« Le temps retrouvé » – Dimanche 4 mars 1979 : Les retombées du conflit sino-vietnamien à Maurice

La lointaine île Maurice n’est pas épargnée des conséquences politico-idéologiques du confl it sino-vietnamien qui vient relancer la tension dans le Sud-Est asiatique. C’est ainsi que, jeudi après-midi, la Jeunesse militante, une association très proche du MMM, a tenu une manifestation devant l’ambassade de Chine, à Belle-Rose, en signe de protestation contre “l’agression de la Chine contre le peuple vietnamien”. Une cinquantaine de manifestants scandaient des slogans anti-chinois et dénonçaient la politique étrangère chinoise en Iran, au Chili et en Afrique du Sud. “Les Chinois hors du Vietnam” ; “La Chine valet de l’impérialisme USA”; “A bas le sino-impérialisme”. Tels étaient quelques uns des écrits que l’on pouvait lire sur les pancartes des manifestants.

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Parmi les manifestants, on pouvait remarquer MM. JeanClaude Augustave député de Savanne/Rivière-Noire (ex-membre du comité central du MMM), Lutchmeeparsad Ramsewak, haut cadre de la General Workers Federation (GWF) et Ponapa Naiken, syndicaliste et ancien candidat du MMM.

Les membres de la Jeunesse militante après avoir brandi leurs pancartes les ont lancés dans la cour de l’ambassade

Dans un communiqué qu’ils voulaient remettre à l’ambassadeur de la République populaire de Chine, les dirigeants de la Jeunesse militante dénoncent l’intervention militaire chinoise au Vietnam et demandent le retrait immédiat des troupes chinoises du territoire vietnamien.

Les officiels de l’ambassadeur de Chine ont fait la sourde oreille aux appels répétés des manifestants qui voulaient pénétrer dans l’enceinte de l’ambassade et remettre leur lettre de protestation aux diplomates chinois. De son côté, le MMMSP, parti qui se réclame du marxisme-léninisme, a émis un communiqué signé également par un certain Comité de lutte contre l’impérialisme et le social-impérialisme. Dans ce communiqué, le MMMSP fait une analyse de la Jeunesse militante et tente une explication du pourquoi de cette manifestation. “Qui sont les dirigeants de la Jeunesse militante”, se demande le MMMSP. Et de donner la réponse : “Ce sont Hervé Autard et Ryad Munglee, correcteurs au journal Le Peuple, organe officiel du MMM, et Pravin Dabee, conseiller municipal MMM à Beau-Bassin/Rose-Hill. Vu que ces trois personnes sont aussi des membres actifs du MMM, comment ne pas conclure qu’il s’agit là d’une manoeuvre calculée de certains dirigeants du MMM ?” écrit le MMMSP dans ce communiqué.

Lutchmeeparsad Ramsawak et Gianduth Hazary, deux
membres de la General Workers Federation, étaient parmi les protestataires

Analysant le pourquoi de la manifestation, le communiqué écrit : “Nous trouvons cela une coïncidence très étrange que la Jeunesse militante renaisse tout d’un coup au mois février 1979 pour affirmer son rejet total de toutes formes d’agression. Où étaient les dirigeants de la Jeunesse militante lors des évènements suivants : (a) l’invasion de Mayotte par la France ; (b) l’invasion des Comores et le renversement d’Ali Soilih ; (c) l’intervension soviéto-cubaine en Érythrée (d) le pillage de Saya de Mallha ; (e) plus récemment, l’invasion du Kampuchea par le Vietnam, soutenu par le social-impérialisme. “Nous croyons donc, à la lumière de ces faits, et malgré le soi-disant neutralisme de la Jeunesse militante, que cette manifestation entre dans le cadre bien défini d’une stratégie qui vise à jeter le discrédit sur la nature socialiste de la Chine et le pourquoi de son intervention au Vietnam”, conclut le MMMSP sur ce point précis.

Le MMMSP fait ensuite une analyse de la situation dans le Sud-Est asiatique et du conflit sino-vietnamien. Le MMMSP rend le socialimpérialisme responsable de l’état de guerre et de tension dans cette région du monde et condamne également les visées expansionnistes du nouveau régime vietnamien qui, en abandonnant la ligne d’indépendance nationale prônée par Hô Chi Minh, s’est rallié au social-impérialisme. C’est l’ambition du Vietnam de créer une fédération indochinoise sous sa direction qui a amené les troupes vietnamiennes au Kampuchea et Laos, pense encore le MMMSP. Les signataires de ce communiqué font savoir qu’ils vont organiser une campagne d’information à travers des articles, des documents et de forums sur la situation en Asie du Sud-Est. Interrogé sur ce Comité de lutte contre l’impérialisme et le social-impérialisme, Dev Virahsawmy nous a déclaré qu’il n’est pas dans l’intérêt de la lutte révolutionnaire à Maurice de révéler l’indemnité de ceux qui luttent contre l’impérialisme et le social-impérialisme.

De son côté, le diplomate chinois Hsu, secrétaire à l’ambassade de la République populaire de Chine, que nous avons rencontré cette semaine, se disait peiné d’apprendre qu’une manifestation anti-chinoise allait être tenue devant l’ambassade. “Peut-être que ces gens-là n’ont pas toutes les données du problème”, disait-il, sur un ton très calme. “Les Vietnamiens nous provoquent depuis deux ans. Rien que durant les six derniers mois, nous avons compté plus de 700 incursions vietnamiennes en territoire chinois, et plus de 300 garde-frontières ont été tués ou blessés. Les Vietnamiens et leurs amis russes veulent saboter les quatre modernisations, parce qu’ils craignent une Chine puissante et prospère. Nous avons donc été contraints de leur donner une leçon et de protéger nos frontières”, a expliqué M. Hsu, qui ne semble pas, toutefois, certain de la durée et de l’intensité de l’engagement chinois au Vietnam.

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