XLD : « Après une année, je remets le poste de leader de l’opposition sur la table »

Le leader du PMSD, Xavier-Luc Duval, confirme qu’il remet le poste de leader de l’opposition sur la table. Il estime qu’une vraie collaboration entre les partis de l’opposition passe par une répartition équitable des responsabilités à un retour de la situation qui prévalait après les élections générales du 7 novembre 2019. Par conséquent, le leader des Bleus propose que le poste de leader de l’opposition revienne au Parti travailliste, celui de Whip au MMM alors que le président du Public Accounts Committee devrait aller au PMSD. Il préconise également un élargissement de l’autonomie à Rodrigues.  « L’expérience nous permet aujourd’hui de dire que cette autonomie comprend des failles importantes », note-t-il. Il ajoute que c’est de bonne foi qu’il a souhaité qu’il y ait une unité au sein de l’opposition.

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La rentrée politique cette année est dominée par les débats autour de l’unité des partis de l’opposition. Comment se présente la situation ?

Nous avons terminé l’année sur les chapeaux de roues, principalement au Parlement, parce que nous n’avons pu être sur le terrain. Malgré les divergences au début de 2021, les partis de l’opposition parlementaire ont travaillé très bien ensemble dans le courant de l’année. Il n’y a eu aucune voix discordante entre nous dans le respect des spécificités de chacun.
De nombreuses choses ont été soulevées par l’opposition. Nous avons commencé l’année 2022 avec la proposition que j’ai mise sur la table. Comme je l’avais dit dès le départ, j’occuperai le poste de leader de l’opposition que pendant quelque temps. Après une année, je remets celui-ci sur la table.
Nous voulons cependant qu’il y ait une vraie collaboration au sein de l’opposition à l’Assemblée nationale, tout comme nous l’aurions fait si nous étions au gouvernement. Nous proposons que le poste de leader de l’opposition aille au Parti travailliste, il n’y a aucun problème. Le deuxième parti de l’opposition est le MMM; que celui-ci prenne le Whip, et le PMSD le poste de président du PAC.

Je sais que le PTr réclame aussi bien le poste de leader de l’opposition que celui du Whip mais il faudrait qu’il accepte de faire la part des choses. Nous discutons également du modus operandi pour les élections municipales. La nécessité d’une liste commune pour cette joute électorale est aussi envisagée.

Vous avez la tâche ingrate de modérateur, entre les forces en présence et pas les moindres dans l’opposition…



J’ai toujours été un rassembleur et j’ai jusqu’ici réussi à œuvrer en bon entendement avec tout le monde. J’ai été ministre des Finances durant trois ans au sein du gouvernement travailliste où j’étais le seul député PMSD. Sik Yuen était déjà parti. J’ai travaillé en coopération avec tous ces ministres sans aucun problème. Donc, j’ai l’habitude d’opérer avec les Travaillistes et nous travaillons très bien avec le MMM. Il n’y a eu aucun problème pour gérer la situation jusqu’ici.

Le leader du MMM Paul Bérenger a insisté la semaine dernière sur l’unité de l’opposition mais pas sans condition. « Nothing is agreed until everything is agreed », a-t-il dit.Comment avez-vous accueilli cette remarque ?



Il m’est difficile de commenter ces remarques. Le moins que nous parlons de l’alliance en public le mieux c’est afin de ne froisser ou brusquer personne.



Avez-vous démissionné en tant que leader de l’opposition ?



Non. C’est sur la table et les conditions sont là. Maintenant nous attendons un retour formel du PTr avant la reprise des travaux parlementaires dans deux mois.



Que retenez-vous de votre expérience comme leader de l’opposition durant l’année écoulée ?



C’est la deuxième fois que j’occupe le poste de leader de l’opposition. Je savais à quoi m’attendre. Si les Mauriciens sont satisfaits je le suis également.  Aujourd’hui, il est difficile de travailler à l’intérieur du Parlement pour des raisons que nous connaissons.

Toutefois, le leader de l’opposition a une certaine prérogative que nul ne peut ignorer pour interdire. Il est habilité à poser des Private Notice Questions. J’ai essayé par le biais des PNQs de faire émerger toute une série de choses importantes pour le pays. Il a été question de Covid, de magouilles, d’éducation, de la Mauritius Investment Corporation Ltd et de plein d’autres choses.



Face au Speaker et à l’adversité de la majorité, vous avez réussi à tirer votre épingle du jeu. Est-ce que cela a été difficile de vous maîtriser et de faire des concessions ?



