PAMELA BAPPOO-DUNDOO:« Ce programme a permis d’autonomiser les petites communautés locales »

Dans cet entretien, Pamela Bappoo-Dundoo conseillère écologique et coordinatrice du GEF-SGP, parle du Global Environment Facility – Small Grants Programme (GEF-SGP), une initiative mise en oeuvre sous le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et qui fête des 20 ans d’implantation à Maurice. Ce programme a été créé en 1992, lors de la conférence de Rio sur l’environnement pour venir en aide aux pays en développement dans le domaine de la préservation de l’environnement.
Qu’est-ce que le Global Environment Facility – Small Grants Programme au juste ?
Il s’agit d’un programme créé en 1992 lors de la grande conférence sur le développement durable qui a eu lieu à Rio, au Brésil. C’est un fonds où les pays développés ont décidé de mettre de l’argent pour aider les pays émergents et les pays en développement à préserver leur environnement.
Cependant, quand on a mis sur pied ces fonds, beaucoup de représentants de populations indigènes, d’Ong et d’organisations communautaires ont fait observer que cet argent sera certes accessible aux gouvernements et au secteur privé, mais pas nécessairement à eux. C’est donc sous la pression de ces organisations de la société civile qu’une branche de ce fonds est depuis dédiée aux populations indigènes, aux Ong et aux organisations communautaires. C’est notamment cela le GEF-SGP.
En quelle année ce fonds a-t-il été lancé à Maurice ?
En avril 1995.
Comment fonctionne le GEF-SGP chez nous ?
Il y a eu d’abord un accord signé avec le gouvernement mauricien pour que ce programme soit mis en oeuvre. Puis, il y a eu la nomination d’un(e) directeur(trice) de programme, qui le gérera sous l’égide du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). C’est ce que je fais depuis bientôt 18 ans.
Ensuite, un comité de pilotage (Steering Committee) a été institué. Contrairement à un board qui ne fait que valider les projets, un comité de pilotage évaluera un projet et en fera le suivi sur le terrain jusqu’à sa réalisation. Le comité de pilotage, conjointement avec la directrice et les Ong qu’on invite, a ensuite élaboré une stratégie en fonction des problèmes environnementaux du pays. Faire une évaluation des dégâts causés à l’environnement et de ce que la société civile se propose de faire pour contrer cette dégradation environnementale. Mais surtout voir ce qu’est la politique gouvernementale en matière de préservation de l’environnement, car on ne va pas venir financer un projet qui n’aura aucune cohérence avec ce qui se fait déjà dans le pays.
Ce “Stratégie-Programme” devient alors le document qui nous permet de lancer des appels à projets, avec d’une part les critères généraux du GEF-SGP et, d’autre part, les spécificités locales définies dans le “Stratégie-Programme” propres au petit pays insulaire en développement que nous sommes. Par exemple : l’augmentation de la résilience des populations résidentes dans les zones côtières à cause de la montée des eaux, la lutte contre l’érosion côtière, et ainsi de suite.
Les critères généraux du GEF-SGP touchent entre autres à la protection de la biodiversité, à la lutte contre le changement climatique, à la pollution des eaux internationales, à la dégradation des sols et à l’utilisation des produits chimiques. Une fois que l’appel à projets spécifiquement dédiés aux problèmes environnementaux identifié, le “Stratégie-Programme” est lancé. Nous entrons dans ce qu’on appelle les phases opérationnelles. Elles sont d’une durée de quatre ans chacune, une période avec un montant d’aide dédié au pays pour financer les projets des Ong.
Depuis que le GEF-SGP existe à Maurice, nous lançons incessamment la phase opérationnelle No 6. Il y a eu la phase pilote, la phase opérationnelle No 1, la No 2, on termine actuellement la 5e et on commencera la 6e. Avec la phase opérationnelle No 5, nous avions USD 1,7 million à donner aux Ong. Somme que nous avons complètement allouée au mois de février dernier quand les quatre derniers projets ont été approuvés. Pour la phase No 6, on ne sait pas encore quelle sera la somme qu’on aura pour financer les projets.
Quels sont les champs d’interventions du GEF-SGP ?
Ce sont les grands axes de l’intervention du GEF lui-même, c’est-à-dire la protection de la biodiversité terrestre et marine, les énergies renouvelables, la lutte contre le changement climatique, la gestion des zones côtières, dont celles de l’érosion côtière, la gestion des déchets, l’agriculture durable et la gestion des pesticides, etc.
Cela fait 20 ans que le GEF-SGP existe à Maurice. Quel en est son bilan selon vous ?
Après 18 ans que je suis au GEF-SGP et que je réfléchis sur l’impact du GEF-SGP sur le pays, je réponds sans hésiter que ce programme a permis à « empower » (“autonomiser”) les petites communautés locales et de renforcer les capacités de gens au niveau local pour leur permettre de prendre leur destinée en mains.
Quand je vois le nombre de petits projets d’entreprenariats que le GEF-SGP a financés ces 20 dernières années, je me dis que ce projet à permis aux gens de se mettre debout et de se battre pour leur environnement immédiat.
Pouvez-vous citer des exemples ?
Nous avons financé jusqu’ici quelque 150 projets. Parmi eux, il y a la production de safran local à Rodrigues, où les femmes produisent aujourd’hui non seulement un safran de qualité, mais bénéficient aussi du fruit de leur labeur, contrairement à ce qui se passait auparavant. Aujourd’hui, ces Rodriguaises sont autonomes et envisagent même de développer une ligne cosmétique à partir du safran. Il y a aussi les tisanes médicinales des femmes de Chemin-Grenier, l’élevage de « poule-likou-touni », à Rodrigues encore, une spécificité très prisée de l’île, où l’on produit 900 poulets par mois. À Maurice, il y a une petite entreprise qui produira du savon à partir d’algues. Bref, ce sont des gens qui ont été renforcés dans leur capacité. Des personnes sont arrivées à s’en sortir à travers ces petits projets financés par le GEF-SGP.
On avance souvent que les gens ne sont pas au courant des programmes d’aide mis à leur disposition. Est-ce le cas avec le GEF-SGP ?
Non, car à chaque appel à projets, nous nous retrouverons avec un nombreux excédentaire de projets qu’on ne peut pas financer. Je dois avouer toutefois que nous avons des problèmes avec l’appellation de ce programme : on parle plus facilement du PNUD que du GEF-SGP. Sur le terrain, les gens parlent de l’aide de l’UNDP, mais rarement du GEF-SGP, un nom difficile à retenir et à dire. Je leur dis que l’UNDP est l’agent sous lequel l’argent arrive, mais que c’est le GEF-SGP qui finance. Mais rien n’y fait : le GEF-SGP reste trop compliqué pour beaucoup… Voilà pourquoi le GEF-SGP souffre parfois d’un manque de visibilité. C’est un problème identitaire, je le concède…

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