Prétexte

C’est donc pour améliorer la démocratie que le gouvernement a décidé de renvoyer, pour une troisième fois, les élections municipales. Pour le renvoi précédent, il avait évoqué le Covid, cette fois il vient de découvrir que la loi régissant les municipalités est dépassée et doit être amendée, modernisée. On aurait pu croire à cette excuse si on ne savait pas que le MSM ne respecte que sa propre démocratie, qui est à géométrie très variable. Quelques exemples : quand un ministre est accusé d’avoir accepté des pots-de-vin, la Premier ministre ne pense pas qu’il doive démissionner le temps de l’enquête. Mais quand un avocat se demande sur les ondes d’une radio si la Special Striking Team n’aurait pas fait du planting, cette unité de la police du Premier ministre dépose une plainte, arrête l’avocat, mène l’enquête et loge une accusation provisoire. Selon le leader du MSM, le comportement de la police dans cette affaire — une parmi tant d’autres — est conforme à la démocratie. Quand une magistrate rend un jugement motivé en libérant sous condition un activiste qui avait été arrêté par la SST, le Premier ministre trouve tout à fait démocratique de dénoncer le jugement et de qualifier celle qui l’a rendu d’incompétente. Quand, dans cette même affaire, le commissaire de police s’en prend au Directeur des Poursuites publiques et entre une affaire en cour pour contester sa position, le Premier ministre et ministre de la police trouve cela parfaitement démocratique. Évidemment, selon sa définition particulière de la démocratie, qui veut que quoi qu’il fasse ou quoi qu’il dise, il ait toujours raison. Une version tout à fait orangée de l’adage anglais selon lequel the King can do no wrong.

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Toutefois, le MSM a raison sur un point : la loi régissant les municipalités est dépassée et doit être modernisée. Ce que le parti soleil oublie de dire, c’est qu’il est, en grande partie, responsable de l’état dans lequel sont aujourd’hui les municipalités. Au fil du temps, surtout ces dernières années, tous les pouvoirs ont été enlevés aux élus pour en faire des marionnettes suivant les ordres donnés par l’hôtel du gouvernement. Les municipalités sont devenues des comptoirs où les députés ou les proches du pouvoir gèrent l’attribution des permis et des parentes. On a ainsi vu à Curepipe un député assister et participer à une réunion d’attribution de permis comme s’il était lui-même le maire. Ces maires qui jouaient autrefois leur rôle de premier magistrat de la ville et étaient respectés ont été transformés en figurants dont personne ne connaît le nom. Cette dégradation de l’institution et de ceux qui sont élus pour y siéger a également atteint les villages, où l’on assiste régulièrement au détournement des résultats des élections, quand il s’agit d’élire les présidents des conseils de districts. Dans beaucoup de cas, ce gouvernement qui se dit respectueux et protecteur de la démocratie manipule les résultats des élections à son avantage. La grande trouvaille du MSM c’est de réfléchir sur une nouvelle formule qui permettrait d’organiser en même temps les élections générales, les municipales et les villageoises. Dans un pays où les partis politiques affirment qu’ils veulent changer le système mais refusent de voter les amendements aux lois allant en ce sens, où la simple évocation du vote électronique provoque des crises d’urticaire prolongées ?

Mais tout le monde le sait : ces « propositions » de changement du mode électoral ne sont que de grossiers prétextes pour essayer de cacher la réalité électorale, pour reprendre un terme cher au leader du MSM. Malgré ses énormes moyens financiers et son contrôle absolu de l’appareil d’État, le MSM sait qu’il allait au-devant d’une cuisante défaite si les municipales avaient été maintenues. Malgré ses déclarations tonitruantes sur le soutien dont il prétend disposer, il sait que les citadins, qui représentent la moitié des électeurs du pays, ont une longue liste de comptes à régler. Depuis le Wakashio, jusqu’aux résultats des examens en passant par les multiples scandales et les non moins nombreuses affaires. C’est pour éviter un rejet massif, qui aurait pu se reproduire aux générales, que le MSM a renvoyé les municipales. Le reste n’est que des justificatifs qui ne convainquent personne. Même pas ceux qui sont chargés de les vendre !

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