins de mois. Nombreux aussi ceux qui s’attendaient à une baisse significative du prix du carburant porté à un sommet indécent de Rs 74.10. Au final, rien qu’un geste symbolique et une petite réduction de Rs 5, soit Rs 69 le litre à la pompe.
Les Mauriciens, soumis à une longue période de sacrifices pour leur porte-monnaie et leur pouvoir d’achat avec les prix faramineux de denrées essentielles causés, certes, par une inflation importée, mais aussi par une dépréciation de la roupie pour doper les secteurs d’exportation et le tourisme, s’attendaient définitivement à plus. Pourquoi ? Parce qu’ils savent que pendant qu’ils se serrent la ceinture, les caisses du gouvernement, elles, se remplissaient des revenus supplémentaires de la TVA, d’un prix anormalement élevé du carburant à la pompe et des augmentations ici et là, comme la location du compteur du CEB ou les tarifs d’accès à l’aire de stationnement de l’aéroport. On peut difficilement, dans de telles circonstances, reprocher aux Mauriciens d’entretenir des espoirs d’un grand soulagement.
Cela dit, il faut classer les annonces budgétaires en trois catégories : les bienvenus, les douteux et les ridicules. Les bienvenus sont certainement l’impôt progressif et une tranche plus élevée pour ceux qui touchent de gros salaires et la prise en charge intégrale de jeunes patients atteints de cancer. Cela évitera aux parents désemparés de procéder à d’humiliantes quêtes publiques et à des appels désespérés de contribution sur les réseaux sociaux.
Dans la catégorie des douteux, il y a le salaire minimum repabtisé revenu minimum garanti, pour être sans doute au plus près de ce que Navin Ramgoolam a récemment promis, le minimum living wage. Annoncée dans la confusion, on a, hier, eu droit à deux clarifications ministérielles après que les petites et moyennes entreprises ont exprimé des craintes de devoir licencier faute de pouvoir honorer la mise en pratique d’une telle mesure. Renganaden Padayachy et Soodesh Callychurn sont venus préciser que le salaire minimum reste à Rs 11 075, avec la MRA, dont les revenus à partir de nos taxes vont largement dépasser les Rs 100 milliards, assurant le paiement des Rs 3 925 restants pour arriver à Rs 15 000. C’est ce qu’on appelle retirer d’une main pour le remettre dans l’autre.
Également dans la catégorie des mesures qui suscitent les interrogations et le doute, il y a l’allocation en one off de la majorité de Rs 20 000. Après le troisième âge, ce sont les nouveaux électeurs que le gouvernement vise à conquérir. Mais donner l’argent des contribuables comme ça sans condition n’est pas un bon signal envoyé à la jeunesse. Si c’est pour se payer une formation diplômante dans des secteurs en tension par manque de main-d’oeuvre, oui, une inscription à une auto-école ou s’acheter un ordinateur comme outil de travail, ça va, et honorer des frais d’examens, ça passe. Mais si c’est pour se payer le smartphone dernier cri pliable pour épater les copains ou faire des achats extravagants, alors là, il vaut mieux réfléchir à deux fois avant de disposer ainsi des fonds publics.
Les ridicules : il y en a quelques-unes comme le « dam » de Rivière-des-Anguilles qui n’en finit plus de démarrer depuis les derniers budgets ou le repas du photographe de mariage, mais celle qui remporte la palme du ridicule achevé est incontestablement l’annonce de la destruction de l’Emmanuel Anquetil Building pour aménager une mini-forêt sur le site qui l’abrite. C’est bien d’essayer de copier lorsqu’on a fini de tout défigurer, de tout bétonner et de tout polluer comme le Champ de Mars un peu plus loin dans la même rue. Que le diocèse de Port-Louis ait décidé de créer une mini-forêt sur la place de la Cathédrale St Louis est tout à fait louable. L’esplanade était le lieu idéal pour aménager un petit poumon vert dans cette partie de Port-Louis. Mais raser l’immeuble Emmanuel Anquetil n’a aucun sens.
Il faut prendre la destruction projetée de cet immeuble avec la plus grande circonspection. Parce que cela pourrait cacher de bien inavouables desseins. Comme le besoin d’aller occuper des complexes vides ou qui ont du mal à trouver preneurs érigés par des petits copains friands de construction en tout genre, même s’ils sont très endettés auprès des banques. À moins que ce ne soit le Sun Trust lui-même qui soit prêt à accueillir ministères, départements et autres organismes parapublics.
Oui, l’Emmanuel Anquetil building, très bien situé au cœur de la capitale, érigé à la fin des années 1970, n’est pas un modèle d’architecture et il n’est pas non plus un chef-d’oeuvre esthétique, mais on peut certainement l’améliorer, le végétaliser et en faire le quartier général de quelques gros ministères. Il ne faut pas retirer le béton ancien pour le remplacer par des tonnes de béton nouveau. Ce n’est pas ça protéger l’environnement et verdir les espaces urbains.

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