Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’expression adaptée à la conjoncture politico-syndicale, à l’effet que le Fonds monétaire international fait recette, profite à la classe syndicale. Pourtant, la principale recette préconisée par ce même FMI, de manière régulière dans les Article IV Consultations annuelles, dans le cadre de la relance de l’économie, soit la réforme de la Basic Retirement Pension (BRP), avec l’âge d’éligibilité passant de 60 à 65 ans, est vouée aux gémonies.
Le plat de résistance, sous la forme de cette mesure annoncée dans le premier budget du gouvernement de L’Alliance du Changement du jeudi 5 juin, est difficilement digéré. Comme un os très dur à avaler. Même si les spécialistes en économie politique trouvent en guise de maigre consolation que cette réforme est une pilule amère à accepter. Mais il le faut, comme ce fut le cas pour ceux qui fêteront leurs 60 ans incessamment, quand encore enfant, ils avaient à ingurgiter le samedi cette cuillérée de delwil bwar pour les besoins de santé. En contrepartie à cette opération pez nene bwar delwil, enn pasti limon était offerte.
L’une des retombées positives de cette recette du FMI, avec zéro pension à 60 ans, dont le gouvernement en a fait sienne, en dépit du fait d’avoir à affronter des vagues de mécontentement, est à créditer à l’avantage du monde syndical, une voix non négligeable dans l’espace de la démocratie retrouvée au sein de la république. À la faveur de cette décision, contenue en trois paragraphes dans le Budget Speech, le syndicalisme affiche une unité consolidée dans cette démarche, visant à préserver un des acquis de l’État-providence.
Les syndicalistes de tous bords ont mis de côté leur ego pour constituer une plateforme commune en vue de la marche contre la BRP à 65 ans. À juste titre, le plus volubile des syndicalistes, Reeaz Chuttoo, trouve qu’il faut remonter à une trentaine d’années pour témoigner de cette unité syndicale avec la mise sur pied de l’All Workers Conference. C’était en 1996. Enhardie par le mouvement de samedi, la Plateforme Commune se prépare à s’organiser en caravane de mobilisation à travers l’île.
La fin de cette semaine s’avère être une étape cruciale avec le gouvernement, se basant sur des recommandations des deux comités ministériels, institués à la lumière de la Pension Reform Statement du Premier ministre à l’Assemblée nationale, mardi dernier, devant dégager et proposer des mesures d’accompagnement pour la mise à exécution de la BRP à 65 ans à partir du 1er septembre prochain.
Mais le dialogue de sourds s’installe entre partenaires sociaux, avec la partie syndicale refusant toute légitimité de la rue à ces deux émanations du conseil des ministres. Donc, rejet au préalable de tout Package Deal susceptible d’être concocté en tant que Face Saving Device dans un dossier des finances publiques, pesant au bas mot Rs 90 milliards en une année. Après les deux manifestations de samedi, soit celles de Port-Louis et de Rose-Hill, l’équation s’est engagée dans un cul-de-sac.
Par contre, la tentative de transformer la grogne autour de la BRP à 65 ans en une opération de soufle poukni sur le plan politique au profit de l’opposition parlementaire a montré ses limites. D’abord, il est un fait reconnu qu’ayant recours à un poukni pour raviver un feu, recouvert de cendres, comporte des risques pour celui qui est devant le foye dibwa. D’abord, il faut prendre des précautions pour que les cendres, qui s’envolent sous le souffle répété, n’abîment pas les yeux, au risque de faire couler des larmes.
Aux représentants de l’opposition parlementaire, qui avaient fait le déplacement, de tirer des leçons de politique et d’impunité de ce qu’ils ont reçu comme accueil, bientôt huit mois après la proclamation des résultats des législatives. De toute remarque désobligeante à l’encontre de ces anciens ministres, qui ont osé braver le koltar, après dix ans de maroquin ministériel, ce cri du cœur de Yogita Baboo, une femme dont le combat contre le pouvoir suffocant de l’ancien gouvernement pour éliminer toute voix discordante, faisant résonner des droits fondamentaux, a valeur de symbole.
« Pravind Jugnauth ek so lekip ena toupe vinn dan lamars sindika pou reklam efas erer so gouvernma finn fer ? Zot pena lamour prop. Lider MSM ek so lekip pa oze vinn divan divan ? Zot kone ki zot finn fer nou. Zot finn kras an ler, sa finn tom lor zot figir zordi. » L’auteure de cette phrase a été limogée en tant que syndicaliste au sein de la compagnie aérienne nationale, Air Mauritius, qui a été présentée et qui ne s’est pas encore débarrassée des attributs d’un temple du chatwarisme. Un peu à la manière de New Skin for the Old Ceremony de Leonard Cohen d’il y a 50 ans.
Ce qui permet à cette mère de famille et syndicaliste, toujours sans emploi, d’interpeller l’actuel Premier ministre sur la recette toute faite de la réforme de la pension à 60 ans…