GAMBLINGGATE : L’empire du bookmaker Lee Shim piégé à Londres

Malgré le Firewall en termes de communications et de conseils légaux érigé autour de lui, le promoteur de SMS Pariaz Ltd et de Sport Data Feed Ltd, Jean-Michel Lee Shim, a été impuissant de voir son empire du jeu piégé par les autorités britanniques. Depuis la semaine dernière, cet incontournable dans le monde du jeu, que ce soit pour les courses hippiques organisées par le Mauritius Turf Club ou les matches de football à l’étranger, est sous le coup du très grave délit de « Bribery of a Public Official by a UK Resident » aux termes de la Bribery Act UK de 2010. Outre ce délit allégué, l’Overseas Anti-Corruption Unit (OACU) de Londres a élargi l’enquête à d’éventuels délits de Money Laundering et de faux et usage de faux en vue de ses recommandations au Crown Prosecution Service pour des procès au pénal à Londres se déroulant devant les Crown Courts. Entre-temps, les échanges entre les responsables de l’OACU et ceux du Central CID se poursuivent pour apporter un complément aux dossiers à charge respectifs.
Très occupé à Londres à gérer ses opérations économiques allant de la publication de l’hebdomadaire Mauritius UK Weekly aux paris sur les courses à Maurice par le biais de SMS Pariaz (UK) Ltd et autres activités d’e-gambling, Jean-Michel Lee Shim ne s’attendait nullement à être rattrapé aussi vite par la justice suite à l’éclatement du GamblingGate à Maurice au début du mois dernier. En moins d’un mois, il a été inculpé pour au moins un premier délit de corruption par les autorités britanniques en attendant la confirmation d’autres délits de blanchiment de fonds et de faux et usage de faux.
En effet, s’appuyant sur les dispositions de la Bribery Act (UK) de 2010, l’OACU britannique, une des branches spécialisées du Serious Fraud Office, est rapidement passée à l’action. Le Website du Serious Fraud Office souligne que l’OACU est habilitée à intervenir dans des cas de corruption commis par des UK Residents ou entités incorporées en Grande-Bretagne même si les délits ont été commis hors du territoire britannique. Ce qui est, semble-t-il, le cas de Jean-Michel Lee Shim.
« We are the national reporting point for allegations of bribery of foreign public officials by British nationals or companies incorporated in the United Kingdom — even if the matter occurred overseas. Some of these allegations, where they involve serious or complex fraud and corruption, may fall to us to investigate. Some may be more appropriate for other agencies to investigate, such as the Overseas Anti-Corruption Unit of the City of London Police (OACU) », note le site web du Serious Fraud Office.
Sur la base des e-mails et messages électroniques sécurisés et saisis à partir du serveur Yahoo (US), les limiers de l’OACU ont établi un Prima Facie Case de corruption et de trafic d’influences contre Jean-Michel Lee Shim. La partie britannique a procédé à des échanges d’information en prenant contact avec le Central CID par l’entremise des services d’Interpol. Le calendrier de travail prévoit que le Crown Prosecution Service britannique pourrait instruire un procès devant la Crown Court au sujet de cet Indictable Offence contre le bookmaker mauricien à Londres dans un délai maximal de six mois.
À Maurice, les procédures judiciaires engagées par les autorités britanniques dans cette affaire sont analysées que ce soit au niveau du Central CID ou subséquemment de l’Office of the Director of Public Prosecutions (DPP) en vue de déterminer « the best course of action in terms of extradition ». Tout semble indiquer que dans l’immédiat, les autorités mauriciennes ne compteraient pas s’engager dans la voie rapide pour une éventuelle demande d’extradition vu la nature similaire du délit principal délit retenu contre Jean-Michel Lee Shim.
Toutefois, les responsables du Serious Fraud Office britannique envisagent également d’élargir le champ de l’enquête à d’autres opérations d’e-gaming menées par d’autres sociétés comme Compliance UK Ltd avec des représentations non seulement à Londres mais des hubs à Boston aux États-Unis, à Curaçao dans les Caraïbes ou encore à Amsterdam aux Pays-Bas, SMS Pariaz (UK) Ltd et la Mobile Gaming Co Ltd. Une des lignes d’engagements économiques, susceptibles d’attirer l’attention des autorités britanniques, concerne l’émission de cartes de crédits anonymes aux clients-parieurs de l’empire Lee Shim avec des transferts de gains vers des centres offshore. Cet aspect de l’enquête relève davantage de la loi contre le blanchiment des fonds.
D’autre part, l’Overseas Anti-Corruption Unit de la City of London Police (OACU) s’intéresse également aux relations entretenues entre David Foker, General Manager of Football Data Co, un organisme britannique assurant les quatre ligues de football professionnel en Grande-Bretagne, et Jean-Michel Lee Shim de Sport Data Feed Co Ltd. Techniquement, vu que l’In-Playing Betting n’est pas pratiqué à Maurice — des paris sur des matches de football pendant la durée des rencontres —, les changements systématiques des Odds n’ont aucune pertinence sur l’organisation des paris à Maurice.
Les trois sociétés, Stevenhills Ltd, Play On Line et ASL, qui contestent les injonctions réclamées par Sport Data Feed Co Ltd, avancent que les Fixtures de la ligue britannique ou encore les résultats des matches ne sont pas concernés par les droits d’auteurs (Copyrights) exigés par cette dernière société. Justifiant l’utilisation des Fixtures britanniques pour l’organisation des paris, elles s’appuient sur une déclaration de David Folker à l’effet que « following the European Court of Justice’s decision, the leagues did not have the rights in the fixture lists enabling them to charge licence fees for use of their fixture lists. We are not selling fixtures licences any longer. We can’t, we have no IP rights ».
Les autorités britanniques comptent procéder à une vérification des échanges de correspondances entre ces deux compagnies en marge des litiges portés devant la Cour suprême à Maurice. Les différents déplacements effectués à Maurice par David Folker pourraient également être passés au crible.
De son côté, l’avoué Preetam Chuttoo, qui a été entendu par le Central CID, mercredi après-midi, a fait publier un communiqué pour confirmer que « j’ai assisté l’Overseas Bribery and Corruption Department of the City of London et le Central CID à Maurice dans leurs enquêtes » et rejettent des plus catégoriquement des allégations de complot portées contre lui par Vikash Ramjit, Executive Chairman et Chief Executive de Sport Data Feed Ltd.
Pour sa part, Me Roshi Bhadain, dont les services ont été retenus par Paul Foo Kune, celui qui a déclenché le GamblingGate avec ses deux séries de 16 e-mails, s’était rendu au QG du Central CID en fin de semaine pour un Update des derniers développements de cette enquête. Il s’était rendu à Londres pour deux semaines.
Tout le GamblingGate relève d’une question de gros sous. Le business de Licensing des sociétés, organisant des paris sur des matches de football en Grande-Bretagne, soit 10 % du chiffre d’affaires annuel, devrait rapporter quelque Rs 50 millions à Sport Data Feed Ltd, soit un peu plus de £ 1 million, selon des spécialistes de la question.

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