Souveraineté territoriale : V comme Vindication !

  • Advisory Opinion : « Londres doit mettre fin dans les meilleurs délais à l’occupation illégale des Chagos pour compléter la décolonisation de Maurice »
  • La réinstallation dans l’archipel des Chagos des nationaux mauriciens, y compris ceux d’origine chagossienne, relève d’une question de la protection des Droits de l’homme et est du ressort de l’Assemblée générale de l’Onu

Peu importe si Londres et ses alliés continuent de mettre en avant le caractère “Non-Binding” du “Pronoucement No 160” de la Cour internationale de Justice (CIJ) en date du 25 février, la teneur de l’Advisory Opinion accentue la pression sur la Grande-Bretagne sur le démembrement du territoire mauricien avant l’indépendance. D’abord, l’Advisory Opinion de cette instance judiciaire des Nations Unies, soutenue par une majorité de 13 contre un (le seul vote dissident étant celui de la juge américaine Joan Donohue), reconnaît sans appel que l’archipel des Chagos fait partie intégrante du territoire mauricien. Cette reconnaissance constitue une “vindication” des revendications légitimes et historiques de Maurice, tout en administrant une gifle monumentale aux prétentions de l’ancienne puissance colonisatrice. Plus grave encore est inscrit au paragraphe 178 de l’Advisory Opinion, Londres étant sommé de mettre fin dans les meilleurs délais à l’occupation illégale du territoire mauricien.

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Pour ce qui est du retour des Mauriciens, y compris ceux d’origine chagossienne, la Cour internationale de La Haye souligne que cette question relève de la protection des Droits de l’homme et tombe sous l’autorité de l’Assemblée générale des Nations Unies. Soit de nouvelles pressions politiques et diplomatiques sur Londres et Washington. De leur côté, les autorités à Chypre se préparent à prendre avantage de cette ouverture à l’initiative de Maurice face à l’occupation d’une partie de leur territoire pour les besoins d’une base militaire.

Pendant plus d’une heure, le président de la Cour internationale de Justice, Yusuf Abdulqawi, a donné lecture des principales conclusions de l’Advisory Opinion sur les Chagos en faveur de Maurice, avec pour conclusion majeure que « la décolonisation de Maurice n’a pas encore été complétée ». Ce “Pronounement” s’articule autour de cinq décisions, votées à une majorité de 13 contre 1, les trois points les plus importants étant les suivants, après avoir conclu que le tribunal de La Haye est habilité à se prononcer sur la résolution votée par les Nations Unies le 22 juin 2017, en l’occurrence :

– La condamnation sans appel de Londres sur l’occupation de l’archipel des Chagos, à l’effet que : « La cour ayant constaté que la décolonisation de Maurice ne s’est pas réalisée dans le respect du droit des peuples à l’autodétermination, le maintien de l’administration de l’archipel des Chagos par le Royaume-Uni constitue un fait illicite qui engage la responsabilité internationale de cet Etat (voir Détroit de Corfou – Royaume-Uni c. Albanie

–, fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1949, p. 23; Projet Gabčíkovo – Nagymaros – Hongrie/Slovaquie –, arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 38, par. 47; voir aussi l’article premier des Articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite). Il s’agit d’un fait illicite à caractère continu qui résulte de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice. »;

– La sommation à Londres, toujours à une majorité de 13 contre 1, notamment : « Dès lors, le Royaume-Uni est tenu, dans les plus brefs délais, de mettre fin à son administration de l’archipel des Chagos, ce qui permettra à Maurice d’achever la décolonisation de son territoire dans le respect du droit des peuples à l’autodétermination. Les modalités nécessaires pour assurer le parachèvement de la décolonisation de Maurice relèvent de l’Assemblée générale des Nations Unies, dans l’exercice de ses fonctions en la matière. »; et

– L’appel à la communauté internationale dans la conjoncture pour compléter le processus d’autodétermination de Maurice, soit que « tous les États membres sont tenus de coopérer avec l’Organisation des Nations Unies aux fins du parachèvement de la décolonisation de Maurice ».

La Cour internationale de Justice évoque également le problème du “Resettlement” en ajoutant que concernant « la réinstallation dans l’archipel des Chagos des nationaux mauriciens, y compris ceux d’origine chagossienne, il s’agit d’une question relative à la protection des droits humains des personnes concernées qui devrait être examinée par l’Assemblée générale lors du parachèvement de la décolonisation de Maurice ».

La partie initiale des attendus du “Pronouncement” de la Cour internationale de Justice retrace les différentes étapes menant à l’excision illicite du démembrement du territoire mauricien, dont la genèse remonte à février 1964, soit il y a 55 ans, avec « les discussions stratégiques (entre Londres et Washington) de certaines îles possédées par les Britanniques dans l’océan Indien à des fins de défense ».