Pour moi, l’important était de pouvoir poser mes questions et de faire en sorte que la vérité émerge. J’étais sûr de mes points et de mes informations. J’ai été bloqué à maintes reprises. Les ministres ont essayé de tergiverser et de répondre à côté, etc, l’important pour moi est de faire avec les contraintes.

Étant certain de mes informations, je pouvais également venir avec des points de presse après le Parlement afin d’exposer la vérité. Je n’ai pas fait que parler sous l’immunité parlementaire. Je n’ai pas hésité à parler en dehors du Parlement parce que j’étais certain d’avoir raison que ce soit concernant le Molnupiravir ou encore la Mauritius Investment Corporation Limited (MIC). La PNQ était donc à deux volets

Êtes-vous satisfaits des résultats obtenus ?



Ce n’est pas à moi de le dire. Je suis conscient que lorsque nous assumons une responsabilité pour laquelle nous sommes rémunérés, il faut accomplir le travail rigoureusement.

Votre avant-dernière question a donné lieu à une enquête, qui est en cours…



Il n’y a pas eu que le Molnupiravir, il y a eu aussi les questions sur le lait et sur l’éducation. Au sujet du lait, je sais que les discussions se poursuivent parce que j’avais dit la vérité. À propos de l’éducation, les discussions entre le ministère et les parties prenantes ont repris. Beaucoup de choses ont fait mouche. Même si au Parlement ils affichent l’indifférence je sais qu’après ils prennent les problèmes en compte et ils agissent.

Sentez-vous que le poste de leader de l’opposition est une institution ayant le respect qu’il mérite ?

Nous faisons avec. Il faut se respecter en tenant compte des contraintes qui existent. Il n’y a pas d’autres choix. Nous ne pouvons aller vers le judiciaire parce que c’est la séparation des pouvoirs. Nous ne pouvons nous faire renvoyer toutes les cinq minutes.

L’objectif consistait à poser des questions et d’atteindre les objectifs que je me suis fixés les mardis. Le problème est lorsque nous abordons des sujets comme le Balance Sheet de la Banque de Maurice, les gens peut-être ne comprennent pas. De même lorsque je parle des problèmes des écoles privées, le commun des mortels ne comprend pas nécessairement tout ce que nous disons. La Private Notice Question est un outil très puissant pour arriver à découvrir certaines vérités et à changer le cours de l’histoire.

Le Covid-19 a été un sujet récurrent dans le cadre de vos PNQs. Quelle en est votre évaluation aujourd’hui ?

J’ai tenu à poser des questions tant qu’il y avait le pic et je sentais que les choses allaient mal. Le public attendait qu’il y ait le PNQ pour avoir les vrais chiffres. C’est la raison pour laquelle je suis arrivé avec ma PNQ pour savoir quelle était la situation concernant les décès.
Toute la communication du gouvernement est basée sur la désinformation, le mensonge et les contre-vérités.  J’ai toujours voulu faire sortir la vérité parce que c’est en connaissant la vérité que les gens prennent des précautions.  Heureusement que l’Omicron n’a pas eu cet effet dévastateur provoqué dans d’autres pays. 

Êtes-vous satisfait de la campagne vaccinale?

Nous avons reçu des vaccins qui sont très chers. Sinopharm a coûté 17 dollars (Rs 730) la dose. Mais c’était le moins efficace. Ils ont rectifié le tir avec Pfizer et Janssen. Tant mieux. Maintenant, il y a des médicaments qui arrivent qui vont nous aider à combattre la pandémie.



Les autorités ont annoncé qu’il y aurait d’autres développements dans l’enquête de l’ICAC dans le cadre de l’affaire Molnupiravir. Le croyez-vous?



Si je devais prédire un quelconque développement en tenant compte du Track Record de l’ICAC, je dirais qu’il n’y a aucun espoir. Comme je l’ai démontré dans ma PNQ, il est clair qu’il y a eu l’autorisation d’importer une quantité plus importante à CPN Distributors qu’à d’autres afin qu’elle dispose d’un stock.
La compagnie a commandé et a gardé le médicament pendant une dizaine de jours sans demander la permission de le mettre sur le marché. Ce n’est pas normal. CPN Distributors Ltd savait très bien que ce stock serait acheté par le ministère de la Santé. Le ministère donne des permis d’importation et sait exactement quel était le stock disponible à Maurice.

