Divorce étatique

Le divorce entre la présidente de la République, d’une part, et le Premier ministre et son gouvernement, d’autre part, est désormais entamé avec l’annonce du Premier ministre qu’Ameenah Gurib-Fakim démissionnera de ses fonctions de présidente de la République après les célébrations de la fête nationale. Contre toute attente, le Garden Party traditionnel prévu au Réduit le 13 mars aura l’allure d’une cérémonie d’adieu pour celle qui avait pris ses fonctions avec faste le 5 juin 2015. Près de trois ans plus tard elle se retrouve esseulée, lâchée par tous ceux qui l’avaient porté à la plus haute fonction de l’État.

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On ne peut reprocher à Ameenah Gurib-Fakim de n’avoir pas représenté Maurice dignement partout où elle avait été appelée à le faire. Grâce à ses compétences professionnelles en matière scientifique et son dynamisme, elle a été sollicitée par les plus hautes instances mondiales, dont les Nations unies, pour coprésider par exemple le Comité international sur l’eau.

Finalement, une négligence aura suffi pour l’anéantir. Déjà, sa présence au sein du conseil d’administration du Planet Earth Institute, qui avait enregistré une antenne à Maurice, avait provoqué des remous à Maurice. L’utilisation de la “corporate card” émise sur les recommandations d’Alvaro Sobrinho a été un pas de trop. Cela s’est avéré être une erreur qui lui aura coûté très cher, mettant en péril tout ce qu’elle avait déjà accompli au niveau local et international.

Personne ne comprend la raison pour laquelle elle n’a pas eu le bon sens nécessaire pour se rendre compte qu’il n’était pas possible pour un chef d’état d’un pays comme Maurice d’utiliser une “corporate card” émise par une organisation étrangère d’autant plus que cette dernière est associée à une personnalité controversée dans le monde financier. Il coule de source que la possession d’une telle carte, surtout si le plafond autorisé atteint le million de roupies, exposerait n’importe qui à toutes sortes de tentations y compris à du shopping intempestif et à tous les risques susceptibles de le fragiliser et de créer une mauvaise perception même si l’intégrité et l’honnêteté de la personne concernée n’étaient pas mises en doute. Comme on le sait, « There is no free meal ». La situation aurait été tout autre si ses dépenses avaient été effectuées à partir de ses cartes de crédit personnelles.

Par conséquent, une des principales leçons à tirer au stade de cette affaire est que si l’on veut être digne de la première place qu’occupe le pays au niveau de l’indice de bonne gouvernance Mo Ibrahim depuis une dizaine d’années, il est urgent de s’assurer aujourd’hui que ni le président de la République ni le vice-président, ni le Premier ministre ni les ministres ni les juges, ni ceux qui occupent une position exécutive a la tête des compagnies d’État ou de corps para-étatiques n’utilisent des corporate cards autres que celles émises par la compagnie ou l’organisation pour laquelle ils travaillent. Espérons que les institutions concernées veillent au grain.

Maintenant qu’Ameenah Gurib-Fakim a accepté de soumettre sa démission, elle aurait dû reconnaître publiquement avoir fauté avant de soumettre sa lettre. Cela aurait été tout à son honneur et elle serait partie la tête haute en laissant derrière elle le souvenir d’une ambassadrice dans la promotion de l’éducation, de la science et de la technologie que ce soit au niveau local qu’international, particulièrement en Afrique.

Ameenah Gurib-Fakim partie, nous entrons maintenant dans une phase où toutes les spéculations politiques sont permises. Combien de temps encore les dirigeants du Muvman Liberater, à commencer par son leader, pourront-ils rester dans le gouvernement? Pravind Jugnauth se présente désormais comme l’homme fort du GM même si l’Opposition persiste à dire qu’il n’a pas l’étoffe nécessaire pour le faire. Il impose graduellement son style consistant à aller jusqu’au bout de son action après avoir pris le temps de la réflexion. Ce n’est pas Showkutally Soodhun ou Ravi Yerrigadoo ou encore Raouf Gulbul qui diront le contraire, et c’est maintenant à Ameenah Gurib-Fakim de le découvrir à ses dépens. Par ailleurs, les appels du pied de Sir Anerood Jugnauth en direction du MMM ne passent pas inaperçus même si on sait pertinemment bien qu’aucune alliance ne sera possible avant la dissolution du parlement.

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