Qui a la main?

Le Mauritius Turf Club (MTC) a choisi la voie de la capitulation devant la Gambling Regulatory Authority (GRA) plutôt que la guerre judiciaire. Au lieu de garder son épée de Damoclès de bargaining power de son procès vis-à-vis du régulateur du monde des paris pour obtenir les conditions nécessaires à sa relance, le MTC a préféré composer avec la GRA dans ce!e période préélectorale qui est toujours un moment de faiblesse des organismes gouvernementaux puisque les nominés politiques sont fragilisés et doivent faire preuve de plus de modestie. D’autant que la crédibilité de la GRA est au niveau zéro de par ses pratiques partisanes, son absence de vision pour l’avenir des courses et son acharnement à prendre le remote control des courses au Champ de Mars. Qui a désormais la main sur les courses hippiques à Maurice ?

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Le MTC a fait un choix. Ce choix est loin d’être unanime à la rue Eugène Laurent, mais il répond à la vision d’une aile collaboratrice de l’organisateur des courses et celle de la pression exercée par les entraîneurs qui, à juste titre, peuvent faire preuve de triomphalisme. Mais que personne ne soit dupe dans ce!e volte-face, car le seul gagnant dans ce!e histoire, c’est la GRA de Bheeekary-Dabiddin-Ringadoo qui, désormais, a été adoubée comme instance suprême de l’hippisme par le MTC, qui après plusieurs années de résistance héroïque à la politisation des courses, a fini par céder.

Pour bien montrer sa nouvelle servilité, le MTC s’est paré de tous ses atours pour communiquer abondamment, dans la presse, sur les radios et internet, sur sa danse du ventre aguicheuse afin d’annoncer à toute la population qu’il avait « retiré le procès contre la GRA » afin de plaire aux princes du jour. S’automutiler à ce point est une dis- grâce. Même lorsque les caisses sont vides.

Pourquoi donc le MTC a-t-il été si loin et pourquoi la GRA a pris la main ? En tout cas, il démontre le schisme profond qui existe au sein de ce club vieux de plus de 200 ans. En effet, la division au sein du conseil des administrateurs est criante et détestable. Elle oppose deux ailes, deux personnalités, le président et son successeur désigné mais éconduit, malgré la parole donnée, aux derniers moments lors des élections en début de ce!e année. Le nouveau CEO fait les frais de cet affrontement. En phase d’adaptation, il est injustement, parce que trop tôt, pointé du doigt pour une situation héritée dont il n’a aucune responsabilité. Ce manque d’autorité, au plus haut niveau pour cause de vision divergente, a donné du tonus aux entraîneurs qui contestent la façon dont le club est géré et même le board des commissaires des courses.
Alors que le MTC et ses stakeholders auraient dû être unis autour de leurs dirigeants pour faire face à la GRA qui confond, comme bon nombre d’institutions gouvernementales, régulation et mainmise, les brèches sont exploitées à fond par l’organisme de la Newton House. Machiavélique, ce n’est pas pur hasard qu’il a choisi son interlocuteur au MTC, dont il souhaitait en plus qu’il prenne la barre à la rue Eugène Laurent…
Le pire dans le retrait de ce procès, c’est qu’il était attendu que le GRA fasse le retour des bons procédés en acceptant dès ce!e semaine la fameuse neuvième course qui sauverait le MTC de la noyade financière. Que nenni, le favori de ces messieurs qui savourent leur victoire, pourtant reçu en séance spéciale au milieu de la semaine pour saluer que le bon sens ait enfin pré- valu au MTC, a reçu une fin de non-recevoir pour sa demande expresse. Du moins pour le moment. Et la raison ? À cause du retrait du procès ? Ki bannla pou dire ? Le monde à l’envers ! Non, un bon prétexte pour enfoncer le clou et bien montrer qui sont les nouveaux maitres.

