Repenser le monde

Face aux grands défis du siècle, il nous revient comme responsabilité de rétablir un « certain ordre » dans tout ce capharnaüm généré par l’homme, et ce, principalement depuis l’avènement de l’ère préindustrielle. Certes, l’on pourrait une fois encore commencer par évoquer la question climatique, qui nous promet des heures sombres, mais l’on pourrait tout autant s’attarder sur autant d’autres dangers et vecteurs de menaces aux origines anthropiques. Aussi, avant de s’attaquer à ce(s) problème(s) est-il primordial tout d’abord d’en examiner les causes. C’est ce que nous avons fait dans ces mêmes colonnes tout au long de ces dernières années, avec une réponse claire comme de l’eau de roche : si le monde « va mal », c’est parce que nous n’aurons jamais eu de cesse de l’exploiter.

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Cette question n’est cependant pas nouvelle ; elle a même toujours été d’actualité – du moins depuis l’apparition des premiers hommes, il y a sept millions d’années à peu près. À la différence que ces derniers n’auront jamais fait, à cette lointaine époque, qu’exploiter leur proche environnement, et n’auront pas plus cherché à en faire commerce. Jusqu’à ce que leurs descendants n’instaurent un ordre basé sur « l’économie ». Pour autant, cette notion ne portait en rien, au début du moins, les germes d’un système nuisible, et encore moins capable de précipiter le monde vers le destin funeste que l’on lui promet aujourd’hui. Pour cela, il aura fallu attendre le XVIIe siècle, qui aura vu la naissance de l’économie moderne.

Avec l’ère préindustrielle, que l’on situe entre 1750 et 1850, le mercantilisme aura pris une nouvelle direction, et très rapidement aussi, une tout autre dimension. Dès lors, il était décidé que, plus que jamais, et aidé en cela par un boum technique et technologique, l’homme pourrait s’affranchir de tout ce qui, jusque-là, constituait des obstacles à son développement, et parallèlement à son expansion. Et c’est ce qu’il fera, quitte à dépasser toutes les limites. À cet ingénieux concept, l’on donnera le joyeux nom de « croissance » ; terme renvoyant à l’image enjolivée d’une société où plus personne (parmi les populations dites « développées », cela va de soi) ne manquerait de rien. Avec une espérance de vie plus longue et une vie plus confortable. Bref, la promesse de cette fameuse prospérité que l’on se souhaite tous de nos jours à la moindre occasion.

Dans l’ensemble, l’on pourrait dire que le pari aura été réussi. C’est ainsi qu’avec l’amélioration de la qualité de vie et un système de santé toujours plus efficace, l’on aura assisté à une véritable explosion démographique. À un point tel que la croissance économique couplée à la croissance de la population mondiale auront bousculé les idées reçues, et dans le même temps les vieilles croyances d’un développement éternel.

Entraînant dans leur sillage un nombre incalculable de problèmes sous-jacents, dérèglement climatique en tête. Comment imaginer en effet qu’il pourrait en être autrement avec huit milliards d’individus à nourrir, et que le système se doit de pourvoir en eau et en électricité, entre autres choses, alors que la population mondiale était encore dix fois moindre il y a à peine 250 ans ?

Dès lors que la source de nos principales tracasseries du moment aura été identifiée, le bon sens aurait bien entendu été que nous consacrions toute notre énergie à trouver un « système de remplacement ». Mais il n’en aura rien été. Au lieu de cela, notre seule volonté est de renforcer notre mode de fonctionnement sociétal sans en changer les fondations. Notamment en lui conférant le « vert » qu’il se doit, mais sans pour autant dépasser les limites du soutenable, puisqu’il convient avant tout, croyons-nous, de conserver intact notre système capitaliste.

Cette erreur (car s’en est une) risque pourtant de nous coûter cher. Elle est même totalement contre nature. Après tout, le vivant, quel qu’il soit, n’a jamais été dicté que par une seule loi : celui du maintien de sa place dans l’écosystème, ou encore, dit autrement, sa survie. À ce titre, l’être humain, malgré toute sa débrouillardise et son intelligence, apparaît comme une « anomalie », en ce sens que bien que sachant prendre la direction de l’abîme, rien ne semble vouloir l’en écarter. Un constat d’autant plus affligeant que repenser le monde est à notre portée, pour peu que l’on veuille sauver ce qui peut encore l’être.

 

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