Crise de l’eau : Les deux prochaines semaines décisives

La pression s’accentue sur le WRMC, qui table sur des pluies diluviennes sur une période prolongée pour éviter le pire…

La pression s’accentue sur le Water Resource Monitoring Committee (WRMC), qui s’est réuni mercredi, sous la coupole du ministre de l’Énergie et des Utilités publiques, Joe Lesjongard. Face à la faiblesse des précipitations, nettement inférieures à la moyenne sur cette période de l’année, le comité envisage des aux restrictions d’eau encore plus drastiques pour tenter d’éviter le pire. Dans le contexte actuel, où le taux de remplissage des réservoirs est de 32,1%, une action coordonnée s des secteurs public et privé s’impose sans tarder pour mettre en œuvre des plans d’urgence et d’aide immédiate nécessaires pour repousser au maximum le jour où les robinets seront à sec une fois la barre des 15% du niveau des réservoirs franchi en raison de la qualité de l’eau.

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« À côté de ces solutions d’urgence, le WRMC a mis en exergue d’autres efforts pour parer au stress hydrique, dont la récupération et le captage de l’eau de pluie que nous encouragerons vivement pour les particuliers et les professionnels », confie une source à la CWA. Les membres dudit comité croisent les doigts pour que les dernières prévisions, la station météorologique de Vacoas, faisant état de pluies diluviennes sur une période prolongée à partir du 1e février, se concrétisent cette fois-ci, quand bien même cette dernière prévoit de fortes précipitations ce mardi ou mercredi.

Aux maux extrêmes, les extrêmes remèdes. Il sera intéressant de suivre lesmesures que prendra le Water Resource Monitoring Committee (WRMC) dans les jours à venir pour faire face à cette sécheresse historique. Et ce ne sont pas les quelques heures de fortes pluies qui ont arrosé l’île au cours de la semaine écoulée qui ont inversé la tendance. En outre, on a noté l’absence de précipitations significatives dans les régions dotées du plus grand nombre, aussi bien en termes de stockage, de réserves hydrologiques, (Bagatelle Dam, Mare-aux-Vacoas et Midlands Dam etc.), apportant des cumuls de pluie de quelques millimètres seulement, bien insuffisants pour pallier la sécheresse des sols qui dure depuis plusieurs mois et redonner un semblant d’espoir aux abonnés des régions qui font probablement face à l’une de leurs pires pénuries d’eau depuis la fin du siècle dernier.
Au sein du WRMC, on refuse toutefois de tomber dans le défaitisme en soutenant que, « quand bien même les précipitations de ces derniers jours ont été trop faibles sur les Plaines-Wilhems, Moka et dans l’ouest de l’île, les passages pluvieux qui ont été très actifs dans les villages du sud et de l’est ont permis de recharger considérablement les nombreuses nappes d’eau souterraines que comptent ces régions qui présentaient un niveau nettement déficitaire avant cet épisode. Il était d’ailleurs prévu, cette semaine, de revoir à la baisse les horaires de distribution du précieux liquide dans ces régions, mais les récentes précipitations ont eu le mérite de reporter cette échéance. Les eaux infiltrées dans les sols suite aux pluies auront surtout servi à humidifier les sols, au profit de la végétation et de l’agriculture. »

Le niveau d’eau que contiennent les sept réservoirs de l’île donne un aperçu de l’épée de Damoclès qui menace le pays. Mare-aux-Vacoas affiche actuellement le même taux de remplissage (39,8% ) que celui enregistré il y a une semaine. Même constat en ce qui concerne Bagatelle Dam, qui se stabilise sous les 30%, au même titre que Midlands Dam (23,2% ). Les abonnés approvisionnés par La Ferme ont du souci à se faire, car le niveau du plus petit réservoir du pays est actuellement de 17,8%, contre 54% à la même période en 2022. Le taux de remplissage du réservoir Piton-du-Milieu est passé sous la barre des 40% cette semaine, alors La Nicolière et Mare-Longue sont respectivement à 43,8% et 56,6%.

