DROITS HUMAINS – Le DPP remet les pendules à l’heure

Il va sans dire que suite au jugement rendu le 23 mai dernier radiant la charge provisoire « Perverting the course of justice » qui pesait sur Rama Valayden, désormais la force policière devrait impérativement revoir sa copie et être pourvue d’une assistance légale appropriée afin de pouvoir rehausser la qualité de ses enquêtes pénales tout en respectant les droits fondamentaux des citoyens prévus par la Constitution. En effet, la recommandation du DPP au commissaire de police « not to settle instantly into lodging provisional charges invariably in all cases but rather to seek prior legal advice from the DPP who is constitutionally mandated to decide in all criminal proceedings » contribuerait, dans une grande mesure, à combattre les abus de pouvoir, les arrestations arbitraires et les détentions illégales. Bref, la police doit se limiter à son rôle d’enquête et ne possédant pas sa propre expertise légale, n’est, en principe, pas habilité, à désigner formellement un accusé qui doit être poursuivi en justice et sous quelle charge, provisoire ou pas. Ainsi, l’avis légal du DPP demeure essentiel et ses prérogatives définies par la section 72(3) de la Constitution ne peuvent être empiétées par celles de la Police.

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Cette remise des pendules à l’heure par le nouveau DPP est vraiment salutaire dans la conjoncture actuelle d’autant qu’en l’absence d’un encadrement légal des services d’enquêtes, trop d’abus sont parfois perpétrés et notre système de justice ne prévoyant aucune forme de compensation, les préjudices subis par un suspect finalement acquitté ne pourraient jamais être réparés. Il existe certes la voie d’un procès au civil pour dommages et intérêts mais qu’en est-il des honoraires exorbitants, voire prohibitifs, que comportent les services d’un avoué et d’un avocat ? Pourquoi ne pas amalgamer ces deux services en un seul, ce dans l’unique objectif de lubrifier l’accès à la justice en réduisant les procédures, le temps et les coûts ? Mais qui oserait même prendre le taureau par les cornes au risque de subir les foudres d’un puissant lobby de vested interests ?

Par ailleurs, sans pour autant mettre en doute l’indépendance et l’impartialité de notre système judiciaire qui demeure, après tout, l’ultime rempart contre toutes formes de dérives et d’injustices, la demande de la mise en détention d’un suspect, au tout début d’une enquête pénale, ne doit pas passer comme une lettre à la poste mais doit toujours faire l’objet en Cour d’une évaluation convenable de toutes les circonstances entourant l’affaire car il est totalement imprudent de laisser au bon vouloir des enquêteurs, qui ne sont même pas experts en matière de droits constitutionnels, la décision de réclamer devant la justice la privation de liberté d’un individu. Car, si la police a le pouvoir d’arrêter un prévenu dans le cadre d’une « arrestable offence », sa détention, cependant, requiert l’autorisation de la Cour « without undue delay », selon la section 5(3) de la Constitution.

Ainsi, conformément au jugement rendu le 23 mai dernier, il est clair que lorsqu’une enquête pénale est enclenchée, dépendant du contexte de l’affaire, il n’est guère nécessaire ni de proférer systématiquement une accusation provisoire contre un suspect ni de le placer sous contrôle judiciaire. Or, combien de cas d’abus sont observés à ce niveau avec des charges provisoires qui durent parfois des mois, voire des années. Et qu’en est-il d’une enquête biaisée, menée de manière particulièrement subjective, pouvant influencer la décision du DPP et éventuellement, la justice avec toutes les conséquences que cela comporte sur les droits humains ?  Qui, au niveau de la police, peut attester qu’une enquête a été conduite en toute indépendance et impartialité tout en respectant toutes les dispositions légales concernées ? Et si, comme c’est parfois le cas, les enquêteurs démontrent peu d’intérêt ou traînent les pieds pour vérifier la version de l’accusé qui pourrait éventuellement le disculper …

D’autre part, lorsque l’enquête scientifique ne joue pas grand rôle, c’est le recours au moyen de la confession qui triomphe. Et il est connu que la grande majorité des affaires pénales présentées en Cour reposent justement sur des aveux arrachés parfois par des méthodes intimidantes, pour ne pas dire violentes, car il n’existe aucune autorité compétente et indépendante pouvant exercer une supervision a priori ou a posteriori sur les investigations. Qu’en est-il, à propos, de la mise sur pied d’une académie de formation pour la force policière, mesure phare faisant partie du manifeste électoral de l’Alliance Lepep de novembre 2014 et reprise par celui de l’Alliance Morisien d’octobre 2019 ? Les enquêteurs, possèdent-ils, par exemple, une compréhension même basique de la psychologie individuelle pouvant leur permettre de cerner le profil psychologique et émotionnel d’un accusé afin de déterminer son vrai état d’âme qui l’a poussé à commettre ou non un délit ?

Finalement, le jugement du 23 mai dernier remet sur le tapis la pertinence d’un système de Juge d’instruction ou d’une direction des enquêtes indépendantes dont le directeur pourrait être un magistrat nommé dans les mêmes conditions que les juges de la Cour suprême et les membres recrutés également parmi les magistrats jouissant d’une expérience de plusieurs années dans leurs fonctions. Ce qui permettrait d’éviter une répétition de l’affaire d’Outreau, synonyme d’un fiasco judiciaire associé au manque flagrant d’expérience d’un jeune Juge d’instruction – qui a d’ailleurs été sanctionné par le Conseil suprême de la magistrature – dans une affaire de pédophilie en France au début des années 2000.

                                                                                                                                               

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