Tac-o-Tac — Reza Uteem : « Il faut restaurer la relation de confiance entre les élus et le peuple »

   « Oui, (la répartition des tickets est un sujet brûlant), mais le principe de l’alliance n’est pas remis en question »   « Tout porte à croire que le gouvernement va venir d’abord avec un budget sirop-diabète, et peu de temps après va dissoudre le Parlement »    « La langue kreol est notre langue nationale. C’est la langue unificatrice de la nation mauricienne »   « C’est clair que le Premier ministre est obsédé par Navin Ramgoolam »

Dans ce Tac-o-Tac téléphonique alors qu’il s’apprêtait à prendre l’avion pour un pèlerinage à la Mecque, Reza Uteem a abordé divers sujets tels que le déroulement de la première séance parlementaire, la répartition des tickets au sein de l’alliance de l’opposition, les préparatifs pour les élections, et les défis logistiques et financiers rencontrés. Ses critiques envers le gouvernement ont été claires et soutenues, tout en soulignant l’importance de restaurer la confiance entre les élus et la population, ainsi que les défis économiques du pays. Il a également mis en avant l’engagement nécessaire entre l’opposition et tous les Mauriciens pour relever ces défis.

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  Reza Uteem, avec cette rentrée parlementaire, on aborde les prémices de la campagne électorale qui se dessine. Comment évaluez-vous le mood au sein de l’hémicycle pour cette première séance ?

Cette rentrée a été plutôt calme. Le leader de l’opposition a fait une très bonne PNQ concernant le problème des inondations, mettant en lumière l’amateurisme du gouvernement. Nous avons également eu des échanges intéressants concernant le projet de loi sur les droits des personnes handicapées. Globalement, la première séance a été calme, sans provocation de la part des membres du gouvernement. Le Speaker, qui a aussi gardé son calme, n’a pas eu à intervenir, si ce n’est pour limiter le nombre de questions supplémentaires de l’opposition. C’est un bon début, même si le PMQT n’a pas changé, avec le Premier ministre prenant les 30 minutes du temps qui lui est alloué pour répondre à une unique question et répétant souvent ses réponses qu’il avait déjà faites sur la langue kreol dans le passé.

  Quelle est votre analyse du fait que la démission de l’ex-ministre Vikram Hurdoyal n’ait pas été abordée lors de cette séance parlementaire ?

Le Speaker s’est valu de ses prérogatives et a rejeté la question de l’honorable Eshan Juman concernant les raisons de la révocation de l’ancien ministre de l’Agro-Industrie par le Premier ministre. C’est dommage pour la démocratie, car la population a le droit de connaître les motifs de cette révocation.

  À l’occasion des questions sur l’introduction du kreol morisien, le Premier ministre s’est référé à Navin Ramgoolam, le leader de votre alliance, qui n’est pourtant pas dans l’hémicycle depuis deux législatures. Qu’en pensez-vous ?

C’est clair que le Premier ministre est obsédé par Navin Ramgoolam, probablement parce qu’il sait qu’il sera son successeur au poste de Premier ministre. Par rapport à la langue kreol, Navin Ramgoolam était peut-être contre à l’époque, mais Pravind Jugnauth, lui, fait semblant d’être pour. Il n’a aucun problème pour parler le kreol dans les meetings publics, ou ailleurs, mais il a un problème pour parler ce même kreol au Parlement. En vérité, il y a un manque d’intérêt et le PM n’est pas intéressé du tout puisqu’il n’a pas compris son importance. Depuis cinq ans, c’est la même chanson… il faut faire de la formation. Quelle formation ? Il n’y a aucune formation à faire. C’est dommage. Pour moi, la langue kreol est notre langue nationale. C’est la langue unificatrice de la nation mauricienne. Mais le gouvernement a démontré son dédain pour la langue kreol en refusant que les étudiants qui ont réussi aux examens de SC puissent prendre le kreol morisien comme matière principale aux examens de HSC. C’est dommage ! Mais le prochain gouvernement PTr-MMM-PMSD va s’assurer que le kreol morisien obtienne le respect qui lui est dû.

  Quelle est votre appréciation des actions et de la stratégie de l’équipe gouvernementale pour s’attirer les faveurs des électeurs ces derniers temps ?

La vérité c’est que le gouvernement n’a aucun bilan économique. Donc, il joue au Père Noël en distribuant à gauche et à droite l’argent qu’il n’a pas en puisant dans des réserves et en taxant avec intérêts de la main droite et en misant sur l’inflation de la main gauche. C’est dramatique !

  Ce qui est surprenant également, c’est que le rapport de l’audit n’a pas été déposé jusqu’ici… Qu’est-ce que cela cache ?

La loi est claire. Le directeur de l’Audit doit soumettre son rapport au ministre des Finances, dans un certain délai jusqu’à la fin de mois de février et il l’a fait. La Convention veut que le ministre des Finances dépose une copie du rapport à la première séance parlementaire après l’avoir reçu. Il ne l’a pas fait, ce qui est un manque flagrant de respect du ministre des Finances par rapport aux membres du Parlement et en particulier du Public Accounts Committee. On ne sait pas pourquoi et je trouve cela vraiment déplorable. Peut-être que le rapport fait état une nouvelle fois des gaspillages et abus de biens sociaux qui embarrasseraient le gouvernement.

  Pour en revenir à l’échéance électorale, dans cette rubrique la semaine dernière, Xavier Duval disait que la répartition des tickets était une sujet brûlant au sein de l’alliance de l’opposition. Qu’en est-il pour le MMM ? Des aménagements sont-ils encore possibles ?

Oui, mais le principe de l’alliance n’est pas remis en question. Le dynamisme est déjà créé et va continuer à s’accentuer avec la mobilisation pour le 1er mai. Bien sûr, dans le cadre d’une alliance, chacun des trois partis voudrait avoir le plus grand nombre de tickets pour soi. Nous n’avons pas encore finalisé le nombre de tickets et la liste des candidats, d’une part, et d’autre part, on travaille assidûment sur notre programme électoral, qui pour moi est plus important que la répartition des tickets. Je n’ai aucun doute que les leaders des trois partis feront le nécessaire pour trouver une solution dans l’intérêt du pays…

  Mais en même temps, ce flottement par rapport aux tickets donne du change à vos adversaires, plus particulièrement le MSM, pour dire que cette alliance est instable…

Je pense que le gouvernement ferait mieux de voir ce qui se passe en interne. Il devrait mieux surveiller sa propre cuisine avec ce qui se passe avec les Nazurally, le ML, Ganoo, Hurdoyal et d’autres. Nous, ce n’est pas le gouvernement en tant que tel ou la cuisine du MSM qui nous intéresse. Il y a des enjeux beaucoup plus importants. C’est répondre à l’attente de la population et trouver dès maintenant des solutions qu’on va implémenter une fois qu’on sera au pouvoir.

  Comment votre alliance se prépare-t-elle pour ces élections en passant par le 1er mai, notamment en termes de mobilisation, parce que c’est dans un mois ?

À Maurice, comme vous le savez, on doit prendre en considération les spécificités religieuses, après Cavadee, on a eu Maha Shivaratree, et puis on est entré dans le carême chrétien, et maintenant on est dans la période de jeûne des musulmans. Les choses vont s’accélérer après Eid. Nous avons mis en place un comité d’organisation pour le 1er mai et nous sommes présents sur le terrain de manière constante, en répondant à l’attente de la population pour un renouveau. Et l’opposition parlementaire incarnera ce changement.

  Comment votre alliance envisage-t-elle de concilier le renouveau politique avec la présence de candidats « dinosaures » dans le prochain gouvernement ?

Le prochain gouvernement comportera un ensemble, un mix de jeunes et de personnes expérimentées, afin de bénéficier à la fois de la sagesse et de l’expérience, ainsi que du dynamisme et des nouvelles idées.

  Personnellement, avez-vous une idée de quand ces élections auront lieu ?

C’est clair que la démission de Hurdoyal est venue chambouler les plans du Premier ministre. Il n’a pas vraiment le choix. Les élections générales devraient se tenir cette année-ci et pas l’année prochaine, comme l’avait laissé entendre à un moment le Premier ministre. Et tout porte à croire que le gouvernement va venir d’abord avec un budget sirop-diabète et peu de temps après, va dissoudre le Parlement.

  Quels sont les principaux défis auxquels vous faites face en termes de ressources financières et de logistique lors de cette campagne électorale ?

Le principal défi est le MoneyPolitik, avec le risque d’une utilisation abusive des fonds par le gouvernement actuel qui a accumulé un trésor de guerre comme c’était le cas en 2019. Je fais appel à la commission électorale pour rester vigilant et s’assurer que la loi concernant les élections soit respectée par les partis du gouvernement.

  Et l’intelligence artificielle dans le cadre de la campagne ?

En soi, l’intelligence artificielle n’est pas une mauvaise chose, comme elle l’est dans le domaine médical. Mais il y a des inquiétudes concernant son utilisation, surtout dans le contexte du réenregistrement imposé des cartes SIM qui fait l’objet de suspicion de la part de la population. Les Mauriciens craignent une utilisation abusive de l’intelligence artificielle pour influencer les résultats électoraux à travers la manipulation des informations et la diffusion de fake news et de deep fakes

  Le mot de la fin…

Je tiens à souligner qu’il est primordial de mobiliser toutes les compétences des Mauriciens pour relever les défis actuels. Un futur gouvernement devra pouvoir s’appuyer sur les meilleurs talents du pays pour assumer des responsabilités au plus haut niveau, tant au sein des institutions publiques que des organismes parapublics. Une des principales raisons des problèmes actuels réside dans l’ingérence politique à tous les niveaux, avec une mainmise sur les institutions par une clique restreinte. Il est essentiel de rétablir les bonnes relations entre le bureau du Directeur des poursuites publiques et la police, et de permettre aux Mauriciens de s’exprimer librement, sans craindre de représailles. Redonner confiance à la population est crucial pour instaurer un nouveau contrat social et restaurer la relation de confiance entre les élus et le peuple. Ensuite, il est nécessaire de s’attaquer aux défis économiques, notamment la cherté de la vie. Des solutions existent, mais elles exigent une équipe compétente et engagée. Il est donc essentiel de mobiliser tous les Mauriciens pour relever ces défis et promouvoir une croissance économique plus forte afin de lutter efficacement contre la vie chère.

Réalisée par Kathleen Pierre

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