Captage d’eau de pluie
Outre le durcissement des Central Water Authority Dry Season Regulations 2022 et des coupures d’eau beaucoup plus conséquentes, il nous revient que le WRMC, en concertation avec le Premier ministre, Pravind Jugnauth, et le directeur de la CWA, Prakash Maunthrooa, compte lancer des campagnes de sensibilisation et d’autres d’actions visant à atténuer les effets de la sécheresse et éviter de plus grands maux. Une source à la CWA nous confie que « nous visons une prise de conscience politique et citoyenne sur le sujet de l’eau avec le soutien des compagnies des secteurs public et privé qui nous seront utiles à bien des égards. Il s’agit désormais de mieux gérer nos ressources naturelles en eau en encourageant les particuliers et les professionnels à s’adonner au captage d’eau de pluie. La création d’une interconnexion de la gestion de l’eau entre les différents districts, qui pourrait se traduire par l’installation de cuves ou de citernes pouvant contenir plusieurs centaines de milliers de litres d’eau, est à l’étude. L’eau récupérée peut être utilisée pour différentes tâches, que ce soit à la maison ou au jardin, ou encore pour des usages domestiques tels que la machine à laver ou les toilettes. »

Comment ne pas d’ailleurs saluer l’initiative de certains citoyens qui semblent aussi avoir pris la mesure de la catastrophe qui se profile si Dame nature continue à faire des siennes. Des habitants de Cap-Malheureux ont pris l’initiative d’installer dans leur jardin plusieurs grandes cuves de récupération d’eau de pluie. « Face à l’incompétence de nos politiques, le captage d’eau de pluie s’avère plus que jamais comme solution pérenne, d’autant que les sécheresses sont vouées à se répéter dans les années à venir ! Mes voisins et moi avons cherché des alternatives en nous tournant vers l’eau de pluie. J’ai désormais deux cuves de 1 000 litres et un récupérateur. Des bassines et de grands bidons peuvent aussi faire l’affaire. Cela me permet d’avoir de l’eau pour arroser mon potager, pour les toilettes et surtout d’éviter d’utiliser l’eau de la CWA », confie une habitante.Un casse-tête pour bien des secteurs

Il n’y pas que le secteur agricole qui est touché par la pénurie d’eau, mais tous ceux qui utilisent l’eau en grande quantité. Alors que le pays subit de plein fouet l’impact d’une sécheresse intense et que les restrictions d’eau sont de mise, on ne compte plus le nombre de professionnels qui se retrouvent actuellement confrontés au casse-tête de la rareté de l’eau qui devient dès lors un réel obstacle à la bonne marche de leurs activités.

Après une longue pandémie mondiale due à la crise du Covid-19, l’industrie du tourisme et de l’hôtellerie fait face à un nouveau problème important que constitue la sécheresse. Encore heureux que ce secteur n’ait pas besoin de se ravitailler en eau par des camions-citernes car, outre le fait de posséder leurs propres boreholes et de récupérer l’eau de pluie, les grands établissements hôteliers ont depuis longtemps opté pour le dessalement. Là où l’eau de mer est disponible à foison, la quasi-majorité des grands hôtels du littoral sont équipés d’unités de dessalement pour éviter les aléas du mauvais fonctionnement éventuel du réseau public « Le dessalement de l’eau de mer est coûteux, mais permet aux établissements hôteliers de devenir autosuffisants et de ne plus avoir à dépendre sur le réseau public de la CWA ou sur l’achat d’eau des camions-citernes », souligne une source d’un établissement hôtelier appartenant au groupe New Mauritius Hotels.

Et quid des parcours de golf qui mobilisent beaucoup d’eau et qui continuent d’être arrosés ? Les établissements hôteliers sont-ils exemptés des Central Water Authority Dry Season Regulations 2022 ? Se fondant sur le dispositif alternatif appliqué par les hôtels, une source à la CWA souligne qu’ « il n’est pas question de faire preuve de complaisance envers quiconque, sauf qu’il est notoire que les hôtels investissent des milliards de roupies dans l’aménagement de leurs propres infrastructures et que le pays aura besoin d’un coup de pouce de leur part pour faire face à la situation. » Le représentant d’un établissement hôtelier du sud de l’île souligne que, « en cas de niveau maximal d’alerte, l’arrosage des parcours de golf est réduit à plus de 30% des volumes habituels. »

Nettoyage à sec
Le lavage à pression étant proscrit, les propriétaires du secteur des Car-Wash, dans les stations-service notamment, sont contraints d’utiliser l’eau judicieusement grâce à des sceaux ou procéder au nettoyage à sec grâce à des produits professionnels. « Techniquement, nous utilisons un peu d’eau pour les mélanges. Le nettoyage se fait grâce à des produits biodégradables, sans solvants, de vapeur et des chiffons en microfibre. À base de composés polymères, ces produits sont constitués de détergent et de lubrifiant et de lustrant. Ces produits nettoient toutes les surfaces du véhicule », souligne Sunil. T, propriétaire d’une station-service à Port-Louis.

