Que la lumière l’inspire

Oui, en ce jour de célébration de Divali, tout ce qu’on peut souhaiter au Premier ministre, c’est que la lumière l’inspire vraiment, qu’il honore l’esprit de cette belle fête et qu’il arrête de la polluer avec ses interventions outrancièrement partisanes qui n’ont absolument pas leur raison d’être sur des plateformes socioculturelles ou religieuses.
Cela laisserait aussi de la place pour de l’information, la vraie, dans les journaux télévisés du soir de la MBC où les meetings politiques de Pravind Jugnauth sont relayés dans leur quasi-intégralité. Insultant ainsi l’intelligence de la population.
C’est précisément lors d’une de ses nombreuses sorties dans le cadre des célébrations de la fête de la lumière que le chef du gouvernement s’est autoproclamé Ram, le vertueux par excellence à l’opposé de ses adversaires qui seraient des Rawan, des personnes décrites comme incarnant les forces du mal. Les allusions premier ministérielles qui ne manquent pas d’audace autant que l’exercice d’autoglorification auquel il s’est livré n’ont que moyennement amusé son auditoire.
Tant qu’il parle de lui, ça peut aller encore. Entre ses deux diatribes contre l’opposition qui transforment cette fête de la lumière en réunions politiques du Sun Trust, le Premier ministre trouve le temps de défendre ceux qu’il a nommés à des responsabilités ministérielles. Comme Kailesh Jagutpal qui officie à la Santé depuis quatre ans et qui ne rate aucune semaine pour se retrouver à la une de l’actualité. Le dernier dossier qui l’a de nouveau projeté au-devant de la scène est celui des conditions exécrables dans lesquelles certains hôpitaux stockent, préparent et distribuent les repas aux malades. Un vrai sujet.
Si les deux députés travaillistes Eshan Juman et Shakeel Mohamed ont été les lanceurs d’alerte quant à l’insalubrité de l’hôpital Jeetoo, la Private Notice Question du leader de l’opposition a considérablement mis à mal la stratégie du ministre qui consiste, en toutes circonstances, à discréditer ceux qui dénoncent et qui critiquent en espérant que les choses iront en s’améliorant.
En brandissant un rapport aussi édifiant qu’accablant émanant des propres services de contrôle et d’audit du ministère de la Santé sur les repas servis dans les établissements hospitaliers Jeetoo, Brown-Séquard et Moka, Xavier Duval l’a littéralement rabattu le caquet à Kailesh Jagutpal, au point où il a bafouillé. Pris au dépourvu, le ministre a bricolé des réponses approximatives tantôt en évoquant un supposé dénigrement des fonctionnaires tantôt en affirmant que des mesures correctives ont déjà été prises.
Malgré tout le charabia et le système de défense extrêmement léger du ministre de la Santé, ses services ont, le lendemain même des révélations du leader de l’opposition, vite fait de procéder à des transferts de cadres administratifs à Jawaharlal Nehru et à Brown-Séquard.
Les dénonciations de l’opposition ayant, de toute évidence, fait mouche, le ministre Jagutpal a dû venir avec de nouvelles annonces comme la distribution de food packs aux malades tout en rappelant que l’hôpital n’est pas un hôtel. On le sait ça. Mais ce n’est pas une raison de traiter les malades comme des animaux et les hôpitaux comme des déchetteries.
Selon Pravind Jugnauth, son ministre « koukouroukoukou » serait victime d’un « complot » de l’opposition. Quel complot ? Des députés ainsi que le leader de l’opposition n’ont fait que dénoncer le traitement réservé aux malades et ils ont eu visiblement raison eu regard des annonces et décisions prises immédiatement après la mise en lumière des carences flagrantes dans la gestion des hôpitaux publics.
On ne sait pas si le leader du MSM est en manque de thème pour ses « meetings Divali » ou s’il a cru que c’était absolument indispensable de voler au secours de son ministre de la Santé, mais une chose est certaine, c’est que, s’il faisait comme d’autres Premiers ministres et qu’il se livrait à un bilan de la performance de son ministre, il y a longtemps qu’il aurait viré Kailesh Jagutpal ou qu’il l’aurait muté aux Sports, à la Culture ou à la Fonction publique, à ses ministères bouche-trou où sont casés ceux qui, par leur communauté ou leur caste, ou selon la logique des quotas, doivent invariablement siéger au conseil des ministres.
Serait-ce un complot de l’opposition ou de la presse — un peu épargnée ces jours-ci avec un changement, discret mais notable, de ligne de certains titres depuis la rencontre sur la drogue au Bâtiment du Trésor — s’il y a eu un record de 67 nouveau-nés décédés entre janvier et septembre de cette année dans le service néonatal public ?
Ce fut un complot de l’opposition aussi le décès en 2021 de 11 patients dialysés à l’hôpital de Souillac dont les proches attendent toujours la publication du rapport d’enquête initié sur ces disparitions suspectes en pleine pandémie de Covid ? Une conspiration de ses adversaires que des appareils payés à grands frais auprès d’une compagnie fantôme du nom de Pack and Blister aient été livrés en pièces détachées et défectueuses lorsqu’ils n’avaient pas tout bonnement disparu au cours du trajet entre l’Espagne, la Turquie et l’île Maurice ?
Un complot également le prix d’un médicament anti-Covid qui passe d’une journée à l’autre de Rs 9.30 à Rs 79.90 l’unité ? Pourquoi le Premier ministre ne parle pas de ces vraies questions sur les estrades publiques ? Pourquoi ne vient-il pas dire ce qui est fait pour améliorer les services publics ? Pourquoi ne vient-il pas commenter les observations toujours plus accablantes chaque année faites sur le ministère de la Santé par le directeur de l’audit ?
Au cas où certains l’auraient un peu vite oublié, le budget de la Santé publique pour l’exercice 2023-24 est de Rs 15,7 milliards. Complots vous dites ? Vive les complots qui permettent de mieux comprendre comment sont détournés, dilapidés, gaspillés et utilisés à mauvais escient ces sommes astronomiques de fonds publics, qui sont nos sous à tous.

- Publicité -

JOSIE LEBRASSE

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour