La motion de censure contre Phokeer en deux temps

Les débats sur la motion de censure logée par le leader de l’opposition, Arvin Boolell, contre le Speaker de l’Assemblée nationale, Sooroojdev Phokeer, devront reprendre techniquement mardi prochain, soit en deux temps. Pas moins d’une trentaine d’intervenants, dont le Premier ministre, Pravind Jugnauth. Pour les débats de mardi soir, Alan Ganoo, ministre du Transport, a été un des rares Senior Ministers à intervenir, puisqu’il s’était vu confier la responsabilité de répondre au discours du leader de l’opposition.
De par ses prises de position en faveur du Speaker, Alan Ganoo s’est transformé en cible privilégiée de l’opposition. Ainsi, le président du parti Travailliste n’a pas fait dans les détails pour répondre au ministre en allant jusqu’à ironiser sur un « Point of Order fait conjointement » devant une intervention de la Private Parliamentary Secretary, Tania Diolle, en vue de recadrer les débats. De leur côté, ses anciens camarades du MMM, ne sont pas restés sur la touche avec le leader, Paul Bérenger, lançant à son égard : « kan pouri, pouri bien mem sa! »

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Patrick Assirvaden : « Le pays témoigne de l’acharnement
du Speaker contre l’opposition »

Pour le président du parti Travailliste et député de La Caverne/Phoenix (No 15), Patrick Assirvaden, cette motion de No Confidence contre le Speaker de l’Assemblée nationale; Sooroojdev Phokeer est extrêmement importante car la situation est grave. Lors de son intervention, il n’a pas ménagé le Senior Minister, Alan Ganoo, monté en première ligne lors des débats à l’Assemblée nationale dans la nuit de mardi à mercredi.
« Si nous en sommes là ce n’est pas par gaieté de cœur. L’ile Maurice est témoin d’un acharnement du Speaker envers l’opposition. Il y a eu obstruction à notre travail de parlementaire, obstruction à la parole des députés de l’opposition qui est une fonction du parlement », soutient le député travailliste. Selon lui, le Speaker ne parle pas, il hurle et menace. Et d’égratigner par là même le ministre Alan Ganoo, qui aurait la « mémoire courte », laisse-t-il entendre.
« En juillet 2018 il est expulsé par l’ancienne Speaker Maya Hanoomanjee. Il oublie que lui-même il avait refusé de quitter l’hémicycle. L’histoire a voulu que ce soit l’honorable Collendavelloo qui présenta une motion without notice pour le suspendre des travaux parlementaires », a rappelé Patrick Assirvaden, qui a dû faire face à des interruptions par voie de Point of Orders du tandem Tania Diolle-Alan Ganoo. Il dit aussi prendre en compte que le Speaker de l’Assemblée nationale a récemment refusé une Private Notice Question du leader de l’opposition « sans donner de raisons valables comme un Goalkeeper du gouvernement ».
Patrick Assirvaden est aussi revenu sur l’expulsion des membres de l’opposition du Parlement après avoir symboliquement montré leur désaccord à l’effet qu’Ivan Collendavelloo était toujours en poste. « Ce jour-là quand on a demandé à l’ancien DPM de démissionner après qu’on a quitté l’hémicycle, le Speaker nous a expulsés pour toute la journée, nous privant de tout l’exercice du Committee of Supply. Il a été unfair envers nous », a-t-il affirmé. « Les élus ont été privés de leurs droits avec la bénédiction du Speaker. »
Et de déplorer le fameux épisode du ministre Bobby Hurreeram tenant des propos dégradants à l’encontre du député Shakeel Mohamed au milieu de l’hémicycle. « Le Speaker est là. Il ne voit rien. Il n’entend rien. Je me suis posé une question si le Speaker n’a pas un problème du côté gauche… Parce que tout le monde avait vu et entendu. Il a fallu les protestations des membres de l’opposition pour que le ministre Hurreeram présente ses excuses ».
Pour lui, le Speaker Phokeer a un problème de crédibilité en raison de son « parti pris en faveur du gouvernement dans de nombreuses circonstances ». Cette motion de blâme est une opportunité pour le Speaker de se ressaisir et de faire amende honorable, avance Patrick Assirvaden.


Sandra Mayotte : « Nous avons des rois du Walk-Out… »

La backbencher de la majorité Sandra Mayotte a laissé entendre lors de son intervention dans le cadre de la motion contre le Speaker qu’elle préfère « des rois du Moon Walk au lieu des rois du Walk-Out de l’Assemblée nationale ». Selon elle la provocation parlementaire n’est qu’un jeu pour les élus qui siègent au Parlement depuis plusieurs années. « Au lieu d’être un exemple pour la jeune génération de parlementaires, ils sont maintenant de véritables références d’irrespect et de vulgarité », a estimé la députée du No 14 (Savanne/Rivière-Noire). Elle a qualifié cette situation de pathétique. Sandra Mayotte a affirmé que le Speaker ne fait qu’établir l’ordre et la discipline au sein de l’hémicycle. « Un Président qui ramène un député à l’ordre. Le député à son tour le défie et persiste. Le Speaker tente de le ramener à l’ordre une deuxième fois. Mais, le député persiste et est Ordered Out. Que font ses collègues de l’opposition ? Rester et travailler pour ceux qui les ont élus ? Non. Il est évident que c’est la solidarité entre les membres de l’opposition qui prime et non l’intérêt du pays car tout le monde suit celui qui a été expulsé », a-t-elle affirmé.
Sandra Mayotte est d’avis qu’être dans l’opposition peut facilement susciter une certaine frustration par la position adoptée par le Speaker durant les travaux. « Maintenir la discipline et l’ordre dans cette Assemblée n’est pas une tâche facile. J’ai remarqué que de nombreux députés pensent que pour faire valoir un point, ils doivent élever leur voix plus haut que celle du Speaker. Ce dernier doit alors monter plus haut dans ses aigus pour se faire entendre. Il devient alors le Loudspeaker pour les membres de l’opposition », a soutenu Sandra Mayotte. La députée prend toutefois le soin de ne pas mettre tous les députés de la minorité dans le même panier.  « Je ne dis pas que tous les membres de l’opposition sont comme ça. Mais nous savons qui ils sont et le genre d’insultes et de remarques qu’ils font », a-t-elle ajouté.


Soodesh Callichurn : « Stratagème politique pour masquer la faiblesse »

Pour le ministre du Travail, Soodesh Callichurn, cette motion contre le Speaker Phokeer serait un « stratagème politique réfléchi auquel l’opposition a recours pour masquer la faiblesse de ses stratégies politiques ratées ». Selon lui, le moment choisi pour cette motion de “No Confidence” est voulu et est destiné « à répondre exclusivement aux opportunités politiques de l’opposition ». Le ministre s’est demandé si l’opposition respecte vraiment le poste constitutionnel du Speaker. « La réponse est non. Car s’ils avaient vraiment prêché ce qu’ils disent, ils ne seraient pas restés assis chaque fois que le Speaker est entré dans l’hémicycle depuis ces trois dernières séances. Le respect se gagne lorsque vous apprenez à respecter les autres aussi », a soutenu le ministre Callichurn.
Il a trouvé aussi « qu’il y a quelque chose d’assez étrange » autour de cette motion du leader de l’opposition Arvin Boolell. « Cela ne fait que quelques mois que le Speaker a pris ses fonctions. Le moment choisi pour cette motion semble donc très suspect. En si peu de temps, les députés de l’autre côté de la Chambre semblent avoir fait une appréciation définitive et permanente de la présidence », a-t-il avancé. Pour lui, la motion d’aujourd’hui « est partiale et est fondée sur des prétextes ». Le ministre a affirmé qu’il est malheureux qu’à de nombreuses reprises, la population ait eu la chance de voir le comportement de certains députés de l’opposition à l’égard de la présidence – manifestant une résistance ouverte, bafouant les décisions du Speaker alors que ce dernier tentait de réinstaurer l’ordre au sein de l’hémicycle. Selon lui, certains dans la minorité parlementaire font souvent de la résistance et sont loin d’être intimidés par le Speaker Phokeer. « Élever la voix et crier est désormais une caractéristique courante pour certains au sein de cet hémicycle » a soutenu Soodesh Callichurn.
Le ministre du Travail est d’avis qu’il est regrettable que le comportement de certains membres de l’opposition ait davantage tendance à entraîner le Speaker « dans des situations inutiles comme en le surnommant et en utilisant des mots ou des expressions non parlementaires ». Pour lui, Arvin Boolell aurait très bien pu prendre l’initiative de se réunir et discuter des questions relatives à la conduite des travaux parlementaires au bureau du Speaker Phokeer aussi souvent que nécessaire. « Les choses auraient pu être réglées de manière plus simple que cette motion » a-t-il conclu.