Les entreprises spécialisées dans le nettoyage de bâtiments, également soumises aux restrictions, ne sont pas en mesure d’accepter de gros contrats en ce moment « Certaines surfaces demandent des lavages à haute pression, comme dans les hôtels et les grands bâtiments. Ainsi, nous sommes obligés de ne pas accepter ces contrats en attendant que la situation retourne à la normale », fait ressortir Guillaume Auffray, de la compagnie Reckless Rope Solution (RPS), qui souligne cependant que « fort heureusement, outre le nettoyage des vitres, notre firme est aussi spécialisée dans la maintenance des bâtiments, le waterproofing et le débroussaillage d’arbres, entre autres. On croise les doigts pour que nos activités puissent reprendre normalement le plus vite possible. »

L’eau est une denrée essentielle pour le bon fonctionnement des usines de production, dont celles liées au secteur de la pêche. Du nettoyage du poissons à la préservation, en passant par les procédés de la transformation, l’eau est énormément utilisée à tous les niveaux de production chez Hassen Taher Seafoods. Son directeur, Bahim Khan Taher, soutient que « dans la conjoncture, nous devons nous assurer que nous avons toujours le stock nécessaire. Notre usine dispose de réservoirs d’eau géants souterrains. Cependant, depuis quelque temps, en raison de la sécheresse, nous sommes dans l’obligation de solliciter les camions-citernes de la CWA, car le volume d’eau dans nos réservoirs ne suffit pas. Prions pour que les choses s’améliorent très vite, car cela devient très pénible. » Hassen Taher Seafoods songe à investir dans un nouveau système de récupération d’eau de pluie ainsi que dans un projet de dessalement d’eau de mer.L’opposition entre critiques  et propositions

L’opposition parlementaire s’est emparée de la crise de l’eau dans laquelle le pays est empêtré. Patrick Assirvaden, Nando Bodha et Paul Bérenger ont eu des mots durs sur la gestion de ce secteur par le gouvernement MSM, et les deux premiers nommés ont fait des propositions qui, selon eux, seraient les meilleures pour faire face au phénomène à court et long termes.

« Le gouvernement MSM, qui est au pouvoir depuis huit ans, ne peut plus se ranger derrière des excuses fallacieuses pour cacher son incurie et l’absence de projets à l’instar de l’aménagement de nouveaux réservoirs. Kot sanzman tiyo ? Pena. Le ministre Lesjongard a fait un aveu de taille en affirmant que les décisions n’étaient pas prises dans son ministère, mais au sein du PMO. Ala rezilta ! » Propos du député Patrick Assirvaden lors de la conférence de presse du PTr, vendredi. Il exhorte le gouvernement à étudier la possibilité d’utiliser l’eau des quatre centrales hydrauliques du Central Electricity Board (CEB) pour la distribuer à la population à travers le réseau de la CWA et la création de réservoirs régionaux : « Ce n’est pas uniquement moi qui le dis. Des experts singapouriens ont récemment préconisé la construction de 15 petits réservoirs qui sont beaucoup plus efficaces que sept ou huit grands réservoirs. »

Sur les réseaux sociaux, le leader du Rassemblement Mauricien (RM), Nando Bodha, a mis en exergue « les mauvaises décisions visant à mettre à la tête de cette instance des nominés politiques qui ne sont pas des ingénieurs, des scientifiques ou des hydrogéologues parce que pour les autorités, la CWA est un bassin politique important. Les critères et procédures de recrutement et promotions à la CWA laissent à désirer. » Nando Bodha préconise « une prospection et une exploration sur tout le territoire pour faire une carte des ressources en eau disponibles et préconise ainsi une base nationale pour une bonne fourniture à tout moment. »

À long terme, Nando Bodha propose « la construction de mini-barrages à des points stratégiques tout au long des rivières. » Le dessalement de l’eau de mer figure aussi parmi ces mesures : « Nous sommes une île et la mer peut venir à notre rescousse. Le dessalement coûte, mais avec l’innovation, couplée à une technologie verte, on peut diminuer considérablement le coût de production. » Le leader du MMM, Paul Bérenger, n’a pas fait dans la dentelle, hier, en conférence de presse, en affirmant que « la gestion du secteur de l’eau figure parmi les plus grands fiascos du gouvernement MSM. Si cette situation catastrophique perdure, j’ai bien peur que Maurice ne se retrouve dans la même situation que la ville du Cap en Afrique du Sud qui a évité de justesse le Jour Zéro. »

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