Pour soutenir la conclusion de l’Advisory Opinion à l’effet que « du fait du détachement illicite de l’archipel des Chagos et de son incorporation dans une nouvelle colonie, dénommée BIOT, le processus de décolonisation de Maurice n’a pas été validement mené à bien au moment de l’indépendance, en 1968 », la Cour internationale de Justice souligne : « Afin d’empêcher tout démembrement des territoires non autonomes, le paragraphe 6 de la résolution 1514 (XV) prévoit que : “Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies”. »

On notera qu’à part le commentaire sur l’aspect “Non-Binding” de l’Advisory Opinion, relayée dans la presse britannique, le Foreign and Commonwealth Office s’était gardé ce matin de poster sur son site Web des réactions à cette condamnation de la Cour internationale de Justice des Nations unies.

Paul Bérenger : « Formidable »

« C’est un jugement formidable. J’entrerai dans plus de détails lors d’une conférence de presse demain »

Xavier-Luc Duval : « Bizin amen enn rezolisyon Nations Unies »

« C’est une grande victoire pour Maurice. Le PMSD était au gouvernement quand les démarches pour l’Advisory Opinion avaient été entamées. Nous avons tout le temps soutenu les revendications chagossiennes et nous avons été partie prenante dans le processus. Nous sommes très contents pour le peuple chagossien. Mais il nous faut aussi nous demander : “what next ?”. Il faut à présent voir comment le Royaume-Uni va réagir après avoir subi cette défaite, non seulement légale mais aussi morale. On verra si les Anglais vont restituer les droits des chagossiens. Pour nous, il est impératif de restituer les Chagos à Maurice. Il faut permettre à la population chagossienne de regagner l’archipel et trouver un modus operandi avec les Américains en ce qui concerne Diego Garcia. Nous avons besoin que Maurice apporte une résolution aux Nations Unies forte de ce jugement en notre faveur. ».

Olivier Bancoult : « Istorik dan listwar lemond »
« C’est une Advisory Opinion historique pour Maurice, mais aussi pour listwar lemond. Nous avons continuellement milité pour nos droits fondamentaux. Cet avis consultatif de la Cour internationale de Justice est catégorique. La plupart des juges ont condamné les Britanniques sur ce dossier et ont réclamé que des mesures soient prises le plus rapidement possible en faveur des droits humains, mais aussi territoriaux, des Chagossiens. Je dédie cette victoire à toutes les personnes qui ont œuvré et qui ont soutenu la cause chagossienne. Je les remercie pour avoir cru en nous, en notre combat. Je remercie du fond du cœur tous ceux qui nous ont soutenus, le Premier ministre, le ministre mentor et les avocats, entre autres. Plis ki zame, Sagosien pou bizin dan Sagos. Nous rentrons à Maurice mercredi et nous allons avoir des consultations avec le gouvernement pour ce qui est de la marche à suivre. »

Me Robin Mardemootoo : « Moment de vérité pour le Royaume-Uni »

« C’est historique pour nous tous. La cour a déclaré que le Royaume-Uni devrait immédiatement rendre les Chagos à Maurice et permettre à la population des Chagos de revenir sur leurs îles. Le moment de vérité est maintenant arrivé pour le Royaume-Uni. Je suis honoré par la manière dont le gouvernement de Maurice et le peuple chagossien ont travaillé ensemble pour atteindre ce résultat. Navin Ramgoolam a commencé à inclure les Chagossiens dans ses initiatives avant que sir Anerood Jugnauth ne devienne littéralement le dirigeant chagossien, membre à part entière de l’équipe mauricienne. L’équipe juridique du gouvernement a fait un travail remarquable à La Haye. Nous plaidons depuis 20 ans maintenant contre les gouvernements britanniques et américains. Ces litiges nous ont permis d’avoir accès à des tonnes de documents que nous n’aurions pas obtenus autrement. Si cela a pris autant de temps, c’est à cause de ces politiciens hypocrites, experts en eux-mêmes, mais en réalité des garçons insulaires tropicaux et sans valeur qui pensent être au sommet du monde. »

Père Gérard Mongelard : « La conviction, la persévérance et la foi ont porté leurs fruits »

« Justice a été faite et trois mots me viennent à la tête en parlant de justice, à savoir “droit”, “vérité” et “paix”. Ces trois mots sont indissociables de la justice. Nous venons de célébrer les 20 ans de la mort de Kaya mais quand la justice n’est pas rendue et quand la vérité n’est pas faite, il n’y a pas de paix. Lorsqu’il y a la justice, il y a la paix. Si dans toutes les situations il y a la justice, le peuple sort gagnant et c’est la paix pour tout le monde.