Après un certain temps, ils inventent cette pénurie alors que ce qu’ils ont commandé à bon marché est attendu dans quelques jours. Néanmoins, ils passent une commande d’un million de comprimés, par le biais d’un Emergency Procurement, dans le but d’éponger le stock de CPN Distributors Ltd. Il y a à mon avis une connivence car cela ne peut se faire sans l’accord de principe du ministre.
Le niveau de corruption révélé par l’affaire Kistnen est sans précédent. De la même manière, le niveau de corruption dans le trafic de Molnupiravir, c’est du jamais-vu. En gros, la corruption est devenue une culture à Maurice. Le premier réflexe. Mais il n’y a pas que cela qui bloque le pays. Il y a l’incompétence, la lenteur administrative, les tracasseries administratives. Je peux vous dire que je connais des gens qui commencent à quitter le pays.

Que proposez-vous pour résoudre ce problème aigu ?



J’ai été ministre, député et aujourd’hui leader de l’opposition. Je pense que chaque personne doit assumer ses responsabilités. Que nous soyons conducteur d’autobus, Premier ministre, chef de l’opposition, responsable de l’ICAC, nous devons assumer nos responsabilités. Si nous avions the right person in the right place, 90% des problèmes de Maurice auraient été réglés. Nous avons des People Problems , c’est-à-dire des gens qui sont peut-être de bonne volonté mais qui n’ont pas la compétence.

Il y a aussi des gens de mauvaise foi qui sont nommés. D’autres sont nommés pour faire plaisir. Nous n’avons pas les compétences nécessaires que ce soit en politique ou à la tête des institutions publiques. La façon dont le président de la République procède pour les nominations est inacceptable. L’autre jour, il m’a proposé des noms. J’étais en train de demander des informations. Il n’a même pas attendu ma réponse et a procédé aux nominations. C’est cela qu’il appelle consultation avec le leader de l’opposition…



Avec les débats sur la pétition électorale pour la circonscription No 19, le principe de Recount des voix obtenues par Ivan Collendavelloo et Jenny Adebiro a été reconnu. Comment cette affaire vous interpelle ?

Il faudra revoir les procédures qui laissent à désirer. Pourquoi des objections lorsque l’opposition demande un Recount et lorsque nous savons que les procédures ne sont pas parfaites ? Si nous dépensons autant d’argent pour organiser les élections pourquoi refuser un Recount qui durera trois heures. Lorsque mon père (Gaëtan Duval) avait contesté l’élection de Romricky Ramsamy, en neuf mois il a eu un jugement de la Cour et une partielle. Actuellement, nous dépassons deux ans pour avoir un jugement.

Quid du vote électronique ?

Le vote électronique est extrêmement dangereux et inacceptable. Il peut y avoir des failles, des bugs délibérément installés. Si nous ne sommes pas sûrs d’avoir bien compté, pourquoi ne pas accorder un Recount aux frais du demandeur. Si nous avions une Electoral Supervisory Commission (ESC) digne de ce nom, nous aurions eu des élections dignes de ce nom. Je suis bien fâché contre le président de la République (Pradeep Roopun), qui a procédé à des nominations en dépit de nos protestations.



La BOM a annoncé cette semaine une hausse de ses réserves. Qu’en pensez-vous ?

Les réserves sont un compte que la Banque de Maurice a en devises. Si une personne emprunte de l’argent et le verse sur son compte bancaire, son compte augmente ; cela ne veut pas dire que la personne est plus riche. Au contraire, elle a plus d’intérêts à payer.
Si les réserves de la BOM augmentent, cela veut dire que celle-ci a emprunté. En plus de cela, les intérêts à rembourser augmenteront. C’est vraiment stupide de se targuer que les réserves s’accroissent dans de telles circonstances.




Pourquoi cet intérêt du PMSD pour Rodrigues ?

Rodrigues n’est pas que la carte postale. Les Mauriciens profitent des prix abordables des chambres pour s’y rendre, on achète des achards et des produits artisanaux. Mais il ne faut pas oublier que Rodrigues est une île où vivent 40 000 habitants sans compter les quelque 40 000 qui sont à Maurice, dont un bon nombre se retrouvent dans des conditions horribles parce qu’ils ne peuvent pas être chez eux.
Il faut également savoir qu’à part certains, la majorité des Rodriguais vivent dans une situation précaire. L’île est d’ailleurs la région la plus pauvre de Maurice. Elle souffre d’un manque aigu d’eau. Certaines régions de l’île ont de l’eau une fois tous les 30 jours. L’île est donc dans le besoin.