Teenah Jutton : « Certains se croient toujours en campagne électorale »

La Parliamentary Private Secretary Teenah Jutton a laissé entendre dans le cadre de son intervention sur la motion contre le Speaker Sooroojdev Phokeer que certains au sein de l’opposition parlementaire se croient toujours en campagne électorale. « Que devrait faire le Speaker lorsqu’un député essaie de transformer cette Chambre en une plate-forme pour un discours politique non pertinent ? Alimentés par les seniors qui voient les élections générales se dérouler tous les jours, les juniors ne sont pas à blâmer », a-t-elle affirmé. Selon elle, le Speaker « n’a pas toléré les comportements jugés inacceptables » et a affirmé son autorité contre ceux qui ne respectent pas les Standing Orders. « S’attendent-ils à ce que le Président tolère un tel comportement ? S’attendent-ils à ce que le Président permette que nous perdions le temps de cette Assemblée ? S’attendent-ils à ce que le Président accepte leurs caprices ? Bien sûr que non ! » a-t-elle souligné. Selon elle, l’opposition parlementaire n’a pas encore digéré « le choc du vote de “No Confidence” de la population aux élections de 2014 et de 2019 ». Elle a trouvé dommage de voir l’opposition tenter de cacher son indiscipline derrière cette motion contre le Speaker.
« Présenter une telle motion force à se demander si cette motion a pour but de cacher l’indiscipline pure et simple et la mauvaise conduite de certains. Ils jouissent du privilège de la liberté d’expression, mais regardez comment ils se comportent », a ajouté la PPS Jutton. Elle est d’avis que l’opposition répète la même stratégie adoptée contre l’ancienne Speaker Maya Hanoomanjee.
Teenah Jutton a soutenu que Sooroojdev Phokeer essaie sans relâche de maintenir l’ordre dans l‘hémicycle et ainsi de maintenir le décorum. Elle a déploré que certains l’accusent bien malgré tout de parti pris. « Je crois que certains membres tentent délibérément de provoquer et d’induire le Parlement en erreur ou encore de faire un show », a déclaré la PPS.


Patrice Armance : « Le Speaker fait le jeu du gouvernement »

Le député du PMSD, Patrice Armance, estime que le Speaker Sooroojdev Phokeer a en plusieurs occasions « fait le jeu du gouvernement ». Il a, lors de son intervention sur la motion déposée par le leader de l’opposition Arvin Boolell contre le Speaker, affirmé que Sooroojdev Phokeer manquait à l’appel, soit sur cinq points fondamentaux pour la démocratie parlementaire : « impartiality, above party politics, fairness, democracy and dignity ». Il a, dans la foulée, condamné le fait que le Speaker ait privé son collègue de parti, Kushal Lobine, d’intervenir mardi à l’Assemblée nationale. « Nous ne pouvons pas contester le choix des orateurs appelés au débat par le Speaker mais pourtant c’est une question d’équité envers un membre élu de l’Assemblée nationale qui essaie de remplir son devoir de député en apportant sa contribution. Mais après ce qu’on a vu dans le cas de Kushal Lobine, notre manque de confiance par rapport à l’action et la réaction du Speaker a augmenté », a laissé entendre le député bleu. Il a déploré que Sooroojdev Phokeer « applique une politique de deux poids, deux mesures au sein de l’hémicycle » en prenant comme exemple le fait que ce dernier avait précédemment interrompu Xavier-Luc Duval pour n’avoir pas mis son masque comme il le fallait alors que l’ancien Deputy Prime Minister Ivan Collendavelloo avait été toléré même si ce dernier n’avait pas porté son masque de manière convenable. « Je ne saurais comment classifier l’action du Speaker, qui applique des lois et sanctions à l’égard de l’opposition mais quand cela concerne les membres de l’autre côté de la Chambre, c’est silence total », a affirmé Patrice Armance.
« Nous sommes des membres élus de ce Parlement, nous ne sommes pas tenus d’écouter aveuglément le Loudspeaker nous criant dessus. Comment expliquez-vous qu’il a délibérément fermé le bureau du chef de l’opposition et du président du PAC, les empêchant d’accéder aux bureaux et de travailler ? Quelles peuvent être les raisons de ses actions ? » s’est demandé le député Armance. Pour lui, le rôle du Président est de défendre le principe de séparation des pouvoirs. Et de conclure que cette motion contre le Speaker a pour but de préserver la dignité de l’Assemblée nationale en rappelant à Sooroojdev Phokeer les paramètres dans lesquels il doit évoluer.

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