Espérons que la situation se décante la semaine prochaine pour ce qui est bien embarrassant pour le MTC. De plus, il n’est pas inutile de rappeler

que dans le contexte d’un parlement dissous et d’un caretaker government, les organismes gouvernementaux tournent au ralenti et sont soumis à des restrictions importantes. Ainsi,
toute décision favorable, surtout lorsqu’elle était défavorable auparavant, peut être considérée comme étant « un bribe électoral ». Si l’acceptation des demandes du MTC tombe sous ce régime, alors ce serait vraiment de mauvais augure pour ses dirigeants qui ont vraiment choisi le pire des moments pour céder au chantage abject de la GRA.

La preuve que le MTC ne tient plus le cap de son avenir, c’est qu’il est devenu un cultivateur de paradoxe. Alors qu’il caresse de la main droite la GRA dans le sens du poil sur leurs différends fondamentaux, de la main gauche, il conteste son comité d’enquête et deux de ses membres sur les tribulations du comité d’appel du MTC sur l’affaire Holland. Ce nouveau coup de gueule du MTC peut aussi expliquer pourquoi la GRA n’a pas donné ce qui est devenue une monnaie d’échange, la neuvième course, un bien maigre butin alors que cela fait des années que le MTC réclame le commingling des paris, plus de journées, etc. par ces temps difficiles !

Les courses sont aussi dans une impasse à l’étranger. Le gratin hippique sud-africain  qui était chez nous récemment se plaignait aussi du recul de son industrie hippique. La conférence internationale des autorités hip- piques qui a eu lieu le week-end dernier à Pa- ris à l’occasion du Prix de l’Arc de Triomphe tire aussi la sonnette d’alarme, mais regrette la stigmatisation du traitement apporté aux chevaux en général. Le compte rendu de la vidéo de Tracey Crouch, membre du Parle- ment britannique et ancienne ministre des Sports, résume la situation : « Nous sommes à un moment clé pour le secteur. Il est temps de s’emparer de l’agenda sur le bien-être, sous peine de perdre toute une génération de fans des courses et de se retrouver avec un secteur susceptible de décliner. Beaucoup a été fait mais il y a encore beaucoup de travail à faire. »

Le monde hippique craint l’interventionnisme des pouvoirs publics et reconnaît ses faiblesses de communication : « Les courses hippiques n’ont ni temps à perdre ni droit à l’erreur : parce que si elles ne s’emparent pas elles-mêmes des changements à faire, de façon raisonnée et raisonnable, alors des changements lui seront imposés. Changements sur lesquels nous n’aurons pas notre mot à dire, qu’ils soient ou non raisonnés ou raisonnables. Les dé- bats à Paris ont été riches et animés, avec la mise en place d’un système de sondage permanent à toute l’assemblée de s’exprimer sur des questions données… Mais on connaît le grand problème des courses hip- piques, principalement dans les grands pays his- toriques : la difficulté à communiquer de façon efficace sur ce qui est fait pour le bien-être du cheval, pour sa santé. Or, le monde a évolué bien plus vite que les courses dans

leur façon de faire et les associations de protection des animaux les plus extrêmes n’ont pas loupé le wagon de la modernité. Par modernité, comprenez internet, les réseaux sociaux, une communication qui part à toute vitesse, quasiment incontrôlable, et une capacité à fonctionner sur l’affect. La réputation des courses hip- piques est de plus en plus remise en cause, avec beaucoup de virulence, alors que, sur le soin apporté aux animaux durant leur temps dans les courses, les courses sont probablement l’une des disciplines hip- piques les plus irréprochables. La question est : qui doit communiquer ? Les entraîneurs ? Les professionnels en général ? Les médias ? Les autorités hippiques ? Peut- être un peu tout le monde. »

Toutes ces donnes soulèvent la question fondamentale : Qui a la main sur le monde hippique aujourd’hui à Maurice et à l’étranger ? En tout cas, s’il échappait aux hommes des courses, ce serait la fin…

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