Je suis content pour la communauté chagossienne après une lutte de plusieurs décennies et j’ai une pensée particulière pour toutes ces personnes qui sont mortes et qui n’ont pu retourner dans leurs îles natales. Zot finn mor lizie ouver kouma nou dir. Je salue le courage, la persévérance et la conviction des Chagossiens dans leur lutte pour retrouver leur archipel, et en particulier la détermination dont a fait preuve Olivier Bancoult. J’ai participé à leur combat. Il y a eu des moments où l’on a cru qu’on était près du but et il y en a eu aussi de découragement, mais la foi et la persévérance ont apporté leurs fruits aujourd’hui et je ne peux que me réjouir avec nos frères et sœurs chagossiens en ce jour historique.

L’évêché les a soutenus dans leur démarche et en 2017, nous étions à Rome pour demander le soutien du Vatican dans ce combat, qui était aussi celui de toute la nation mauricienne. Nous remercions le gouvernement pour le courage qu’il a eu de porter cette affaire devant la Cour internationale de Justice ainsi que toutes les organisations locales et internationales ayant soutenu le combat commencé dans les années 70, de même que les nombreux citoyens de la République de Maurice qui y ont ajouté leurs voix de différentes manières. ».

Steven Obeegadoo (Plateforme Militante) : « L’aboutissement d’une longue lutte initiée par le MMM»

« L’opinion que nous livre la Cour internationale de Justice est un moment historique dans la lutte pour le retour de l’archipel de Chagos dans la République de Maurice et pour la défense des droits des Chagossiens. C’est l’aboutissement d’une longue lutte commencée par le MMM de Paul Bérenger et d’Anerood Jugnauth dans les années 70 pour porter en avant le sort des Chagossiens et la question du détachement de l’archipel des Chagos par les Britanniques. Cette lutte a été poursuivie par Ramgoolam, qui avait fait le choix de porter la question de Marine Protected Area devant un tribunal international sur les droits de la mer. Ce combat est mené à terme par sir Anerood Jugnauth, en prenant la décision courageuse et risquée de porter l’affaire devant les Nations Unies, et suivie par le gouvernement de Pravind Jugnauth, qui a porté la même affaire devant la Cour internationale de Justice. Sur une question d’importance nationale, cela illustre non seulement la nécessité, mais aussi notre capacité, de dépasser la politique partisane. Nous avons maintenant un outil à notre disposition pour poursuivre le combat, quel que soit le gouvernement à venir. Il va falloir maintenant continuer à avancer et à s’exprimer d’une seule voix sur la question. »

Sylvio Michel : « Nous devons maintenant avoir accès à toutes les îles de l’archipel »

« C’est une grande victoire pour le pays, en particulier pour toutes les personnes ayant initié cette bataille. Sir Anerood Jugnauth mérite d’être félicité. Notre lutte a commencé en 1976 et a duré jusqu’en 1997. Nous avions même entamé plusieurs grèves de la faim à l’époque. Même quand nous avons bénéficié d’une première compensation, nous avons dû lutter continuellement. Nous avons alors été ridiculisés par le ministre de la Sécurité sociale d’alors, Karl Offman. Notre combat était axé sur deux demandes : répondre au besoin immédiat des Chagossiens, soit de leur offrir un logement et de leur permettre de retourner dans leurs îles. Rs 5 millions de notre compensation ont été bloquées et nous n’avions pas le droit de poursuivre la Grande-Bretagne pendant cinq ans. Je me souviens comment nous étions forcés de prendre un prêt pour envoyer une délégation en Angleterre afin de reprendre contact avec nos avoués et avocats. Une deuxième délégation a été envoyée aux Etats-Unis. Et nous avons été trahis. Ensuite, j’ai été abandonné au beau milieu du combat et je me suis retrouvé seul à rembourser les dettes. Certains politiciens nous avaient même tourné le dos. Mais aujourd’hui, je suis content et fier de ce que Maurice a accompli.