Si nous aimons les Rodriguais, il faut donc les aider.  Pourquoi leur tourner le dos en leur disant : « Débrouillez-vous par vous-mêmes ». Je ne comprends pas cela. Nous aimons les Rodriguais. J’y suis allé régulièrement depuis très jeune avec mon papa. Il faut les aider. Le PMSD-Rodrigues est un parti enregistré à Rodrigues avec son secrétaire général et son président.

Nous lui avons simplement donné la permission de se servir de notre symbole et du nom du PMSD. C’est un parti autonome. Ses dirigeants font ce qu’ils veulent. Nous avons simplement donné des facilités à des gens que nous aimons, que nous pensons capables et en qui nous faisons confiance. C’est vrai que j’ai écrit une lettre pour inviter les partis de l’opposition à s’unir. C’est une lettre que j’ai écrite en toute bonne foi dans l’intention de réconcilier tout le monde.

Rodrigues célèbre cette année ses 20 ans d’autonomie. Quel regard jetez-vous sur l’île Rodrigues autonome ?

L’autonomie a été une très bonne chose. L’expérience nous permet aujourd’hui de dire que cette autonomie comprend des failles importantes. Je souhaite une autonomie plus étendue de l’île.
Il faut savoir que Rodrigues n’a aucune autonomie financière. L’île n’a pas de revenus fiscaux. Même s’il y en a, c’est infime. Je parle en connaissance de cause. J’ai été ministre des Finances. Chaque détail du budget doit être approuvé par le ministère. L’île est traitée comme une municipalité. On aurait dû leur donner un budget total et les laisser se débrouiller pour les détails.

Donc, Rodrigues n’a pas d’autonomie financière et n’a pas d’autonomie économique. Elle est totalement dépendante de Maurice. Je constate d’ailleurs que c’est Joe Lesjongard qui a annoncé qui sera le prochain chef commissaire éventuel en cas de victoire de l’OPR aux élections régionales. Une faute lourde !
Le système autonome dans lequel on confère tous les pouvoirs à un chef commissaire est une grosse erreur.  À Maurice, le gouvernement n’est pas le principal employeur. Il est propriétaire d’une petite partie des terres. Malgré cela on parle de dictature.

À Rodrigues, qui est beaucoup plus petite, c’est le chef commissaire et ses acolytes qui décident qui a droit à un logement à travers la terre; qui a droit à un permis d’opération et qui a droit à un job.

Ces responsabilités doivent être confiées à des institutions indépendantes afin que les Rodriguais ne vivent pas dans une peur constante d’exprimer leur opinion. Pour un Rodriguais, le chef commissaire est son employeur, celui qui lui donnera un permis et son propriétaire. Ce n’est pas normal. On n’a pas le droit de donner autant de pouvoirs à une administration sur son propre peuple.

Faudrait-il changer de système ?



Bien sûr ! Si on peut revoir la Constitution à Maurice il doit pouvoir revoir le système à Rodrigues également car tout ce que je dis est vérifiable. Je préconise donc un élargissement de l’autonomie. Rodrigues devrait pouvoir accéder à une ligne maritime directe.

L’industrie touristique devra être revue. Pendant des années les arrivées touristiques ont stagné autour de 20 000. Le problème est que l’on subventionne l’accès aérien que pour les Mauriciens. Or, les étrangers dépensent deux fois plus que les Mauriciens ; alors pourquoi ne pas étendre les subventions aux étrangers?

Prenons la question de l’éducation. Si quelqu’un réussit à ses examens aujourd’hui, il sera un employé productif pendant au moins 40 ans. Aujourd’hui, on note une régression importante dans le taux de réussite des examens de SC ou HSC. Oublions l’année 2021 marquée par le Covid. Voyons 2019 et 2020 ! Cela veut dire que c’est l’économie rodriguaise pour les 50 ans prochaines années que nous sommes en train d’affecter et d’hypothéquer.

L’île risque de ne pas avoir les ingénieurs, les médecins qu’il faut. Maintenant on demande aux gens de retourner à la terre mais il n’y a pas d’eau. Est-ce que pendant 50 ans pour une population de 40 000 personnes, nous ne pouvons pas régler le problème de l’eau? La solution à ce problème doit être une priorité pour l’administration rodriguaise. Tout le développement économique en dépend.
Plein de choses peuvent être faites pour que les Rodriguais retrouvent la sérénité. Il y a de nombreux Rodriguais intelligents. Nous sommes là pour aider. Je n’ai rien à gagner ou à perdre de Rodrigues. Je souhaite toutefois que l’administration régionale prône l’ouverture et non pas la fermeture sur elle-même.

 

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