Je ne bois pas souvent d’alcool mais je n’ai pas pu m’empêcher de prendre un verre de vin quand le verdict a été prononcé en début de soirée hier. Je suis content du verdict, mais il faudra que nous puissions avoir accès à toutes les îles de l’archipel maintenant. Sir Seewoosagur Ramgoolam a été sujet de plusieurs critiques, mais il n’a été qu’une victime dans toute l’histoire. Il n’avait pas vraiment le choix. Grâce à lui, nous avons obtenu notre indépendance et, aujourd’hui, Maurice goutte à une nouvelle victoire. Je félicite le gouvernement pour cette bataille remportée. »

Lindsey Collen : « Une victoire fantastique »

« C’est une victoire sans aucun “mais…”. L’avis est bien éclairé et basé sur une rationalité. Lalit est content de voir que l’argumentation que nous avons avancée depuis 40 ans a été retenue par la Cour internationale de Justice. En mars 1981, Ragini Kistnasamy et d’autres femmes chagossiennes avaient été arrêtées lors d’une manifestation. À cette époque, les gens à Maurice ne réalisaient pas l’importance de cette lutte. C’est un triple crime sur les Chagossiens. Beaucoup vont dire que c’est simplement un avis consultatif, mais c’est bien plus. Beaucoup de personnes ont apporté leur contribution à cette cause et ont mené cette lutte avec conviction sans aucun intérêt personnel. Nous demandons au gouvernement d’enclencher les démarches afin d’emmener sans plus tarder une délégation sur le territoire chagossien. Il faudra aussi organiser l’industrie de la pêche dans ces eaux. »

Arvin Boolell (PTr) : « Le processus de décolonisation doit être complet »

« La Cour internationale de justice a dit à la Grande-Bretagne de “Lev pake ale” parce qu’elle a toujours violé les résolutions passées par les Nations unies. Le processus de décolonisation doit être complet. Les Britanniques ont agi de mauvaise foi lorsqu’ils ont créé le “British Indian Ocean Territory”. Ce jugement est bon pour Maurice politiquement et diplomatiquement, car il renforce notre demande légitime.

La communauté internationale a condamné avec force la Grande-Bretagne. Personne n’est contre une base militaire sur Diego Garcia. Mais nous voulons que notre souveraineté soit reconnue. Maurice doit être partie prenante de toute négociation. La Grande-Bretagne doit assumer ses responsabilités. Elle a désormais une obligation morale. Toute l’île Maurice sort gagnante de ce verdict de la Cour internationale, qui vient également rectifier les choses par rapport à ce qui a été dit sur sir Seewoosagur Ramgoolam qui avait, soi-disant, cédé Diego Garcia. »

Mgr Ian Ernest (évêque de Maurice) : « Cette déclaration juridique donne à la justice un visage humain »

« L’opinion de la Cour internationale de Justice concernant le territoire mauricien, et précisément au sujet de l’archipel des Chagos, vient justifier le long et persistant combat de la communauté chagossienne et l’engagement de la République de Maurice pour maintenir sa souveraineté sur cet archipel. Cette opinion se veut rassurante dans un monde où, trop souvent, les droits et la dignité de la personne sont bafoués. Malgré les manœuvres politiques et stratégiques, cette déclaration juridique donne à la justice un visage humain, qui vient préserver les acquis de tout un peuple. »

Hervé Lassémillante : « Une victoire de David sur Goliath »

« Hommage à la succession de gouvernements qui ont combattu pour que les Chagos reviennent à Maurice mais la palme d’or revient au gouvernement actuel, qui a eu raison de prendre les devants et de réclamer sa souveraineté sur les Chagos. Il ne faut pas oublier que c’est un jugement déclaratif, et non un jugement exécutoire, mais il a un pouvoir de persuasion et cela ajoute du poids dans l’action mauricienne et met du plomb dans l’aile du gouvernement britannique. On ne peut oublier de rendre hommage à sir Anerood Jugnauth, qui s’est déplacé pour représenter Maurice dans ce combat. Il n’y a pas d’appartenance politique qui compte. Le peuple mauricien sort grandi de cela alors que les Anglais en tireront des leçons et se retrouvent affaiblis. C’est une victoire de David sur Goliath, une mise à nu de l’Occident et de ses mensonges par un petit pays comme Maurice. Il faut aussi remercier nos alliés, principalement l’Afrique et l’Inde. »

Rosemond Saminaden : « Les Chagossiens toujours dans l’attente »

« Je suis très content que Maurice ait eu gain de cause devant la Cour internationale de Justice. C’est un grand événement pour le pays. Cependant, pour nous, les natifs des Chagos, la bataille n’est pas terminée. D’après ce que j’ai compris, il faudra maintenant négocier avec les Anglais et nous ne savons pas combien de temps cela prendra. C’est une très bonne chose que la cour ait reconnu la souveraineté de Maurice sur les Chagos, mais pour nous, Chagossiens, c’est le droit du retour qui est encore plus important. Le gouvernement a pris la bonne décision de porter l’affaire devant la CIJ. Il faut savoir comment les Anglais vont réagir, car il y a encore la base militaire sur Diego Garcia et ils touchent encore la location. Pour cela, ils ont sacrifié un peuple. Pour nous, justice sera faite quand nous retournerons dans nos îles. »

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